Siméon appartient à une des familles les plus titrées et les plus fortunées d'Europe, celle des Saxe-Cobourg et Gotha. Sa mère est la sœur de l'ex-roi Umberto d'Italie. Mais, dans la petite église orthodoxe de Vevey, il n'y avait à ce grand mariage ni le roi Baudouin ni la reine Fabiola, aucun membre de la famille royale d'Angleterre et de la maison de Savoie, ni même l'ex-reine d'Espagne Victoire-Eugénie qui habite Lausanne. Il n'y avait qu'une charmante jeune fille aux grands yeux noirs et à la chevelure de jais qui portait la couronne des reines de Bulgarie et souriait de bonheur aux bras d'un jeune roi en exil. Simplement, il était orthodoxe, elle était catholique et cela seul explique l'absence du Tout-Gotha.

La mariée aurait pu y voir un mauvais présage : lorsqu'elle entre dans la salle des mariages de l'hôtel de ville de Lausanne, il n'y a pas de témoins... À la dernière minute, le prince Karl Wladimir de Leiningen et la princesse Marie-Louise de Leiningen de Saxe-Cobourg-Gotha n'ont pu venir. On les remplace par le colonel Georges Guntcheff, chef de la maison royale, et par le frère de Margarita, José Luis Gomez Acebo.

Mais le soleil illumine la pièce décorée de cyclamens et d'oeillets, la reine-mère est très émue, le roi paraît très amoureux et les photographes détendent très vite l'atmosphère et enlèvent à la cérémonie toute solennité royale... Margarita Gomez Acebo y Modet porte un élégant tailleur noir sur un chemisier de dentelle blanche. Elle est chaussée de souliers à pompons. Elle a au bras un sac de crocodile noir avec une chaîne d'or. Elle est nu-tête.
Le jeune roi est en complet veston gris anthracite, cravate bleu-vert. Il porte un fin collier de barbe châtain. En moins d'une demi-heure, Siméon et Margarita sont mari et femme devant la loi. C'est d'ailleurs par simple courtoisie que le roi a décidé de se marier civilement d'abord, la cérémonie religieuse étant suffisante aux yeux de son pays. À la sortie, sur la place de la Palud, au cœur du vieux Lausanne, toutes les ménagères sont là pour acclamer les mariés. C'est jour de marché...

Les branches de mimosas et les poignées de riz volent en direction des jeunes gens, tandis que fusent les cris de "Vive la reine, bravo, bonne chance !" On essaie au passage de reconnaître Sa Majesté Giovanna, la mère de Siméon, la ravissante reine d'Albanie Géraldine, les princes de Prusse, de Hesse, le prince Romanoff, Makinski, les princes de Géorgie, de Yougoslavie, le roi Farouk d'Égypte et sa fille la princesse Fawzia.

Le soir, le roi et Margarita convient leurs parents et amis à une soirée dans les salons du Lausanne-Palace où se dresse un buffet monumental. Margarita paraît un peu intimidée lorsqu'éclate l'hymne national bulgare. Elle porte une robe de dentelle rose et ne sait pas trop quelle contenance prendre devant l'émotion de la reine-mère et devant les réfugiés bulgares en costume national qui portent Siméon sur leurs épaules. C'est la présentation des cadeaux qui parvient enfin à faire rire Margarita : suivant la tradition, les Bulgares offrent un cochon de lait à leur roi. C'est dit-on, un porte-bonheur... C'est à l'aube seulement que les invités regagnent leurs appartements, trois palaces de Lausanne ayant été réservés à leur intention.
Margarita devient reine des Bulgares malgré l'exil de Siméon
Les solennités ne reprennent que le lendemain, à 13 heures, pour le mariage religieux célébré à Vevey, en langue bulgare et en vieux slave, dans une petite église orthodoxe. La mariée porte une robe de Lanvin-Castillo, mais ce qui l'émeut certes encore bien davantage, c'est cette lourde couronne de brillants, d'émeraudes et de rubis que portèrent le jour de leur mariage la grand-mère et la mère de Siméon, reines de Bulgarie. À 14 heures très précises, Margarita est reine des Bulgares, puisque son mari qui a quitté la Bulgarie il y a seize ans, n'a jamais abdiqué.

Quelques instants plus tard, Siméon fait la déclaration que tous les invités espéraient : "Nos deux églises ont béni et reconnu notre mariage." À ce moment, il ne reste plus qu'à regretter les absents qui ont eu peur de déplaire au Vatican : la famille de Savoie, la famille de France, Michel de Roumanie, le roi des Belges... On comprend d'ailleurs assez mal cette réticence des familles princières puisque la reine-mère, Giovanna, soeur du roi Umberto d'Italie, catholique, avait bien épousé Boris II, orthodoxe, et que le pape Pie XI avait donné sa bénédiction à cette union... Serait-ce alors parce que Margarita appartient au même milieu que la reine Fabiola de Belgique et qu'il ne saurait donc y avoir deux poids, deux mesures ?
Margarita est issue d'une des plus riches familles de Madrid
Margarita Gomez y Acebo est la nièce du marquis de Delleitosa, président de la Banque espagnole de crédit. Elle est issue d'une des plus riches familles de Madrid. Son grand-père était ministre d'Alphonse XIII. Son père, agent de change. Il a été tué avec sa mère au moment de la guerre civile par les Républicains. C'est d'ailleurs un miracle que la petite fille, qui avait alors un an, ne soit pas morte elle aussi. C'est sans doute cette enfance et cette adolescence marquées par la tragédie, qui ont rapproché Siméon et Margarita : l'une est orpheline et a été sévèrement élevée par la marquise de Zurgera, sa tante. L'autre, à onze ans, alors qu'il est roi, doit quitter précipitamment son pays en proie à la révolution communiste. Il y a seize ans de cela... et le jeune homme a traversé beaucoup d'épreuves.
Voir cette publication sur InstagramL'exil commence à Alexandrie, où Siméon et sa mère habitent une modeste villa. Mais en 1951, l'Égypte est devenue dangereuse pour les têtes couronnées et c'est à Madrid que se fixe le roi exilé. Il se baptise lui-même "le roi le plus pauvre d'Europe" et vit bourgeoisement... En septembre 1958, Siméon entre à l'académie militaire de Vally Forge près de Philadelphie, aux États-Unis. C'est un élève modèle qui travaille plus que tout le monde, se distrait fort peu et réussit brillamment.
Comme c'est un beau garçon, à l'allure un peu romantique, on parle beaucoup de ses fiançailles et on prédit pour lui les plus beaux partis : on cite successivement Désirée de Suède, Anne de France, la princesse Fazilet. Mais Siméon a choisi une jeune femme à son...
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