Monseigneur, racontez-nous votre découverte de Grajagan…
En 1976, avec un groupe de onze amis, nous avons fait un voyage pour surfer à Bali. Ce sport n’était pas encore très connu, ni l’Indonésie devenue depuis La Mecque du surf. David Michel, un Australien, venait de découvrir ce spot, aujourd’hui considéré comme le meilleur du monde, sur l’île de Java. Le village de Grajagan se trouve au cœur d’une réserve naturelle, en pleine forêt vierge. Les tigres se promenaient jusque sur la plage et nous devions dormir à quelques dizaines de mètres du rivage, entassés sur un petit bateau de pêche à la tortue. C’était dangereux.
Et vous en avez profité pour faire un reportage…
Notre expédition a été très médiatisée. Deux livres ont été écrits et aujourd’hui Geoff McCoy, l’un des plus grands directeurs du cinéma de surf, réalise un film sur cette découverte. Il m’a contacté, par l’intermédiaire d’amis, et moi je me retrouve là-dedans avec quelques déclarations et les photos publiées à l’époque dans le Surfer’s Journal. Cela a été l’occasion de renouer avec ces amis d’il y a quarante-cinq ans. Nous sommes de nouveau en contact et nous échangeons par WhatsApp.

Et vous venez d’effecteur un nouveau voyage en Indonésie…
Avec d’autres amis surfeurs, dont Rico de Souza, l’un des vice-champions du monde de longboard [une planche de près de 3 mètres, ndlr]. Nous étions cette fois sur l’île de Sumatra, où il y a aussi une forêt vierge. Bien sûr, c’est amusant de voir à quel point les conditions ont changé, si l’on compare notre tout petit bateau de pêche d’alors et le yacht d’aujourd’hui…
Comment avez-vous découvert ce sport, est-il apprécié au Brésil ?
J’ai commencé le surf à l’âge de 14 ans, ça fait plus de cinquante ans maintenant. J’étais l’un des premiers Brésiliens et nous étions une trentaine à pratiquer, tout au plus, à Rio de Janeiro. À part aux États-Unis, en Australie et en Afrique du Sud, la discipline était alors à peu près inconnue dans le reste du monde. Moi j’étais passionné et mon père [le prince dom João d’Orléans-Bragance (1916-2005), frère cadet d’Isabelle, Comtesse de Paris] m’a beaucoup encouragé. Il trouvait que c’était un bon moyen pour moi de côtoyer des gens venus d’autres horizons, il ne voulait pas que mes relations se limitent à l’élite sociale du pays. Il me disait : "Sur la plage, même si les gens connaissent tes origines, tu seras seulement João et les gens t’apprécieront pour ce que tu es."

Le surf n’était pourtant pas un sport "populaire" !
Encore assez mal vu en tout cas, un peu marginal. Mais ça a été très important pour moi de découvrir cette convivialité, de vivre cette proximité avec des jeunes de mon âge. C’est à cette époque que j’ai commencé à faire de la photo. Et surtout à voyager pour surfer. Je suis allé au Pérou et puis j’ai traversé l’Atlantique en cargo ; l’avion ou même le paquebot coûtaient bien trop cher à l’époque… J’ai fait tout le parcours des surfeurs : l’Indonésie, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Fidji, les Samoa, et enfin Hawaï. Là, j’ai découvert que le surf, si peu pratiqué dans mon milieu, était pourtant le sport des anciens rois du pays, et de leur noblesse. Quand le capitaine Cook et ses marins sont arrivés sur l’île, vers la fin du XVIIIe siècle, ils ont été stupéfaits de voir ces gens qui semblaient courir sur l’eau. Cela a dû leur paraître magique.

Que ressent-on sur une vague ?
On a le sentiment de voler, sans moteur, sans autre bruit que celui de l’Océan et du vent. Le surf pour les surfeurs, c’est plus qu’un sport, c’est un style de vie. Un lien très fort avec la nature.
Vous avez transmis le virus à votre fils ?
João Filipe pratique surtout la natation, deux mille à trois mille mètres quotidiens. Mais il surfe très bien, et nous avons une très bonne vague ici, à une demi-heure environ de Paraty.
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