Un beau soleil d’automne réchauffe les pierres blanches de la façade romano-byzantine de Notre-Dame-Immaculée de Monaco. Depuis le matin, les badauds se massent sur le parvis de la cathédrale. Quelques audacieux, parvenus à franchir le cordon de sécurité, sont gentiment mais fermement éconduits par le service de protocole du palais princier. Comment résister à l’envie de se glisser derrière une colonne? Un mariage royal, même en principauté, ce n’est pas si courant…
Un peu avant midi, le ballet des limousines sombres aux vitres fumées dépose un flot continu de noms prestigieux. Des princes de Bourbon, Napoléon, de Belgique, de Liechtenstein, de Yougoslavie, d’Italie et même de Tunisie et d’Ethiopie que Stéphane Bern, le maître de cérémonie, reçoit selon les règles d’un savant protocole.
L’appareil photo en bandoulière, les touristes guettent l’arrivée du prince Rainier III et de son fils le prince Albert, marquis des Baux, dont les présences sont annoncées. Ils vont être déçus: le souverain et son héritier empruntent une entrée latérale dérobée et rejoignent directement le choeur.
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Dans le sanctuaire, embaumé du parfum de l’encens et des gerbes de lys, retentit le Trumpet Voluntary de Purcell. Charles de Bourbon, duc de Calabre, héritier du trône des Deux-Siciles, passe le portail au bras de sa mère la princesse Chantal, duchesse de Castro. En jaquette sombre, les ordres familiaux épinglés à la boutonnière, le marié porte un gilet gris et une cravate rayée.
Sur le parvis, des monarchistes venus en masse du sud de l’Italie brandissent l’étendard royal et acclament leur prince. Même s’ils regrettent que, pour des raisons de sécurité, la cérémonie n’ait pu se dérouler au palais de Caserte, comme les fiancés l’avaient initialement prévu. Les vivats des Napolitains redoublent quand paraît le duc de Castro, leur "roi Ferdinand!"
Amoureux fous, Charles et Camilla ne se quittent pas des yeux
Camilla a perdu son père à l’âge de neuf ans, et c’est à sa demande que son futur beau-père, ému, la conduit à l’autel. Elle est délicieuse de fraîcheur avec ses cheveux blonds tressés de fleur d’oranger. Sa robe romantique a été créée par le couturier italien Renato Balestra. "J’avais cette envie de petite fille d’un costume nuageux. Un rêve de Cendrillon!"
Partant de la taille, étranglée par une large ceinture, huit jupons donnent de l’ampleur à la jupe de faille de soie. La dentelle du corsage cache dans sa broderie un petit piment napolitain "pour la chance", perdu dans le semis de fleurs aux coeurs de perles. Le volumineux voile de tulle de Camilla est brodé des lys capétiens. Elle porte à son cou le diamant taillé en briolette que vient de lui offrir sa mère, Madame Eduarda Crociani. Son bouquet de roses blanches est piqué d’épis de blé.

Monseigneur Joseph Sardou, archevêque de Monaco, et Monseigneur Jean-François Arrighi, grand prieur de l’ordre constantinien de Saint-Georges et évêque de Vico Equense, vont recevoir le consentement des époux. Incapables de se quitter des yeux, ceux-ci répondent d’un "oui!" ferme et décidé.
Dans sa précipitation, Charles a même du mal à passer l’alliance napolitaine à secret à l’annulaire de Camilla. L’anneau, créé par Bulgari, se déboîte en deux bagues où son tracés les prénoms des mariés. Il rejoint le superbe rubis des fiançailles, gravé des lys de la dynastie.
Par l’amour d’un prince, Camilla est maintenant "Son Altesse Royale la duchesse de Calabre". Deux fils de souverains, Albert de Monaco et Laurent de Belgique, signent à ses côtés le registre des mariages. Charles, lui, n’aurait pu imaginer d’autres témoins que ses deux soeurs les princesses Béatrice et Anne. La cérémonie, conduite en français et en italien, se termine par la lecture de la bénédiction du pape Jean-Paul II.
Un déjeuner digne de la cour de Naples
Six cents convives se retrouvent pour le déjeuner dans les salons de l’Hôtel de Paris. Aidée par le chef du grand palace, la mère du marié, la duchesse de Castro, ressuscite pour l’occasion la gastronomie de la cour de Naples. Inspiré du Cuisinier galant, un opéra "gourmand" du règne de Ferdinand IV, le menu est royal.

Effeuillés de gambas aux asperges, timbales de gnocchi aux cèpes et aux truffes, sorbets aux roses de Sorente, médaillons de veau au caramel, et mousse de pistache, sont arrosés de vins blancs et rouges de Caggiolino et Montepulciano. Le tout couronné par la "torta nuziale", un gâteau de deux mètres, aux grandes armes de la dynastie, que les mariés coupent au son des violons.
En souvenir de cette journée mémorable les invités reçoivent une médaille d’argent, frappée au double profil des jeunes époux. Comme présent de mariage, les nouveaux mariés souhaitent que leurs parents et amis fassent un don aux Missionnaires de la charité, les soeurs de mère Teresa, à Naples.
Le coup de foudre entre Charles de Bourbon-Siciles et Camilla Crociani
C’est sous les bons auspices d’un gala de bienfaisance qu’ils se sont rencontrés, en octobre 1996. Ce soir là, le prince héréditaire Albert de Monaco avait tenu le rôle de Cupidon. Charles et Camilla ne se connaissaient pas encore, et il choisit de les placer côte à côte à sa table. "Comment résister au sourire de Camilla? Il émane d’elle une telle joie de vivre…" Charles fut immédiatement conquis.
Le week-end suivant, les jeunes gens se croisent à nouveau à Saint-Tropez, puis à Rome où ils vivent tous les deux. Ils se découvrent un tas de passions et d’intérêts communs. À New York, où elle a grandi, Camilla organise régulièrement des soirées de charité. Charles, de son côté, a transformé l’ordre de chevalerie familial, le plus ancien de la chrétienté, en une organisation caritative de premier plan. Il a toujours besoin de renforts et enrôle, de bonne grâce, cette ravissante bénévole.
Un soir de promenade dans la ville éternelle, où ils passent devant la fontaine de Trevi, Charles évoque la question du mariage. Leurs familles accepteront-elles? Ils en font le voeu en jetant la traditionnelle piécette dans le bassin du monument baroque. "Il était tout à fait exclu pour nous de l’envisager sans l’accord de nos parents", a témoigné Camilla.
La décision appartient au père de Charles, chef de la Maison royale des Deux-Siciles, qui peut seul décider de conserver ou de retirer ses droits dynastiques à son fils. Le duc de Castro, séduit par les qualités de coeur de la jeune fille, sans doute aussi un peu par son charme ravageur, convient volontiers de la justesse du choix de son héritier. Et malgré l’avis contraire de quelques défenseurs acharnés de la tradition, les fiançailles sont annoncées.

Depuis, deux ravissantes princesses blondes, Maria Carolina, duchesse de Calabre et duchesse de Palerme, et Maria Chiara, duchesse de Noto et duchesse de Capri, ont couronné l’union de Charles et Camilla. Devenus le duc et la duchesse de Castro, roi et reine titulaires de l’ancien royaume de Naples et de Sicile, les princes se consacrent toujours à soulager le sort des plus démunis.
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