L’annonce, inattendue, fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le Landerneau des rois détrônés. Un héritier qui renonce à ses droits, même à une très hypothétique couronne, sans y être contraint, ou fermement encouragé, ce n’est pas si courant. Et dans ce cas précis, il semble que même le prince héritier Alexandre de Serbie, prétendant au trône et père de l’intéressé, ait été pris de court.
Pour Pierre, le prince héréditaire doit vivre en Serbie
Le 28 avril dernier, à la Casa de Pilatos de Séville, le prince Pierre de Serbie signe l’acte de renonciation au droit de naissance qui aurait fait de lui le prochain chef de la dynastie Karadjordjević. En présence de sa mère, la princesse Maria da Glória d’Orléans-Bragance, de son beau-père, don Ignacio de Medina, duc de Segorbe, de son frère et successeur désigné, le prince Philip de Serbie, et de leur demi-soeur, Sol de Medina, comtesse de Ampurias.
"Moi, Pierre Karadjordjević, prince héréditaire de Serbie et Yougoslavie, sain d’esprit, déclare, et en présence de témoins, ma décision d’abdiquer. Je renonce à tous les droits et prérogatives qui m’appartiennent en tant que fils premier-né dans la lignée familiale du chef de la maison royale […] pour moi-même et tous mes descendants, nés ou à naître, dans et hors mariage." Précision utile.
Bien que célibataire, le prince est déjà père, comme l’annonce le quotidien serbe Kurir, d’une fillette, Luna Karadjordjević, née au Royaume-Uni en 2017. Nouvelle surprise ! Plus loin, dans sa déclaration, il explique sa décision : "Il est dans l’intérêt de la dynastie que le prince héréditaire vive avec sa famille en Serbie parmi notre peuple, et mon frère, le prince Philip, a lié sa vie et celle de sa famille à notre patrie."
"Je continue ma vie à Séville, comme je l'ai fait jusqu'à présent"
Comme le souligne bien à propos Pierre, Philip et Danica de Serbie, son épouse, ont un fils, le petit prince Stefan, 4 ans : "Premier membre masculin de la dynastie, né [sur le sol national] depuis neuf décennies". Dans sa déclaration, l’ancien prince héréditaire précise encore que son père, chef de la maison royale, a été officiellement informé de sa "décision inébranlable", comme Sa Sainteté le patriarche serbe Porfirije. Et de conclure : "Je continue ma vie à Séville, comme je l’ai fait jusqu’à présent." Pierre Karadjordjević y exerce la profession de designer graphiste.
L’annonce du prince semblait donc bien ficelée, et tout à fait "orthodoxe", jusqu’au communiqué du "Palais royal de Serbie" publié par son père, moins de quarante-huit heures après. Le chef de la maison royale semble d’abord conciliant : "Concernant le retrait de mon fils aîné, le prince Pierre, de la ligne de succession, je lui souhaite le meilleur pour l’avenir, la santé et le bonheur. J’apprécie son honnêteté quant à la décision difficile qu’il a prise".
Mais le prince Alexandre poursuit sur un tout autre ton. "Cette question m’a été soumise rapidement […] Malheureusement, une procédure aussi cruciale et importante n’a pas été suivie correctement, conformément à la tradition et aux règles de la famille royale […] Cet événement et cette procédure n’ont pas eu lieu au palais royal, en Serbie, en ma présence et sous mon autorité, avec la bénédiction de notre sainte Église et la participation du Conseil de la Couronne…" En clair, du point de vue du prétendant, cette "abdication" unilatérale est invalide. Sans doute aussi se sent-il froissé que la décision ait été prise loin de lui, de son Conseil, et auprès de son ex-épouse Maria da Glória et du mari de cette dernière, le duc de Segorbe.
Philip de Serbie, le nouveau prince héréditaire
En 1985, après douze ans de mariage, et la naissance de Pierre, en 1980, puis des jumeaux Philip et Alexandre, en 1982, la princesse avait divorcé pour épouser don Ignacio de Medina, fils cadet de la duchesse de Medinaceli, dont elle a eu deux filles, Sol, en 1986, et Ana Luna, en 1988. Le prince Alexandre, lui aussi remarié, en 1985, avec Katherine Batis, femme d’affaires d’origine grecque, n’a pas eu d’autres enfants. Un an après la chute de Slobodan Milošević, en 2000, il s’est installé à Belgrade où le palais royal et le palais Blanc, sur l’ancien domaine royal du quartier de Dedinje, lui ont été restitués. Il y anime depuis, avec son épouse, son fils Philip et sa belle-fille Danica, nombre d’oeuvres caritatives.
Philip de Serbie est-il donc bien aujourd’hui le nouveau "prince héréditaire" ? S’il ne l’est encore, il le deviendra sûrement. Son aîné vient de renoncer, et son jumeau mène, selon la presse espagnole "une vie de baroudeur" tout autour de la planète. Seul à vivre en Serbie, marié à une jeune femme d’origine serbe, Danica Marinković, Philip est déjà père du petit prince Stefan, né à Belgrade, en février 2018. Très impliqué dans la vie publique et le rayonnement de l’ancienne famille royale, il fera un parfait futur chef de maison. Responsable, et incontesté. Le prince Pierre l’assure déjà de "[sa] loyauté et de [son] soutien". À moins que d’aventure, un jour prochain, un neveu ou cousin ne vienne lui disputer le titre…
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