D’où venez-vous, Chris ?
Je suis originaire de Monmouth, petite ville à la frontière du pays de Galles et de l’Angleterre. Passionné d’art, j’ai assuré en étudiant la psychologie à l’université de Cardiff… tout en pratiquant la photo. J’avais aménagé une chambre noire dans mon logement étudiant où je passais beaucoup de temps. Le journal de la faculté a été le premier à imprimer mes photos. L’essentiel de mon prêt étudiant est passé dans l’achat de matériel, et le reste en bière. Mes études terminées, j’étais sûr d’une chose, la photo était ma voie, avec son lot de contacts humains et de voyages. Mais je ne savais pas si je pourrais en vivre. J’ai postulé à l’agence Getty Images et ça a fonctionné, j’ai été embauché en tant que commercial. Un an plus tard, je les avais persuadés de me faire passer photographe.
Comment devient-on "royal photographer" ?
Tout naturellement. J’ai commencé comme généraliste, la meilleure chose qui pouvait m’arriver pour apprendre le métier. Peu à peu, j’ai été envoyé sur des sujets royaux, et je me suis rendu compte que cela me convenait tout à fait. J’aime voyager, et j’ai vite compris la chance d’être au premier rang de l’histoire royale qui s’écrit sous nos yeux, comme lors du mariage du duc et de la duchesse de Cambridge. D’autant qu’entre les reportages et les portraits, ce n’est jamais lassant. Il faut travailler à la fois vite et bien.
Il y a toujours quelque chose de vivant dans vos photos. Comment l’expliquez-vous ?
C’est gentil à vous de le dire. La photo royale est un mélange de cérémonial, de formalisme, de sensibilité et de réalisme. Il faut essayer de capturer ces moments d’humanité et d’échanges chaleureux entre les membres de la famille royale. Ce sont ces photos qui me démarquent et qui, le plus souvent, touchent le public.
Vous semblez avoir une relation privilégiée avec Camilla ?
Je photographie la duchesse de Cornouailles depuis des années. Elle a un sens de l’humour fantastique et elle est toujours prévenante. Au fil des années, je l’ai accompagnée lors de nombreux voyages, en Amazonie, au Japon, en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux Îles Salomon… Cela crée forcément des liens et des séances photos plus détendues.
Vous vivez à Richmond. La situation idéale…
Effectivement, Richmond se situe à mi-chemin entre Londres et Windsor, ce qui est bien pratique, selon l’agenda royal. Qui plus est, je me trouve non loin de la Tamise, un bel endroit qui me permet de déconnecter de mon métier et d’être tout de suite dans la nature pour revenir avec un regard plus frais. J’aime courir, et avec les voyages, c’est indispensable. Cependant, je me suis blessé au genou récemment et cela m’empêche de me dépenser, ce qui est très frustrant.
Vous arrive-t-il d’être ému lors d’une séance photo ?
Bien sûr. Je ne suis pas un robot. Certaines cérémonies comme le Remembrance Sunday, le 11 novembre, sont poignantes. Tout comme lorsque j’ai photographié la reine Élisabeth et le duc d’Édimbourg tandis qu’ils avançaient à travers une nuée de coquelicots en céramique symbolisant les disparus de la Grande Guerre. À l’inverse, photographier les enfants est toujours un moment de joie, et je me retrouve souvent hilare derrière l’objectif.
Vous avez travaillé avec le prince Harry dans le cadre de son association Sentebale. Quel est "votre" Harry ?
J’ai toujours aimé photographier le prince Harry. Il avait une énergie et une façon bien à lui de mener ses obligations royales. Il figure sur pas mal de mes photos préférées et j’ai passé à ses côtés des moments importants de ma carrière. Au Lesotho, avec Sentebale, je suis fier d’avoir joué un petit rôle pour faire prendre conscience du sort de nombreux jeunes dans ce pays enclavé dans l’Afrique du Sud. Invictus est sans doute l’une des plus grandes réalisations de Harry. Ça a été dingue de suivre les parcours de tant d’athlètes et de les voir progresser d’année en année tandis que les Jeux Invictus prenaient de l’ampleur.
En 2020, tout a ralenti brusquement lors du confinement. Comment l’avez-vous vécu ?
Bonne question ! Cela a été une année délicate pour tout le monde, et je pense à ceux qui ont souffert pendant cette période. J’ai eu de la chance, car j’ai pu travailler à mon nouveau livre et continuer à suivre des événements royaux. Arrêter de voyager m’a permis de passer du temps avec mon fils. Le grand moment de 2020, c’est lorsque sir Tom Moore a été fait chevalier par la reine, juste avant sa disparition à l’âge de 100 ans. C’était un héros, il fascinait le public. J’ai aussi eu l’honneur de couvrir le 73e anniversaire de mariage de Sa Majesté la reine et du duc d’Édimbourg, quelques semaines avant sa disparition.

Justement, quel "sujet" était le duc d’Édimbourg ?
Je l’ai photographié pendant presque vingt ans, et ce qui m’a toujours frappé, c’est la dignité et l’humour dont il faisait preuve à chaque instant. J’espère que mes photos traduisent l’énergie et l’aplomb avec lesquels il menait ses engagements officiels, comme l’affection authentique et la chaleur dont il entourait sa famille.
Vous êtes très présent sur Instagram, où votre personnage favori semble être votre fils.
Je dois me retenir de ne pas poster trop de photos de lui sur les réseaux sociaux. Il me fait craquer ! Nous adorons la nature, et en avons profité plus encore pendant le confinement, durant lequel nous avons passé de longues soirées à photographier la Lune et à observer la voûte céleste. Il est fasciné par tout cela et commence à s’intéresser à la photo. D’ailleurs, il ne se débrouille pas si mal.
Sortez-vous parfois sans appareil photo ?
Oui, souvent. Même si j’ai toujours à portée de main mon petit Fuji, bien plus léger que mon matériel pro, si éprouvant pour le dos. Mais la photographie étant une passion, j’ai quand même souvent un appareil à portée de main.
* ELIZABETH II, A queen for our time (Élisabeth II, une reine pour notre temps), de Chris Jackson, édition Rizzoli, 224 p.,50 euros (en anglais).

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