Archives. Le mariage d'Aimone de Savoie et d'Olga de Grèce

Le samedi 27 septembre 2008, sur l’île de Patmos, la princesse Olga de Grèce épousait le prince Aimone de Savoie-Aoste. Un mariage dans le strict respect des règles dynastiques conclu, à la surprise de tous, par les moins conventionnels des royaux.

Par François Billaut - 25 septembre 2020, 07h15

 Le prince Aimone de Savoie et la princesse Olga de Grèce lors de leur mariage religieux le 27 septembre 2008 sur l'île grecque de Patmos.
Le prince Aimone de Savoie et la princesse Olga de Grèce lors de leur mariage religieux le 27 septembre 2008 sur l'île grecque de Patmos. © Costas Picadas

Patmos, dans cette mer Egée où se plongent ses racines. Depuis sa plus tendre enfance, Olga y passe ses vacances, dans la maison de ses parents, Michel et Marina de Grèce. Une terre empreinte de mysticisme, de poésie, en équilibre parfait entre le ciel et l’eau. Dans l’Antiquité, le temple d’Artémis, déesse de la Chasse et de la Nuit, se dressait sur son rocher. Dans une grotte voisine, saint Jean l’Evangéliste, prisonnier des Romains, a écrit l’Apocalypse. Où se marier pour une princesse de Grèce, sinon ici?

Annoncé trois ans auparavant, et sans cesse reporté, le mariage d’Aimone de Savoie-Aoste et d’Olga de Grèce est enfin célébré. Une cérémonie d’une extrême simplicité, selon leurs vœux, et salué par la presse comme une leçon de style, en ces temps de "paraître". "Un vrai mariage grec, sobre et joyeux", commente le prince Amedeo, père du marié. Et pourtant, comme il est fier de cette alliance entre deux princes de sang royal!

Olga connait dans les moindres détails le labyrinthe des ruelles étroites de Chora, la petite capitale. En son honneur, les villageois ont recouvert les pavés usés de rameaux de mythe, la fleur d’Aphrodite, déesse de l’Amour et de la beauté. Sans doute sont-ils aussi fiers d’accueillir dans leur petite cité la reine Anne-Marie et le roi Constantin II, leur ancien souverain. Sa sœur Sophie, alors la reine d’Espagne, est arrivée le matin même, en hélicoptère. Tous logent "chez l’habitant", dans la villa du prince Amyn, le frère de l’Aga Khan, ou celle de sa tante la princesse Sadruddin.

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Pas de cérémonie civile, les mariés se sont unis devant la loi dix jours auparavant, dans la capitale russe, où ils vivent. Pour l’occasion, Vittoria Claudio Surdo, l’ambassadeur d’Italie, a joué les officiers d’état civil. L’archevêque catholique de Moscou a fourni à Aimone les dispenses nécessaires pour une célébration selon les rites de l’église orthodoxe, confession d’Olga. 

La mariée ressemble à une déesse antique

À 18h30, le cortège nuptial paraît sous les murailles fortifiées du monastère Saint-Jean. Deux officiants, vêtus de blanc, portent les couronnes et les "faveurs du mariage" sur un plateau d’argent. Une petite troupe de musiciens locaux escorte Olga. Elle semble descendue de l’Olympe! Dans un précieux sari indien de soie dorée, Prada a créé sur ses indications une étonnante robe antique, rebrodée de longues plumes blanches. Couleur de soleil, "pas pour le faste, mais en signe de lumière et de bon augure", précise-t-elle.

Olga de Grèce aux côtés de son père, le prince Michel. La robe de la jeune princesse, signée Prada, est remplie de symbolisme. © Costas Picadas
Olga de Grèce aux côtés de son père, le prince Michel. La robe de la jeune princesse, signée Prada, est remplie de symbolisme. © Costas Picadas

Son bouquet d’olivier et sa couronne d’épis de blé accentuent encore son allure de déesse antique. Ses souliers, ornés de farfalle, de penne et autres fusilli, en hommage à la patrie du marié, sont l’œuvre de Christian Louboutin. Le célèbre bottier a fait appel à Olga pour dessiner ses boutiques de Londres et de New York, ainsi que sa maison de Louxor. Il est aujourd’hui son témoin.

Le prince Aimone, en jaquette sombre, gilet clair et pantalon rayé, porte l’insigne en diamants de l’ordre de la Très Sainte Annonciade et de petites corolles de fleurs d’oranger piquées au revers de sa veste. Il entre dans l’église de la Vierge Salvatrice au bras de sa mère la princesse Claude de France, au comble de la fierté: "Olga était vraiment très belle. Et ce n’est pas parce qu’il est mon fils, mais je dois dire qu’Aimone était très beau aussi." 

Une cérémonie dans la pure tradition orthodoxe 

Sa Grâce Antipas Nikitaras, archimandrite et abbé du monastère Saint-Jean, va célébrer les noces, assisté de quatre popes. Le lent et majestueux cérémoniel orthodoxe débute. Service des fiançailles, échange des anneaux, couronnement, communion à la "coupe commune" se succèdent. Main dans la main, sous une pluie de pétales de rose, les mariés entament la "danse d’Isaïe" en tournant trois fois autour de l’autel où reposent les saints Evangiles. La cérémonie se termine par l’offrande des "faveurs de mariage": des dragées blanches, symboles de pureté, de douceur, de solidité et de fertilité.

Le mariage princier eu pour décors le millénaire monastère Saint Jean, patrimoine mondiale de l'Unesco. © Costas Picadas
Le mariage princier eu pour décors le millénaire monastère Saint Jean, patrimoine mondiale de l'Unesco. © Costas Picadas

À l’heure où le soleil décline vers l’Italie si chère, la quarantaine d’invités gagne le hall de la vieille école de Patmos. Dans un décor de branches d’olivier, de myrte, de laurier, la brillante assemblée prend place autour d’une table en fer à cheval. Des poissons sauce tzaziki aux dolmadakia, les classiques feuilles de vigne farcies, le menu, typiquement grec, vient de chez Benetos, le restaurant gastronomique de l’île.

La musique est locale, jouée par les musiciens de la ville. De quoi raviver les souvenirs de jeunesse du prince Michel et de ses cousins, au temps où leur famille régnait à Athènes. Les bonbonnières d’argent, en revanche, sont typiquement italiennes. Un nœud de Savoie, symbole d’amour éternel, unit "A et O", au chiffre des mariés.

Cadeau plus personnel, Michel de Grèce offre à son gendre l’étui à cigarettes Fabergé de son propre grand-père, le roi Georges Ier. Fils cadet du roi de Danemark, ce premier "roi des Hellènes" est monté sur le trône en 1863. Il est l’ancêtre commun des mariés.

En fait, le père d’Olga est à la fois cousin germain d’Irène de Grèce, la grand-mère paternelle d’Aimone, et celui de sa mère, la princesse Claude de France! Autant dire que les jeunes gens se connaissent depuis toujours…

Aimone et Olga, deux "têtes dures" éprises de liberté

Aimone a passé son enfance en Toscane, non loin de Florence, dans le village du Borro où son père le prince Amedeo, duc d’Aoste, gérait le grand domaine agricole familial. Depuis une dizaine d’année, il est installé à Moscou, où il dirige l’antenne de la firme italienne Pirelli. C’est à Madrid, à l’occasion du mariage de leur cousin Felipe d’Espagne, au printemps 2004, que le prince regarde avec un intérêt soutenu sa séduisante cousine.

En les découvrant inséparables, le duc d’Aoste plaisante avec sa voisine de table, la princesse Marina, à propos d’une bien improbable romance entre leurs deux enfants. Les moins conventionnels des princes de leur génération. Deux "têtes dures" éprises de liberté. Et pourtant…

Olga a grandi entre New York et Paris où ses parents, l’écrivain et historien Michel de Grèce et la peintre et sculptrice Marina Karella, poursuivent leurs carrières. Une émulation artistique qui a conduit la jeune femme, diplômée des prestigieuses universités de Princeton et de Columbia, à devenir architecte et décoratrice.

Alors que les royaux cousins grecs prolongent de quelques heures délicieuses leur séjour en mer Egée, les jeunes mariés regagnent Athènes le surlendemain des noces pour rentrer à Moscou. Ils attendront de prochaines vacances pour s’offrir deux semaines de repos dans la maison que le jeune prince possède au sud de l’Italie, dans ce "duché des Puglie" dont il a reçu le titre à sa naissance.

Le 7 mars 2009, à Paris, un premier enfant vient couronner leur union. Prénommé Umberto, en hommage au dernier roi d’Italie, disparu en 1983, il est titré par son grand-père "prince de Piémont". Il est rejoint, en 2011, par un petit Amedeo "duc des Abruzzes", et en 2012 par leur sœur Isabella. Des titres d’apanages royaux que contestent le prince Victor-Emmanuel, prétendant de la branche aînée de la famille. Mais pour le président des anciens sénateurs du royaume, comme pour de nombreux monarchistes italiens, les princes de Savoie-Aoste, seuls issus de mariages égaux et royaux, représentent bien la lignée légitime.

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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