Pour faire taire Mary L. Trump, ils ont tout essayé. L’intimidation. Les recours devant les tribunaux. Et, quand la publication devenait inéluctable, la calomnie. "Fake news", a martelé la porte-parole de la Maison Blanche au moment de la très médiatique sortie de Too much and never enough, (Trop et jamais assez, dans la version française). "C’est un livre bête, malhonnête et truffé de mensonges", a commenté le président sur la chaîne conservatrice Fox News.
Difficile pourtant de ne pas prendre au sérieux le captivant récit dont Robert J. Trump –le frère cadet de Donald– a tenté pendant des mois d’empêcher la parution. "Je savais que pour me décrédibiliser, ils me présenteraient comme envieuse, frustrée, guidée par le seul appât du gain", raconte l’auteure. "Mais face à la gravité de la situation du pays, je n’ai plus d’autre choix que de parler."
Fred Trump, un patriarche insensible, autoritaire et malhonnête
Mary L. Trump, 55 ans, est la fille du frère aîné de Donald, Freddy Trump Jr, mort en 1981 d’une crise cardiaque liée à son alcoolisme. Évincée du clan –et de ses testaments– depuis plusieurs décennies, elle a longtemps fréquenté l’immense maison new-yorkaise où ont grandi l’actuel président des États-Unis et ses quatre frères et sœurs. Un foyer où l’argent coule à flots, et que la docteure en psychologie clinique dépeint comme profondément dysfonctionnel. À propos de sa grand-mère Mary Anne (la mère de Donald), elle résume: "Émotionnellement instable, dépendante affective, elle était le genre de mère qui, plutôt que de rassurer ses enfants, se sert d’eux pour se rassurer elle-même."

Un portrait encore plus glaçant est réservé au promoteur immobilier d’origine allemande Fred Trump, le père de Donald. Décrit comme insensible, autoritaire et malhonnête, il ne s’intéresse guère à ses enfants, et souvent, les méprise. "Incapable d’empathie, il n’exigeait qu’une seule chose de sa progéniture: l’obéissance." Pour lui, la peur, la souffrance et les excuses sont des signes impardonnables de faiblesse.
Alors que Donald est âgé d’à peine 3 ans, sa mère tombe malade –des suites d’une infection abdominale– et se soigne loin du domicile familial pendant près d’un an. À ce moment crucial du développement infantile, son absence met le garçon en état de détresse. "Isolé, privé de sa principale source d’affection, il n’a d’autre choix que de se tourner vers son père, l’homme qui le terrorise." Une position intenable, durablement traumatisante, qu’il surmonte par de puissants mécanismes de défense.
Pour masquer sa vulnérabilité face à l’abandon et aux abus de ses parents, il feint l’indifférence. Et à son tour, devient bientôt agressif, arrogant, irrespectueux…
Donald et Freddy, deux frères rivaux
C’est ensuite la rivalité avec son frère Freddy –le futur père de Mary– qui conditionne l’adolescence de Donald et son entrée dans l’âge adulte. Fred, le patriarche au cœur de pierre, souhaite que l’empire familial soit un jour repris par son fils aîné. Mais ce dernier, d’un tempérament doux, opposé à celui d’un killer avide de pouvoir, échoue dans le rôle d’héritier exemplaire. Passionné d’aviation, il rêve d’embrasser une carrière de pilote. Mais souffre de se dérober à son destin, seul moyen d’exister aux yeux du paternel… qui, pour lui faire payer ses pas de côté, ne rate pas une occasion de l’humilier.
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Adoptant le point de vue de son père –sans doute pour se rapprocher de lui–, Donald voit en ce frère un "loser", et choisit au contraire, pour gagner, de pulvériser les règles du jeu. "Là où Freddy reculait, Donald s’est mis à hausser les épaules… et à foncer. À faire ce qu’il voulait, sans demander la permission, moins parce qu’il était fort que parce qu’il craignait plus que tout de ne pas l’être." Dans la fratrie comme dans la vie, il ne pouvait y avoir qu’un seul gagnant: tous les autres devaient perdre.

Enfin remarqué par le patriarche, Donald ne recule désormais devant aucune tricherie pour asseoir son immense besoin de reconnaissance. Au lycée, il paie un camarade pour présenter à sa place les examens d’entrée à l’université. Une décennie plus tard, il passe maître dans l’art de frauder le fisc, avec la complicité active de son père, premier bénéficiaire de son succès poudre aux yeux. "Le mensonge relève pour lui de l’instinct de survie", explique Mary. Tout comme la peur panique d’apparaître vulnérable.
Le soir où son frère Freddy, perdu dans une spirale d’alcool et de dépression, meurt seul à l’hôpital, Donald va au cinéma. Sa sœur aînée, Maryanne Trump Barry, juge à la cour d’appel fédérale à la retraite, qualifie Donald de "clown dénué de principes", dans un enregistrement rendu public à la parution du livre.
Sa nièce Mary souligne que "au fond, Donald est toujours ce petit garçon terrifié de ne pas être à la hauteur. Ses hyperboles et ses bravades ne s’adressent pas au public qu’il a face à lui, mais à une audience constituée d’une seule personne: son père". Citant Victor Hugo, elle blâme moins l’homme que le système qui l’a rendu possible: "Cette âme est pleine d’ombre, le péché s’y commet. Le coupable n’est pas celui qui y fait le péché, mais celui qui y a fait l’ombre."
Trop et jamais assez, de Mary L. Trump, éd. Albin Michel.

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