24 heures avec Albert de Monaco

Vingt-quatre heures dans la vie d'un homme pressé. Vingt-quatre heures passionnantes pendant lesquelles rendez-vous diplomatiques, événements mondains, visites officielles et séances de travail s'enchaînent à un rythme effréné. De Fontvieille au Larvotto, en passant par le port Hercule, Point de Vue a suivi le prince Albert II de Monaco.

Par Emmanuel Cirodde - 24 avril 2017, 04h40

 Le souverain dans son bureau de la Tour de l'Horloge. Un lieu de travail rempli de souvenirs et d'objets personnels, où trône en bonne place la photo de la princesse et de leurs deux enfants.
Le souverain dans son bureau de la Tour de l'Horloge. Un lieu de travail rempli de souvenirs et d'objets personnels, où trône en bonne place la photo de la princesse et de leurs deux enfants. Courtesy of Frédéric Nebinger/Palais Princier

Mercredi à Monaco, le soleil vient d'amorcer son déclin et baigne d'une lumière dorée la place du palais assiégée par les admirateurs. Ils espèrent apercevoir leurs idoles, quelques-uns des grands noms qui ont fait l'histoire du petit écran. Car dans quelques instants, le prince Albert et la princesse Charlène recevront dans la cour du palais les hôtes de prestige du 55e Festival de télévision de Monte-Carlo.

L'événement a fait vibrer la Principauté toute la semaine et ce cocktail en constitue le point d'orgue glamour avant la remise des prix prévue le lendemain

Les voitures officielles déposent les invités triés sur le volet au pied de la porte d'honneur. Lindsay Wagner -la célèbre Super Jaimie des années 1970- rejoint Bo Derek, Lee Majors ou encore Ron Perlman qui assistent à 18h40 à l'ouverture des lourdes portes de cette résidence huit fois centenaire.

Le prince Albert et la princesse Charlène accueillent au palais les personnalités du petit écran participant au 55e Festival de télévision de Monte-Carlo. Courtesy of Organisation FTV

Sous le porche, chacun attend son tour pour saluer les souverains installés à l'entrée de la cour d'honneur. Cet accueil personnalisé touche les invités et montre l'attachement du prince à cette manifestation. Notre tour venu, il nous adresse un sourire et un mot aimable. Splendide dans une robe blanche Ralph Lauren, la princesse Charlène se tient à ses côtés et prend le temps de discuter avec les nombreux artistes présents.

Le hasard des rencontres, qui place côte à côte l'inoubliable méchant de Prison Break (Robert Knepper) et l'inoxydable Bobby de Dallas (Patrick Duffy), confère à l'événement un petit air de party californienne. Un peu plus loin, sous l'ombre portée de la galerie d'Hercule, le lieutenant-colonel Laurent Soler, chambellan du prince, veille discrètement sur tous les détails de la réception. Et dans l'atmosphère paisible de ce début de soirée, cet ancien membre des forces spéciales, qui garde le sourire en toutes circonstances, songe sans doute déjà aux premiers rendez-vous du prince prévus le lendemain.

Chaque rendez-vous de l'agenda du prince Albert est millimétré

Autour de 8 heures, jeudi matin, le Rocher s'éveille doucement. Les membres du personnel s'activent déjà dans les couloirs de la demeure princière. Les jardiniers offrent un peu de fraîcheur aux fleurs des galeries, tandis que l'appariteur distribue les premiers courriers du jour.

Non loin de la cour des Petits Quartiers sur la droite du palais, motards et carabiniers prennent place pour répéter le passage en revue qui accompagnera les rendez-vous diplomatiques de la matinée. De 9 à 11 heures, le prince reçoit en effet les lettres de créance des ambassadeurs d'Indonésie, de la République populaire d'Angola et de Bosnie-Herzégovine.

Le protocole est d'une précision redoutable. "Le déroulement de ces cérémonies fait l'objet d'envoi aux services de copies figurées", nous précise le chargé de mission pour les affaires protocolaires. "Un document qui en détaille toutes les étapes."

Vingt minutes avant le deuxième rendez-vous de la matinée, le chargé de mission se rend en convoi à l'Hôtel Hermitage Monte-Carlo, où réside pour l'occasion l'ambassadeur de la République d'Angola. Dans la voiture, ce dernier répète une ultime fois la phrase qu'il prononcera dans quelques instants devant le prince Albert.

Au même moment, le prince ajuste sa cravate dans la salle des Glaces. Un pas derrière lui, se tiennent messieurs Jacques Boisson, secrétaire d'État, Georges Lisimachio, chef de cabinet et Gilles Tonelli, conseiller de gouvernement pour les Relations extérieures et la Coopération.

La matinée est souvent réservée aux audiences avec les ambassadeurs

À 10 heures précises, les motards et la voiture convoyant l'ambassadeur s'engouffrent sous le porche de la porte d'honneur. Face à eux, un détachement de huit carabiniers aux ordres du lieutenant-colonel Philippe Rebaudengo présente les armes. Les trompettes sonnent un bref hommage musical avant que l'ambassadeur ne procède au traditionnel passage en revue et soit accueilli par le chambellan au pied de l'escalier d'honneur.

Les deux hommes empruntent alors l'escalier Rouge -par opposition à l'escalier Noir, situé un peu plus loin dans le palais-, pour regagner le salon attenant à la salle des Glaces. "Je profite de ce court trajet pour briser la glace et mettre à l'aise l'ambassadeur", confie le lieutenant-colonel Laurent Soler.

La cérémonie de remise des lettres de créance des ambassadeurs a lieu dans la salle des Glaces. Courtesy of Frédéric Nebinger/Palais Princier

La première mission du diplomate qui remet ses lettres de créance est de chercher au sol le point bleu qui indique la position qu'il doit occuper face au prince. Il prononce alors la phrase répétée peu avant dans la voiture: "Monseigneur, j'ai l'honneur de présenter à Votre Altesse les lettres de créance qui m'accréditent auprès d'Elle en qualité d'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République d'Angola."

Documents remis, main serrée et photo prise, le prince convie l'ambassadeur à une audience privée de dix minutes dans le salon de Famille, pièce aux proportions chaleureuses, dans lequel on distingue un splendide portrait en noir et blanc de la princesse Grace. "La durée de cet entretien est toujours la même, nous explique le chambellan, afin qu'aucun diplomate ne puisse se sentir privilégié ou lésé."

À l'issue de l'audience, un petit moment convivial a lieu dans la salle des Glaces autour d'un rafraîchissement. "Les sujets de discussion sont variés", poursuit le chargé de mission pour les affaires protocolaires. "L'environnement fait partie des sujets de choix, car la fondation du prince Albert est présente partout dans le monde."

À l'issue de la cérémonie, le prince nous donne son sentiment sur la complexité relative des usages diplomatiques. "Vous savez, il s'agit d'un protocole assez simple. Imaginez comment les choses peuvent se dérouler dans d'autres pays comme, par exemple, le Japon, où chaque geste compte et doit être répété un certain nombre de fois", conclut-il en souriant.

La sécurité du prince en déplacement est la première des priorité

Peu avant 11 heures, les services de sécurité rattachés au palais entament les repérages des sites que le prince doit visiter dans la journée. Les "précurseurs" sont chargés de ces missions de sécurité, sous la supervision des aides de camp du prince, le lieutenant-colonel Jean-Luc Carcenac et le lieutenant-colonel Emmanuel Lebegue.

"Un chantier est un site dont les particularités sont à prendre en compte, nous explique ce dernier. Si notre mission concerne la sécurité du prince, nous oeuvrons d'une certaine manière également pour ceux qui le reçoivent. Le bon déroulement d'une visite ou d'une inauguration est forcément bénéfique pour chacun." Les précurseurs ont ainsi optimisé le cheminement initial afin que le prince ne passe qu'une seule fois par chaque endroit.

Albert doit également accéder aux toits du site pour observer l'installation de spectaculaires groupes électrogènes. Il reste aux équipiers à mobiliser deux ascenseurs pour éviter tout temps mort et intégrer à la prospection les questions de communication: où placer les photographes pour capter l'instant sous le plus bon angle pour obtenir la meilleure image de cette inauguration. À 11h30, les équipes se mettent en place.

Pour les questions de protocole et de logistique, le prince Albert peut comptersur son chambellan, le lieutenant-colonel Laurent Soler et ses deux aides de camps, dont le lieutenant-colonel Emmanuel Lebègue. Courtesy of Frédéric Nebinger/Palais Princier

À midi, la radio annonce le départ du prince du palais pour Fontvieille. Chacun se tient prêt. La Lexus LS 600h hybride du prince se gare au pied de l'immeuble. La présence du souverain ravit les passants et la visite se déroule à la perfection. Les aides de camp, tout comme les services de presse et de communication, font partie du service d'honneur placé sous l'autorité du chambellan. Le lieutenant-colonel Laurent Soler nous reçoit dans son bureau situé dans l'aile nord du palais pour évoquer les différentes facettes de son travail auprès de la famille princière.

"Nous montons des opérations sur le plan protocolaire, mais aussi logistique. Nous venons de vivre une année magnifique, mais terrible pour notre service (rires). La naissance des enfants a été un moment magique, tout comme leur présentation aux Monégasques et leur baptême. J'ai ressenti une grande émotion lors de ce dernier événement. Nous célébrons également les dix ans de règne du prince Albert et le mariage de Pierre Casiraghi, ce qui constitue de grands rendez-vous pour le service du protocole. Le plus compliqué reste de gérer l'imprévu. Cela ressemble à une lapalissade, vous minutez et organisez tout dans les moindres détails, quitte à prévoir un plan B, puis un grain de sable peut venir enrayer le système mis en place. Les poussées d'adrénaline sont fréquentes dans ces cas-là."

Le palais princier est le coeur du pouvoir de la Principauté

Épicentre de la principauté, le palais est à la fois un lieu de visite, où l'on vit et où des gens travaillent. Le cumul de ces trois fonctions oblige à une gestion stricte de l'espace.

"Pour accéder à leur lieu de résidence, les souverains disposent d'une entrée réservée, que l'on appelle 'la nouvelle aile' et qui se situe à gauche du palais. L'ensemble est gardé par les carabiniers. Leur chef m'a informé l'autre jour que 350 000 personnes passaient chaque année par le poste de contrôle à l'entrée! Et si ces carabiniers participent à la parade dans leurs beaux uniformes blancs, ils ont des balles réelles dans leurs fusils et une seconde arme automatique à disposition. Ce sont des soldats opérationnels."

L'après-midi du prince est consacrée à des réunions de travail au palais. Selon la nature et le nombre de ses interlocuteurs, ces séances se tiennent dans divers lieux, parmi lesquels le bureau du prince et, juste à l'étage du dessous, le bureau d'Apparat. C'est dans ce dernier qu'il reçoit à présent les membres de son cabinet. Ils font leur entrée dans cette belle pièce au mobilier raffiné, dominé par un portrait du prince Rainier III.

Le prince reçoit les membres du cabinet dans le bureau d'Apparat. Courtesy of Frédéric Nebinger/Palais Princier

"Tous les dossiers du gouvernement remontent au cabinet pour être présentés au prince, nous confie David Tomatis, conseiller en charge de la communication, et qui gère en partie les dossiers provenant...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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