Charlène de Monaco s’avance au milieu de la cour d’honneur métamorphosée en cathédrale. Sublime dans sa robe Armani, au bras de son époux, le prince Albert, vêtu de l’uniforme crème des carabiniers. Chacun a en tête cette représentation du couple princier au jour de son mariage... Dans l’ombre d’un car régie, un homme a veillé à ce que cette journée de rêve soit visible sur tous les écrans du monde. Réalisateur de télévision très prisé, Jérôme Revon a conservé un souvenir ému du moment.

Celui qui vient de mettre en images l’entrée au Panthéon de Maurice Genevoix définit ainsi son métier: "Il s’agit de mettre en scène, assurer en direct un événement avec tout ce que cela implique de complexité. Le mariage a par exemple représenté un an de travail. Le prince Albert m’avait fait observer que j’avais transformé le palais en studio télé (rires). Nous avions été très intrusifs, mais l’événement allait être regardé dans le monde entier et le prince a été très compréhensif."
Son aventure monégasque commence en 2007
Vêtu de noir comme tous ceux qui arpentent les coulisses, Jérôme Revon nous accueille dans son bureau de Boulogne, univers immaculé rehaussé d’œuvres aux couleurs éclatantes, mêlant travaux personnels et toiles d’artistes parmi lesquelles on reconnaît Jérôme Mesnager ou Troy Henriksen. Sur le mur adjacent, des cadres mentionnent ses décorations: chevalier de l’ordre national du Mérite, des Art et des Lettres, mais aussi de l’ordre de Grimaldi décerné en 2013 par Albert II.

Son aventure monégasque commence en 2007. Alors qu’il y réalise avec Michel Drucker une émission de variétés intitulée Tenue de soirée, tournée au Sporting, il croise le prince qui fait partie des invités. Et visiblement, le courant passe. "Nous avions dit à son entourage que s’il se mariait, nous serions très heureux d’en réaliser les images, confie le réalisateur. Quelques années plus tard, nous avons reçu un appel: 'Le prince se marie, que proposez-vous?'"
Voici comment, en 2011, le réalisateur immortalise l’événement, couvrant la Principauté de trente caméras avec un défi personnel ambitieux: se démarquer du mariage du duc et de la duchesse de Cambridge qui vient d’avoir lieu au printemps!
"Le prince connaît bien les contraintes liées aux retransmissions télévisées"
Ces jours-ci, Jérôme Revon a de nouveau pris ses quartiers à Monaco pour la fête nationale. "Cela fait partie des événements importants, poursuit-il, car sa scénographie associe divers moments, comme la remise de distinctions dans la cour du palais et le Te Deum à la cathédrale. Pour la messe, nous avons un contact installé dans le chœur même, doté d’une oreillette pour nous transmettre des indications. Cela représente quatre ou cinq heures d’un direct intense."

La veille, le prince ne manque pas de rendre visite à l’équipe de production: "Nous passons rapidement en revue le déroulé du lendemain. Le prince connaît bien les contraintes liées aux retransmissions télévisées. Ce moment un peu off est très sympathique."
Autre temps fort, le baptême du prince héréditaire Jacques et de sa sœur la princesse Gabriella en 2017. Comme souvent, l’émotion s’est bâtie sur une foule de secrets de fabrication et d’anecdotes: "Dans la cathédrale, j’avais installé une caméra au plafond, juste au-dessus des jumeaux. Même si elle était bien accrochée, je n’ai pas été tran- quille de toute la cérémonie (rires)."

Selon les événements, l’atmosphère dans le car régie est à la fois concentrée et électrique. Jérôme Revon confesse avoir le trac en toutes circonstances, qu’il s’agisse de réaliser un épisode du jeu Burger Quiz, de Ford Boyard, un numéro de Sept sur sept ou La Nuit des César. "Il y a la peur de rater, de ne pas être sur l’instant. Dans le brouhaha, vous pouvez très bien manquer quelque chose d’important. La pression est forte."
Jérome Revon est de tous les "événements de la République"
Le réalisateur producteur a pourtant du métier. En faisant ses classes à Canal+ auprès de Charles Biétry, il contribue, à 22 ans, à révolutionner la manière dont le sport est filmé. Cette très bonne école lui ouvre toutes les portes, dont celles de l’Élysée. Depuis François Mitterrand, il est de tous les "événements de la République", comme il les nomme.
La veille de notre rencontre, le téléphone élyséen a encore sonné. Jérôme Revon doit régler les détails de la réalisation de l’entretien qu’Emmanuel Macron accorde le 14 octobre 2020 à Anne-Sophie Lapix et Gilles Bouleau. C’est encore lui qui, en mars der- nier, met en images les déclarations du Président annonçant le confinement. "Plus de trente-cinq millions de spectateurs l’ont vu, se souvient-il. Ce sont des moments importants pour la République. J’aime vivre cela. Nous ne participons pas à l’histoire, mais marchons à ses côtés."
L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac en 1997, son insolite virée nocturne en voiture deux ans plus tôt tout juste élu –pour lequel Jérôme Revon mobilise un avion tournant au-dessus de la capitale qui retransmet les images captées par la moto dans le cortège!–, mais aussi un regard filmé entre Barack Obama et Vladimir Poutine applaudi par la tribune officielle lors du 70e anniversaire du Débarquement... Ces images, d’une forte puissance évocatrice, sont entrées dans l’histoire et trouvent leur source dans les premières amours de ce grand voyageur: la photographie.

À 15 ans, il attrape le virus en utilisant l’appareil de son père disparu deux ans plus tôt. Aujourd’hui, ses clichés d’architecture révèlent l’énergie des lieux qu’il arpente, comme dans sa série Splits. "Mes mises en scène associent plusieurs images. J’aime quand David Hockney combine ses Polaroid, ou JR ses grandes compositions. À travers ces mises en scène, je recherche le mouvement et l’inattendu."
De quoi aider ce perfectionniste à décrocher d’un métier aussi fascinant qu’éprouvant. "Le direct est comme une drogue et vous ressentez un contrecoup violent, une décompression forte. Pendant deux, trois jours, je peux ne plus m’intéresser à rien..." La curiosité renaît pourtant, et ce passionné nourrit un rêve secret: réaliser la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques à Paris en 2024, "un défi sur lequel je me verrais bien finir ma carrière!"
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