La scène est glaçante. Alors qu’elle sort en voiture de sa propriété d’Ohain dans le Brabant, en compagnie de son époux, la baronne Myriam Ullens de Schooten reçoit quatre balles à bout portant. Les secours ne peuvent rien faire pour la ramener à la vie. Quant à Guy Ullens de Schooten, il a été blessé à la jambe. L’assaillant n’est autre que son beau-fils le baron Nicolas Ullens, âgé de 57 ans. La Belgique est sous le choc. "Mimi", comme elle souhaitait qu’on l’appelle, et Guy (prononcez-le à l’américaine) formaient l’un des couples les plus singuliers de l’aristocratie d’outre-Quiévrain…
C’est en 2007 que le grand public les découvre. À quelques mois des Jeux olympiques de Pékin, ces collectionneurs d’art contemporain réalisent "le rêve de leur vie" en ouvrant, au cœur même de la capitale chinoise, la première fondation privée d’art contemporain, l’Ullens Center for Contemporary Art (UCCA). Pour ce faire, ils ont vendu 14 aquarelles de William Turner, alors la plus belle collection de cet artiste en mains privées. Retiré des affaires depuis 2000, Guy n’est pas fait pour l’inaction. "Je suis un anarchiste qui aime remettre de l’ordre", proclame celui qui, en quatre glorieuses décennies, a transformé la somnolente entreprise familiale – les Sucreries tirlemontoises – en un véritable empire de l’agro-alimentaire – le groupe Artal –, aujourd’hui actionnaire majoritaire des très lucratifs produits d’amaigrissement Weight Watchers.
"Mimi" se consacrait à des organisations à but non lucratif
La famille Ullens de Schooten Whettnall, elle, a pris de l’embonpoint et pèserait, selon la presse économique belge, entre 2,5 et 3,5 milliards d’euros ! "Mais là où d’autres s’assoiraient sur leur tas d’or, confie l’un de leurs proches bruxellois, eux sont généreux et flamboyants." Car c’est bien d’un couple dont il faut parler dans cette étonnante aventure au pays d’un Mao revu et corrigé par Warhol et Koons. "Leur alchimie à deux fait des étincelles", confie leur ami architecte Jean-Michel Wilmotte, qui a signé la rénovation du UCCA. "Sans elle, reconnaît le baron, je ne me serais pas lancé dans ce projet. Sans elle, je ne saurais toujours pas quoi faire avec ma collection d’art contemporain chinois accumulée depuis bientôt vingt ans. Myriam est devenue le leader de notre groupe. Je ne suis pas un bon négociateur. Heureusement que mon épouse était là. Son sens de la diplomatie et du management a fait merveille.
Myriam Lechien est née à Cologne en 1952. Elle a passé sa petite enfance en Allemagne où son père était colonel de l'armée belge. À l'âge de cinq ans, elle entre dans un internat en Belgique, étudie à Namur, puis à Liège. À 18 ans, elle se marie avec le premier garçon dont elle tombe amoureuse et avec qui elle aura deux enfants, Gilles et Virginie. Le couple ne dure pas. "Je me suis retrouvée avec deux gamins en bas âge, sans aucun diplôme et sans pension alimentaire." À 24 ans, pour s’en sortir, elle lance un bar à salades, près de l’avenue Louise à Bruxelles.

Quatre ans plus tard, le succès venant, elle crée une pâtisserie professionnelle nommée Sweetly. Dans à la fin des années 1990, cherchant à développer son entreprise, elle rencontre Guy Ullens. C’est le coup de foudre. Le baron divorce de Micheline Franckx qui lui a donné quatre enfants. Mimi se consacre désormais à des organisations à but non lucratif, finance des projets au Népal dont deux orphelinats et la première école à proposer dans ce pays le programme du diplôme du baccalauréat international. Après un cancer du sein traumatisant, elle fonde la Mimi Ullens Foundation pour "redonner de la dignité aux malades".
Qui a assassiné baronne Myriam Ullens de Schotten ?
Ses initiatives reçoivent le soutien de la famille royale belge. "J’ai rencontré la reine Mathilde, quand elle était jeune princesse, nous confiait Mimi au sortir d’un déjeuner-débat au palais de Laeken en 2015. La reine s’est passionnée pour notre engagement caritatif de l’Ullens School au Népal, puis à nouveau pour la fondation Mimi". Lors d’un voyage officiel à Pékin, Mathide ne manquera pas de visiter l’UCCA.
Depuis plusieurs décennies, la famille Ullens entretient d’excellents rapports avec les différents monarques de la dynastie, du roi Baudouin à Albert II qui a permis, en 2013, à tous les descendants de Guy Ullens de porter le titre de baron. Mimi connaît aussi personnellement les plus grandes familles du gotha (le frère de Guy est ainsi marié à la comtesse Madeleine Bernadotte). Elle siège au conseil d'administration de la Royal Drawing School, fondée par le roi Charles III. En novembre 2022, sa petite-fille Marine Degryse a fait ses premiers pas dans ce monde des têtes couronnées lors du Bal des débutantes au Shangri-La à Paris.
Bien que passionnée par l’écriture – elle monte sa pièce Adam et Eve, ce n’est pas du tout ce que vous croyez et publie le roman Distant Starless Nights – et le yachting (elle possède le Red Dragon, un somptueux sloop de 51,70 mètres), le goût des affaires ne la quitte pas. Elle créé la Maison Ullens, une marque de mode spécialisé dans "le vestiaire prêt à voyager". "Je suis une nomade, je fais ma valise environ 300 fois par an". Sa première boutique, rue Marignan, est signée par le célèbre architecte Rem Koolhaas. Un projet ambitieux mais coûteux...

L’enquête sur ce crime odieux risque de faire grand bruit en Belgique. La personnalité du tueur interroge. Ancien agent de la Sureté de l’Etat, Nicolas Ullens s’est déjà retrouvé dans une histoire trouble où il mettait en cause la probité de l’homme politique Didier Reynders. Une heure après l’agression, celui-ci s’est rendu à la police. Il est poursuivi pour assassinat et infraction à la loi des armes par le juge d’instruction. Son mobile serait d’ordre financier, d’après le parquet du Brabant wallon. Selon des sources proches de la famille, il serait question "de problèmes d’héritage, une question conflictuelle entre Nicolas Ullens de Schooten et sa belle-mère depuis plusieurs années." L’affaire Ullens ne fait que commencer…

Connectez-vous pour lire la suite
Profitez gratuitement d'un nombre limité d'articles premium et d'une sélection de newsletters
Continuer
Un journalisme d’excellence, des contenus exclusifs, telle est la mission de Point de Vue. Chaque article que nous produisons est le fruit d’un travail méticuleux, d’une passion pour l’investigation et d’une volonté de vous apporter des perspectives uniques sur le monde et ses personnalités influentes. Source d’inspiration, notre magazine vous permet de rêver, de vous évader, de vous cultiver grâce à une équipe d’experts et de passionnés, soucieux de porter haut les couleurs de ce magazine qui a fêté ses 80 ans. Votre abonnement, votre confiance, nous permet de continuer cette quête d’excellence, d’envoyer nos journalistes sur le terrain, à la recherche des reportages et des exclusivités qui font la différence tout en garantissant l’indépendance et la qualité de nos écrits. En choisissant de nous rejoindre, vous entrez dans le cercle des amis de Point de Vue et nous vous en remercions. Plus que jamais nous avons à cœur de vous informer avec élégance et rigueur.