Dans une clairière cernée d’une forêt dense, un petit garçon s’applique à badigeonner de vert une boîte en bois que l’on devine être un nichoir. Concentré, l’enfant prend sa mission très au sérieux même si, à 3 ans, ses gestes ne sont pas tout à fait sûrs. À ses côtés, ses parents l’observent, penchés sur son ouvrage. Cette tendre scène prend tout son sens lorsque l’on apprend que ce garçonnet n’est autre le prince Gabriel de Suède qui découvrait ce jour son duché de Dalécarlie, au cœur d’un splendide parc naturel, en compagnie de ses parents le prince Carl Philip et la princesse Sofia. Pour ces derniers, la découverte de la nature n’attend pas le nombre des années. Elle est une priorité qui marquera l’esprit du prince Gabriel dès son plus jeune âge. "C’est un beau symbole, sourit le philosophe Frédéric Lenoir. Cela fait penser aux enfants indiens initiés en forêt. Celui qui veut devenir le futur chef doit partir se confronter au monde et à cette nature."
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L’auteur vient de publier chez Fayard D’un monde à l’autre–Le temps des consciences, le fruit de ses échanges avec Nicolas Hulot sur l’urgence de prendre à bras-le-corps la protection de nos ressources naturelles, à l’aune des crises que nous traversons. "Je trouve formidable d’utiliser sa fonction et sa notoriété au service d’une cause et faire avancer l’humanité, plutôt de n’être qu’un symbole purement historique", se réjouit-il à l’évocation des exemples donnés par les têtes couronnées. Et ils sont nombreux.
Les têtes couronnées sont des figures morales et spirituelles
Chacun a notamment en tête les images de la princesse héritière de Suède, ayant décidé d’arpenter son pays à l’occasion de vingt-cinq randonnées. Un programme essentiellement effectué à pied pour mieux découvrir la nature et les paysages du pays sur lequel elle est appelée à régner un jour. Autre symbole fort, celui de la duchesse de Cambridge apparaissant en couverture de Vogue en mai 2016 dans une mise en scène rurale. Choisir la campagne du Norfolk plutôt que les ors des palais pour faire la une de cette publication réputée pour son glamour augure d’un changement radical d’état d’esprit. Ou plutôt d’une adhésion renouvelée aux valeurs essentielles qui ont traversé l’histoire de nombreuses cours.
Il y a quelques jours, la princesse héritière de Suède et son époux le prince Daniel étaient aperçus dans le comté de Jämtland au centre du pays. Une province que la princesse Victoria avait déjà visitée lors de son cycle de 25 randonnées afin de mieux connaître le pays dont elle deviendra la reine. © Kungl. Hovstatema/ The Royal Court of Sweden
La couronne britannique fait en la matière figure d’exemple. La rein Elisabeth elle-même affiche un goût pour une certaine frugalité indissociable de son mode de vie. Celle qui règne sur seize royaumes n’hésite pas à recycler sa garde-robe, comme lorsque les habitants de Canberra en Australie la virent se rendre à l’office religieux en octobre 2013 dans la toilette qu’elle arborait déjà quelques mois plus tôt lors du mariage de son petit-fils, le prince William, avec Catherine Middleton.
Un exemple parmi tant d’autres pour cette souveraine soucieuse des moindres détails, comme celui de ne jamais laisser les lumières allumées inutilement. Et quand il s’agit de partager la célébration de son 90e anniversaire avec ses sujets, la souveraine opte pour la tenue d’un pique-nique, dont 90% des tickets sont proposés aux 600 organisations caritatives qu’elle parraine afin de lever des fonds pour leurs actions. Au menu, salade de poulet et sandwiches…
Élisabeth II est la reine des plaisirs simples mais essentiels. À l’image de sa passion pour les animaux, illustrant l’importance que la nature tient dans sa vie. À 94 ans, rien ne la ravit plus que la présence de ses corgis ou qu’une promenade à cheval dans les allées de Windsor. "Ces têtes couronnées peuvent apparaître comme des figures morales et spirituelles, poursuit Frédéric Lenoir. Débarrassées de l’exercice du pouvoir, qui oblige souvent à faire trop de compromis, leur fonction est d’avoir une vision. Elles représentent un symbole fort pour un peuple. À elles de rappeler quelles sont ces valeurs essentielles qui permettent de vivre ensemble, qu’elles sont intangibles et que la défense de l’environnement est un combat majeur."
Les familles régnantes se mobilisent, à leur manière
Dans son ouvrage, le philosophe plaide pour cette révolution des consciences qui consiste à prendre du recul avec la notion de "progrès", souvent adossée à la surconsommation et à la dilapidation des richesses naturelles. "Nous y évoquons la 'tragédie des horizons', précise-t-il, les contradictions existant entre les objectifs de court terme et ceux du long terme. Ce que nous vivons en cette rentrée montre cette tension entre les deux, et en même temps la recherche d’un équilibre. Ce qui compte est que l’écologie prenne de plus en plus de place dans nos décisions."
La princesse Marie de Danemark avec ses enfants la princesse Athena et le prince Henrik. L’épouse du prince Joachim est très investie dans la lutte contre le gaspillage.Instagram @detdanskekongehus © Mikkel Adsbøl ️
En la matière, les grandes familles régnantes ne se sont pas contentées d’actions symboliques. À toutes les échelles, la recherche de sobriété est de mise, la recherche du bien-être tel que le formule le royaume du Bhoutan à travers le concept de "Bonheur national brut" n’est plus une chimère, et la décroissance est devenue un terme dont les vertus sont appréciées.
La princesse Marie de Danemark mène ainsi un combat contre le gaspillage alimentaire à travers de nombreuses initiatives. Ateliers avec des enfants, publication d’un livre de recettes pour accommoder les restes, opérations de sensibilisation parrainées par de grands chefs… Ce combat de tous les jours l’a même menée jusqu’à Washington en 2018, où l’épouse du prince Joachim a pris part aux réunions du World Resource Institute, regroupement d’experts œuvrant dans ces domaines de l’alimentation durable.
À Monaco, toutes les générations sont aussi sur le pont. Comme lorsque l’icône mondiale de la lutte pour le climat, Greta Thunberg, embarque sur le Malizia II de Pierre Casiraghi –un moyen de locomotion bien plus sobre que l’avion!– afin d’assister à New York au Sommet mondial sur le climat en 2019. Quant au prince Albert II, il est reconnu depuis toujours comme l’un des précurseurs de ce mouvement pour la préservation des biens communs de l’humanité.
Pierre Casiraghi et les membres de Team Malizia ont permis à Greta Thunberg de rallier New York en voilier. © Ricardo Pinto/Team Malizia
Alors envoyé spécial pour la protection de la planète, nommé par François Hollande, Nicolas Hulot, cosignataire de l’ouvrage avec Frédéric Lenoir, a rencontré le prince de Monaco à de nombreuses reprises, notamment en 2013. "Je me sens parfois très seul dans mon combat et l’engagement de personnalités telles que le prince me redonne de l’énergie!", avait alors déclaré à Monaco Hebdo celui qui allait devenir ministre de l’Environnement. "Pour Nicolas Hulot, la grande question est aussi celle du progrès, note Frédéric Lenoir. Améliore-t-il les sociétés humaines de manière automatique? Évidemment non. Cette amélioration passe entre autres par ces avancées technologiques mais pas seulement. Nous avons besoin d’un progrès moral et spirituel, et de plus de justice."
Transmettre à son tour ses valeurs écologiques
Ces mots pourraient être ceux de Philip d’Édimbourg, défenseur depuis toujours de ces mêmes causes: "Nous n’avons pas été mis sur cette planète pour la détruire, s’exclame l’époux de la reine Élisabeth en 1991. Ici même, en Grande-Bretagne, je vois l’érosion des sols causée par nos techniques agricoles. Il faut une prise de conscience des individus, quelles que soient leurs responsabilités." Et dès 1950, celui qui fut le premier à convertir une part des domaines royaux de Sandringham, Windsor et Balmoral à l’agriculture responsable déclarait: "Le mal général est que l’on consomme trop et tout de suite. La règle devant être, à la pêche, à la chasse comme en agriculture, de ne toucher qu’aux surplus en protégeant le capital. C’est à cette seule condition, par une gestion équilibrée de notre patrimoine naturel, que l’on parviendra à sauver la planète et ses richesses."
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