Entretien exclusif avec Albert II de Monaco : "Charlène me manque"

Monseigneur, cette semaine, les chefs d’État se réunissent à Glasgow dans le cadre de la COP26. Quel est le sens du message que vous tiendrez à faire passer ?   

Ce message reste le même, et ce depuis un long moment. Il faut absolument que l’on s’accorde pour annoncer des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre dans une échéance proche. On ne peut plus continuer ainsi. La plupart des pays l’ont fait, mais d’autres sont en retard. Il s’agit aujourd’hui de redynamiser les efforts de chacun. Les spécialistes ne cessent de nous avertir de l’étroitesse de la fenêtre qui nous reste pour réagir, mon message n’est pas très optimiste.   

Comment la principauté de Monaco participe-t-elle à cette lutte ? Quels sont les engagements pris par votre pays ?  

À notre modeste niveau, pour la petite ville-État que nous sommes, nous avons fait beaucoup de choses, notamment pour la mobilité propre, le respect de nouvelles normes de construction et pour inciter la population à plus de responsabilité pour l’utilisation du plastique et l’attention portée aux déchets. Nous avons mis en place une boucle thalasso-thermique à laquelle plusieurs immeubles pourront bientôt se raccorder. Il ne s’agit pas non plus de bomber le torse en affirmant être les meilleurs, mais nous sommes en route pour atteindre nos objectifs. Nous faisons également tout ce qui est possible pour diversifier notre offre en énergies renouvelables et mettons l’accent sur le solaire, à la fois en Principauté et dans des fermes solaires en France dont Monaco s’est porté acquéreur. Bientôt, la totalité de l’énergie utilisée proviendra de sources renouvelables.   

Avec quelles personnalités prévoyez-vous d’échanger cette semaine ?  

Je sais déjà que je ne pourrai pas rencontrer le président Vladimir Poutine ni le président Xi Jinping, qui sont les grands absents de ce sommet… Mais tout reste ouvert, nous croisons beaucoup de personnes, parfois de manière fortuite. Et je me réjouis de rencontrer le photographe Sebastião Salgado, présent avec une délégation de femmes de peuples autochtones du Brésil. Ces peuples vivant en osmose avec la nature sont porteurs de messages forts.  

Quelles sont ses actions récentes de la Fondation Prince-Albert-II-de-Monaco sur ces sujets ?  

Nous avons porté une grande attention aux océans, au point que la fondation est rattachée à cette identité marine. Notre champ d’action est en réalité bien plus étendu. La fondation œuvre dans plusieurs domaines, la promotion des énergies renouvelables, la protection de la biodiversité marine ou terrestre et l’accès à l’eau. Il serait difficile de citer tous les projets – on en dénombre désormais plus de 700. La mer se révèle d’ailleurs une source d’énergie importante, notamment pour les villes côtières, grâce aux turbines houlomotrices, qui utilisent la houle et les marées, et dont les systèmes ne cessent de s’améliorer.   

La génération des "Philantrokids" sera concernée au premier chef par les enjeux des bouleversements climatiques. Que vous inspire cette jeunesse militante et pensez-vous également à vos propres enfants lorsque vous œuvrez pour l’environnement ?   

Ces jeunes générations vont porter cette marche vers une planète plus propre et plus durable. Il faut absolument qu’ils aient leur mot à dire, qu’ils manifestent à quel point ils se sentent concernés et qu’ils s’approprient cette lutte. Je suis content que de belles initiatives proviennent de cette jeunesse. Et je pense naturellement à mes enfants. C’est la raison pour laquelle je les ai impliqués dans différentes actions de la fondation. L’année dernière, nous participions ensemble à The World Cleanup Day, la journée mondiale du ramassage des déchets. Il me semblait important de les sensibiliser à cela. Hier encore, nous nous promenions tous les trois. Gabriella a aperçu un morceau de papier au sol et l’a aussitôt pris pour le mettre à la poubelle. J’étais heureux de les voir prendre conscience de l’importance de ces gestes élémentaires.   

La Fondation Princesse-Charlène-de-Monaco a été récemment associée à de grands événements caritatifs, dont le Monte-Carlo Gala for Planetary Health rattaché à votre fondation. Quel était le sens de cette association des bonnes volontés liée à vos actions et à celles de votre épouse ?   

Nous avions déjà évoqué cette idée il y a quelques années et cherchions un moyen de faire converger les forces des deux fondations, afin d’aborder des projets communs. À cette démarche était aussi associée la Croix-Rouge et cela a commencé par un projet à Loumbila au Burkina Faso. Nous y avons installé le pavillon qui avait représenté la Principauté à l’Exposition universelle de Milan en 2015 pour en faire un lieu de formation pour les secouristes de la Croix-Rouge burkinabée. La Fondation Princesse-Charlène-de-Monaco était également impliquée avec la réalisation d’un bassin d’initiation à la natation et une unité d’éveil à l’environnement pour les jeunes. À partir de ce projet, se sont déclinées d’autres actions unissant les objectifs de nos fondations, ce dont j’étais très heureux.  

Nous avons appris récemment que votre épouse avait subi une ultime opération chirurgicale le vendredi 8 octobre 2021. Puis-je me permettre de vous demander comment elle se porte et si elle entrevoit enfin l’issue de ses ennuis de santé ?     

Elle va beaucoup mieux. Cette dernière opération qui concernait la cloison nasale s’est très bien passée. Nous allons pouvoir envisager son retour très prochainement. Et je peux vous dire qu’elle sera à Monaco bien avant la fête nationale. Il ne m’est pas possible de vous préciser la date exacte, mais je vous promets que vous le saurez le moment venu.  

Le prince Jacques et la princesse Gabriella doivent déjà se réjouir de cette nouvelle… 

Oui, il est évident que leur maman leur manque. Et elle me manque aussi.  

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Votre famille est apparue très présente à vos côtés dans l’épreuve. Nous avons par exemple vu de très tendres images de votre sœur la princesse de Hanovre en compagnie de sa fille Charlotte, du prince Jacques et de la princesse Gabriella. Ce soutien chaleureux est-il autant un réconfort pour vous que pour vos enfants ?   

Même s’ils connaissent déjà bien mes sœurs chez lesquelles ils sont souvent allés, la présence de toute la famille a constitué pour mes enfants et pour moi un bel encouragement et un soutien extraordinaire. Charlène le souhaitait également, car mes fonctions ne me permettent pas d’être en permanence avec les enfants. Elle m’avait demandé que d’autres membres de la famille puissent passer du temps avec eux.   

Quel est votre état d’esprit aujourd’hui à propos des rumeurs ayant circulé sur l’absence de votre épouse depuis la fin de l’hiver, ainsi que des articles parus cet été dans la presse française ?  

Comment pourrais-je prétendre que ces articles ne m’ont pas affecté ? Bien sûr, ces publications apparues en divers endroits ont été extrêmement dérangeantes et blessantes. Pour mon épouse, pour moi et pour Monaco. Lorsque les propos sont infondés, composés d’éléments d’appréciation complètement fabriqués, cela est triste et lamentable.   

Pensez-vous qu’il aurait été préférable de réagir plus tôt ?  

Peut-être, nous aurions dû faire différemment. Mon épouse ne souhaitait pas trop évoquer ses problèmes de santé tout à fait personnels, nous avions préféré l’option de peu communiquer à ce sujet. Comme beaucoup de choses dans la vie, c’était une question d’équilibre et de choix à faire.