Maxime Charron, l'antiquaire des objets à provenance royale

C’est sa marque de fabrique et sa passion. Amoureux de l’histoire, il traque les œuvres d’art commandées par ou pour les têtes couronnées des siècles enfuis. Et les propose à ses clients dans son appartement-galerie Royal Provenance. Ou à Fine Arts Paris qui l’expose pour la première fois. Portrait d’un antiquaire atypique.

Par Antoine Michelland - 26 novembre 2020, 08h00

 Maxime Charron auprès de la pendule borne commandée par Louis XVIII pour la comtesse du Cayla, sa dernière favorite.
Maxime Charron auprès de la pendule borne commandée par Louis XVIII pour la comtesse du Cayla, sa dernière favorite. © Julio Piatti

Une merveille de pendule Restauration. Pure de ligne, en bronze doré à décor d’hermine, comme pour mieux en affirmer le caractère royal. "Elle provient du château de Saint-Ouen, construit et meublé sur ordre de Louis XVIII pour sa dernière favorite, la comtesse du Cayla", sourit Maxime Charron, antiquaire, expert et fondateur de la galerie Royal Provenance. "Naturellement, le roi a fait appel aux plus grands fournisseurs de l’époque, dont Lucien-François Feuchère pour les bronzes de cette fameuse pendule. "

Rien ne prédestinait Maxime à devenir antiquaire, pourtant il a peu à peu fait sa place dans le monde de l'art. © Julio Piatti
Rien ne prédestinait Maxime à devenir antiquaire, pourtant il a peu à peu fait sa place dans le monde de l'art.© Julio Piatti

Il est facile d’en retracer l’histoire. À la mort de la comtesse, en 1852, le château et tous ses trésors vont à sa fille, Valentine, devenue par mariage princesse de Beauvau-Craon. En 1869, le mobilier prend le chemin du château d’Haroué. Et y reste jusqu’en 2015, lorsque Minnie de Beauvau-Craon vend aux enchères plus de quarante pièces remar- quables de son aïeule, dont la pendule. "Qui a échappé par miracle au classement par l’État de nombre des trésors historiques dont la princesse se séparait."

Aujourd’hui, elle est l’un des objets phares exposés par Maxime Charron dans le cadre de Fine Arts Paris 2020, un événement qui cette année se tient exclusivement en ligne. "C’est ma première participation. Fine Arts est le salon parfait pour grandir et apporter une visibilité plus internationale." Car Maxime n’est pas du sérail. Il doit se faire un nom dans le marché de l’art.

À la recherche de pièces de provenance royale

Né le 25 septembre 1986, dans les Yvelines, "un département truffé de châteaux royaux, Versailles, Marly, Saint-Germain-en-Laye... ", le sémillant jeune homme grandit dans une famille très éloignée de ces préoccupations. "Ma mère, Nadine, est professeur de sport. Et mon grand-père maternel, Agathon Lepève, fut vice-champion d’Europe de relais 4 x 100 mètres, à Oslo, en 1946. Je faisais moi-même beaucoup de football. C’est même comme ça que tout a commencé."

Une des 72 assiettes du service pompéien de Jérôme Napoléon pour son hôtel particulier de l’avenue Montaigne. © Julio Piatti
Une des 72 assiettes du service pompéien de Jérôme Napoléon pour son hôtel particulier de l’avenue Montaigne.© Julio Piatti

En troisième, les entraînements de foot de Maxime sont incompatibles avec son emploi du temps du collège. À moins de prendre l’option latin. Qui s’assortit d’un voyage de fin d’année à Rome. "Il y a eu un avant et un après. J’ai été soufflé par la beauté de la Ville éternelle, je voulais devenir archéologue. À la Sorbonne, mon mémoire de master 1 portait sur 'La découverte d’une ville romaine à Irun'. Mais je voulais trouver tous les jours des bustes antiques et des sarcophages égyptiens, l’archéologie n’est pas ce que j’imaginais, alors j’ai changé de voie."

L’étudiant rejoint l’École du Louvre pour mieux appréhender le marché de l’art. Il a la chance de décrocher un stage chez Christie’s et de travailler sur la vente du siècle qui voit la dispersion de la collection d’art Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, en 2009. Il se forme ensuite pendant cinq ans auprès d'un commissaire priseur et de l’expert Cyrille Boulay, spécialiste de la Russie impériale. "C’est ainsi que l’idée m’est venue de m’orienter, moi qui aime tant les objets qui racontent l’histoire, vers les pièces de provenance royale."

Maxime et son assistante et compagne, Maroussia Tarassov-Vieillefon, examinent une boîte à portrait en or et nacre, portant, enchâssée sur le couvercle, une miniature sur émail représentant Louis XV. Ils ont remonté l’histoire de ce présent royal jusqu’en 1720. Devant eux, une tabatière en or au chiffre de Louis-Philippe, alors duc d’Orléans. © Julio Piatti
Maxime et son assistante et compagne, Maroussia Tarassov-Vieillefon, examinent une boîte à portrait en or et nacre, portant, enchâssée sur le couvercle, une miniature sur émail représentant Louis XV. Ils ont remonté l’histoire de ce présent royal jusqu’en 1720. Devant eux, une tabatière en or au chiffre de Louis-Philippe, alors duc d’Orléans.© Julio Piatti

En 2014, Maxime s’installe à son compte et crée Royal Provenance. Et cinq ans plus tard, une société d’expertise pour les ventes aux enchères. "Mes premières acquisitions en salle des ventes ont été des bibliothèques entières sur l’histoire de l’art pour m’aider à trouver des sources, à tracer des pièces, à mener l’enquête. Car là est ma particularité, dénicher des objets mal identifiés et établir leur provenance royale de façon formelle."

L’un de ses premiers coups est l’achat d’une tasse à thé Empire, en Sèvres, sur Internet. Le tout jeune marchand sent là un objet exceptionnel et se plonge dans les archives de la Manufacture. "Il existait sept cabarets (services à thé) égyptiens de Napoléon, dont l’un était entièrement perdu. Hé bien, ma tasse provenait de ce service, offert à la dame d’honneur de l’impératrice Marie-Louise." 

Chaque trouvaille est riche en émotion

Chaque trouvaille est riche en émotion. Comme cette veilleuse de la duchesse d’Angoulême, cédée à un collectionneur allemand, ce printemps. "Il y en a eu seulement quatre créées à Sèvres pendant tout le XIXe siècle. Celle-ci avait encore son écrin d’origine en cuir vert. La fille de Louis XVI, l’autre enfant du Temple, avait peur du noir depuis sa détention. Elle l’a payée avec son propre argent, à l’exposition de l’Industrie, au Louvre. J’en ai trouvé mention dans une gazette de l’époque: 'Acheté par Mme la dauphine.'"

Buste de l’impératrice Marie-Louise, en Sèvres de 1813, d’après un modèle de François-Joseph Bosio. © Julio Piatti
Buste de l’impératrice Marie-Louise, en Sèvres de 1813, d’après un modèle de François-Joseph Bosio. © Julio Piatti

Autre Bourbon malheureux, le comte d’Artois est très présent dans l’appartement-galerie de Maxime. Notamment à travers une huile réalisée par Danloux et représentant le futur Charles X en exil au palais de Holyrood. Un portrait offert par le prince au comte de Sérent, précepteur de ses enfants. Juste à côté, une aquarelle de Dugourc, exquise, montre le même comte d’Artois vingt ans plus tôt, en uniforme des gardes suisses.

"Regardez ce fauteuil. Nous l’avons acheté à Drouot voici trois semaines. Grâce à mon associé, Éric Duprez, qui s’est rappelé l’avoir vu dans un article de L’Estampille, voici trente ans, identifié comme venant de la chambre de Marie-Antoinette à Saint-Cloud. Là, il était juste vendu comme estampillé de Dupain. L’étiquette mentionnant 'Saint-Cloud Chambre de la reine' était toujours présente, mais l’encre en était effacée. En regardant aux UV, cependant, cela reste lisible. Nous avons vérifié d’autres indices, la provenance est avérée."

Orlov, le Cavalier King Charles, trône sur la plus récente trouvaille de Maxime Charron: ce fauteuil estampillé Dupain et venant de la chambre de Marie-Antoinette, à Saint-Cloud. © Julio Piatti
Orlov, le Cavalier King Charles, trône sur la plus récente trouvaille de Maxime Charron: ce fauteuil estampillé Dupain et venant de la chambre de Marie-Antoinette, à Saint-Cloud.© Julio Piatti

Son assistante et compagne, Maroussia Tarassov-Vieillefon, née d’un père russe et d’une mère française, seconde notamment Maxime pour l’art russe. "Ma mère m’emmenait dans les musées et je rêvais d’être conservatrice. J’ai fait une licence en histoire de l’art et l’École du Louvre. Je m’étais d’abord intéressée à la sculpture de salon en terre cuite XVIIIe mais, après un stage chez un grand commissaire-priseur de Lille, ma connaissance de la langue russe m’a rattrapée." 

Le couple vient ainsi de travailler sur un kovch de Fabergé, objet en forme de louche à punch, qui sera vendu chez Millon le 16 décembre 2020. "C’est un objet somptueux, issu de la collection d’une famille française", ajoute Maxime. "La veille aura lieu la vente Marie-Hélène de Rothschild, chez Pierre Bergé, pour laquelle j’ai notamment expertisé un pendentif avec une améthyste, présent de Napoléon III à Eugénie et frappé du chiffre du couple impérial."

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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