Jean-Charles de Castelbajac : "Être un passeur est une chose essentielle"

Le créateur protéiforme vient de publier un beau livre "Dessins tout-terrain" et s’est installé à la Galerie des enfants du Centre Pompidou pour une exposition-atelier, "Le Peuple de demain". L’occasion de revenir sur son rapport au trait, à la couleur et à ses inspirations.

Par Jérôme Carron - 28 décembre 2021, 07h15

 Jean-Charles de Castelbajac à la Galerie desenfants du Centre Pompidou pour son exposition-atelier,Le Peuple de demain.
Jean-Charles de Castelbajac à la Galerie desenfants du Centre Pompidou pour son exposition-atelier,Le Peuple de demain. © Julio Piatti

Comment est né ce livre ?

Une montagne de dessins, un chaos de souvenirs, voilà sa raison d’être. En se plongeant dedans, Pauline, mon épouse, y a vu du vivant. Avec l’aide d’une archiviste, elle a commencé à faire le tri. La plus grande part de ma vie a été consacrée à la mode, un monstre gigantesque et totalitaire. C’est un médium d’anticipation, vous avez peu de temps pour creuser ce mystère qu’est l’art. Mais j’ai toujours réussi à trouver du temps pour dessiner, dès que j’en avais l’occasion.

Vous citez un philosophe grec : "L’homme est intelligent parce qu’il a une main." Le dessin est à l’origine de tout ?

J’ai réalisé très tôt qu’en dessinant ma solitude se transformait en trace. Au départ, mon trait était très malhabile. J’étais un gaucher contrarié. Cette contrainte faisait naître une suite d’accidents, à l’opposé de ce que je ressens aujourd’hui. J’arrive à un moment exaltant de ma vie, vertigineux, celui du lâcher prise. Je suis dans la fulgurance. Et comme le disait le pape Jean-Paul II : je n’ai pas peur.

Avec leur petite Eugénie en tenue de demoiselle d’honneur, Pauline et Jean-Charles sacrifient à la photo des mariés.
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Lors de votre enfance au pensionnat, les couleurs des vitraux sont votre premier éblouissement…

Mon musée personnel était composé de ces vitraux, mais aussi d’étendards, de drapeaux, de blasons qui peuplaient les histoires de ma famille et le réfectoire de ma pension. À travers eux, je voyais la couleur fragmentée et le fil de plomb est devenu le trait noir de mes dessins. L’héraldique impose une économie de couleurs et un savoir chromatique. Tout cela me ressemblait, car il n’y a pas de compromis possible. Je me suis inspiré de cette base pour développer ma créativité.

Jean-Charles de Castelbajac avec son livre, Dessins tout-terrain.
Jean-Charles de Castelbajac avec son livre, Dessins tout-terrain. © Julio Piatti

Ces couleurs sont-elles aussi une limite ? 

C’est plutôt une forme de discipline et de conquête. Elles sont universelles et s’appliquent aux choses les plus humbles comme aux pierres précieuses. On les retrouve tout au long de ma carrière sur des baskets ou sur les vêtements liturgiques des Journées mondiales de la jeunesse de 1997. Je peux toucher toutes les couches de la société avec cette gamme courte et efficace. 

À quel point votre filiation a-t-elle influencé votre vitalité artistique ? 

Ma mère venait d’une famille d’architectes et mon père m’a initié à l’histoire. Elle m’a transmis une forme de créativité et lui une forme de continuité. Les deux m’ont forgé et m’ont permis de voir de la profondeur au travers des choses légères, et inversement. Cette double vision peut expliquer le mystère de mes installations. Toutes ces dualités s’imbriquent car derrière chacune de mes histoires, il y a une autre histoire. 

Jean-Charles de Castelbajac devant l’un des totems de son exposition Le Peuple de demain au Centre Pompidou
Devant l’un des totems de son exposition Le Peuple de demain au Centre Pompidou, le créateur nous déclare être toujours en "éblouissement et émerveillement". © Julio Piatti

Que ressentez-vous en vous installant au Centre Pompidou ? 

J’ai le sentiment de construire un cœur à l’intérieur d’un cœur. L’invitation du Centre m’a beaucoup intéressé, parce que je suis très attaché à la transmission, comme ma mère et mon père l’ont fait avec moi. Quand j’ai vu ce lieu, cet espace pour les enfants, j’ai su qu’on allait construire trois pavillons, y installer des drapeaux, créer des totems et mettre en scène un univers pictural imaginé pour les enfants. Être un passeur est une chose essentielle. 

Dessins tout-terrain, par Jean-Charles de Castelbajac, Flammarion. 

Le Peuple de demain, au Centre Pompidou jusqu’au 9 mai 2022.

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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