Le nouveau triangle d’or de l’art contemporain à Paris

Longtemps délaissé par les grands noms de l’art contemporain, le quartier Matignon-Saint-Honoré devient leur eldorado. Emmanuel Perrotin et Nathalie Obadia rejoignent ainsi une trentaine de galeries, dont Lelong ou Huberty & Breyne, fraîchement établis. Une concentration inédite, preuve de la vitalité du marché, confirmée par la refonte du siège parisien de Christie’s, en attendant l’arrivée prochaine de son concurrent Sotheby’s…

Par - 20 octobre 2021, 14h30

 Nathalie Obadia dans sa nouvelle galerie au 91 rue du Faubourg-Saint-Honoré.
Nathalie Obadia dans sa nouvelle galerie au 91 rue du Faubourg-Saint-Honoré. © David Atlan

Nathalie Obadia

Tout change pour que rien ne change. L’immobilisme, très peu pour elle. Nathalie Obadia a tourné la page du Marais, "un quartier avec trop de contraintes d’accessibilité et une piétonnisation empêchant le stationnement". Sans état d’âme, elle a fermé sa seconde galerie parisienne inaugurée en 2013, rue du Bourg-Tibourg, pour en ouvrir une autre, rue du Faubourg-Saint-Honoré. Au numéro 91, elle a pris la place de la banque Barclays et investi un espace de près de 420 m2 de plain-pied.

"Je ne voulais pas une simple vitrine avec deux tableaux…" L’architecte Gaspard Saint-Macary a réaménagé le lieu autour d’une verrière, source de lumière et de possibilité d’installation de sculptures. Sol en pierre de Bourgogne, mobilier français Alki, moquette réalisée avec des filets de pêche recyclés, l’esprit de la galerie se veut "contemporain, chaleureux" et de bon goût. À tout point de vue.

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Il y a aussi un salon privé, showroom spacieux pour présenter des oeuvres à des clients… en toute confidentialité,  "comme l’exige ce quartier d’affaires, très 'Mayfair', où les clients descendent au Bristol, déjeunent au Mermoz, se font des costumes sur mesure chez le tailleur Kenjiro Suzuki ». Une "luxurisation de la galerie Obadia", selon l’expression de l’un de ses amis.

Certainement. Mais on ne lui changera pas son ADN d’avant-garde. "Après une exposition de groupe, véritable panorama de mes artistes, je vais présenter dès le 7 octobre les dernières oeuvres de l’Américaine Mickalene Thomas, puis en janvier prochain les sculptures de Wang Keping", confie celle qui fêtera, en 2023, les 30 ans de sa galerie.

Par Raphael Morata 

Emmanuel Perrotin, Tom-David Bastok et Dylan Lessel 

L'union fait la force. Emmanuel Perrotin n’est jamais là où on l’attend. Lui, l’un des piliers du marché, a accepté d’associer son nom à ceux de Tom-David Bastok et Dylan Lessel. "C’est l’alliance 50/50 de trente ans d’expérience et d’une jeunesse qui prend des risques", confi-et-il en maître Yoda de l’art contemporain.

Profitant du confinement où les salons internationaux étaient à l’arrêt, les trois compères ont eu le temps de bien réfléchir à ce projet de galerie, 8, avenue Matignon, spécialisée dans le second marché (oeuvres revendues en maisons de ventes ou lors de ventes de gré à gré).

Ainsi ont-ils rénové les 400 m2 des quatre étages de l’ancienne galerie Yoshii dans un "esprit new-yorkais". Chaque niveau a son salon privé, décoré de mobiliers de designers historiques, et jouxtant une pièce d’exposition où l’on découvre des Baselitz, Buren ou Keith Haring.

Tom-David Bastok, Emmanuel Perrotin et Dylan Lessel dans leur galerie au 8, avenue Matignon à Paris. © David AtlanTom-David Bastok, Emmanuel Perrotin et Dylan Lessel dans leur galerieau 8, avenue Matignon à Paris. © David Atlan

"Pour l’exposition d’ouverture dont la scénographie a été conçue par Cécile Degos, nous avons osé mettre en vitrine un Calder ! Du jamais-vu", confie Tom-David Bastok. "On ne s’interdit rien, ajoute Dylan Lessel. Mais nous ne voulons pas apparaître comme des faiseurs de coups. Notre leitmotiv, c’est le long terme. Une même vision, celle de trouver le prix intelligent pour fidéliser acheteurs et vendeurs."

En quelques semaines, les trois associés ont pris leurs marques "dans ce quartier en plein essor, à quelques minutes à vélo de grands musées, de palaces et salles de ventes." Tom-David et Dylan ont déjà leurs habitudes pour régler leurs affaires autour de très bonnes tables tels le Stresa, La Scène ou encore le Kinugawa Matignon.

Par Raphael Morata 

Christie's

Opération transparence. Au 9, avenue Matignon, les nouvelles et larges vitrines de Christie’s font honneur à deux fauteuils de Pierre Chareau, vedettes d’une prochaine session d’enchères.

Depuis le 8 septembre dernier, le siège parisien de la maison de ventes britannique a pris ses aises, englobant l’ancienne Galerie Félix-Vercel qui fait le coin avec la rue de Ponthieu.

Le décorateur Jacques Grange et l’architecte Frédéric Druot au côté de Cécile Verdier, présidente du bureau français de Christie’s. © David AtlanLe décorateur Jacques Grange et l’architecte Frédéric Druot au côté de Cécile Verdier, présidente du bureau français de Christie’s.© David Atlan

"Cet agrandissement traduit parfaitement l’évolution de la maison, qui se veut plus ouverte qu’il y a vingt ans lorsque nous nous sommes installés à Paris", témoigne sa présidente Cécile Verdier. Elle a confié au décorateur Jacques Grange et à l’architecte Frédéric Druot le soin de relier l’ancien et le nouveau.

Le hall historique, très minéral, a gagné en lumière, l’atrium accueille désormais un grand bureau, dessin de Jacques Grange, où sont gérées les transactions. Bientôt, le nouvel espace pourra accueillir des ventes aux enchères visibles de la rue. 

Par Marie-Eudes Lauriot Prévost

Jean Frémon

Un quartier stratégique. Aujourd’hui, sans fanfaronner – ce n’est pas l’esprit de la maison –, le président-directeur général de la Galerie Lelong peut affirmer qu’il a eu le nez fin.

En 2018, Jean Frémon (à droite sur la photo) reprenait l’espace laissé vacant après le départ de la Galerie Noirmont. "Le numéro 38, ce n’est pas le meilleur emplacement à l’extrémité nord de l’avenue Matignon. Mais dans quelque mois, nous aurons comme voisin Sotheby’s !"

Si la galerie historique est toujours 13, rue de Téhéran, le marchand a souhaité un second espace afin de dédoubler les expositions ou proposer deux lieux pour un même artiste, comme ce fut le cas pour le travail de David Hockney sur la Normandie, "nos deux galeries étant à cinq minutes à pied…"

Ernest Pignon-Ernest accompagné de Jean Fremon dans la vitrine de la Galerie Lelong, avenue Matignon à Paris. © David AtlanErnest Pignon-Ernest accompagné de Jean Fremon dans la vitrine de la Galerie Lelong, avenue Matignon à Paris. © David Atlan

À ses yeux, l’avenue Matignon a de nombreux avantages logistiques : "Elle est très large, ce qui permet l’accès et le stationnement des camions de transport d’oeuvres. À la fois calme et très passante, elle assure une très grande visibilité pour les hommes d’affaires étrangers ou les équipes d’importants cabinets d’avocats de passage à Paris. Quand ils ont une heure à perdre, entre deux contrats, ils viennent chez nous. Actuellement, ils peuvent découvrir Haïti, le secret cheminement du sang d’Ernest Pignon-Ernest."

Pour Frémon, l’engouement pour ce quartier, "une histoire de cycle et de mode", est aussi à voir du côté d’un regroupement des galeries autour des salles de ventes, Christie’s, Sotheby’s, Piasa et Artcurial. "Nous sommes dans un secteur où la concurrence est toujours dopante. Nous avons intérêt à nous regrouper. Cela favorise tout le monde". 

Par Raphael Morata 

Huberty & Breyne 

La BD comme un art. Il y a deux ans, seuls les amateurs connaissaient l’adresse parisienne de cette galerie belge spécialisée dans les auteurs de bande dessinée, cachée dans une impasse du quartier des Halles.

"Nous voulions être...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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