Des airs d’intellectuel nomade, à ne pas aimer marcher dans les clous, le sourire à peine esquissé mais gourmand, un regard pétillant de curiosité. "Lorsque je vois tout le monde penser dans la même direction, je me dis que quelque chose ne va pas", confie Tristan de Bourbon-Parme.
C’est comme ça que tout a commencé, qu’il a voulu savoir ce que cachait l’image communément collée à Boris Johnson : clown, opportuniste, une caricature confortable. "Dans mes articles, j’avais du mal à expliquer que ce n’était pas le Trump européen. Derrière ses grimaces et son savant négligé, 'Bo Jo' est très pro-immigration, cultivé, érudit; il prend des décisions réfléchies." Il y a un mystère Boris Johnson et Tristan de Bourbon-Parme entend tirer ça au clair, jusqu’à écrire la première biographie en français du dirigeant britannique.
Aller à la rencontre des autres et raconter leur histoire au public, creuser des sujets méconnus ou mal connus, cela a toujours été le moteur de Tristan. "Enfant, je lisais beaucoup, Jules Verne, Zola, Balzac, je dévorais. L’auteur de La Comédie humaine m’attirait particulièrement par l’aspect documentaire de ses romans, son regard sur la question sociale de son époque."
Descendant de la haute noblesse européenne
Né à Cannes le 30 juin 1974, Tristan est le fils du prince Rémy de Bourbon-Parme et de sa première épouse, née Laurence Dufresne d’Arganchy. De son père, architecte, il tient son sens de l’écoute, de sa mère, sa ténacité. De sa lignée royale, le goût de l’histoire. "D’autant que je connaissais mal celle de ma famille."
Une famille alliée à nombre de couronnes européennes, qu’il s’agisse de celles d’Espagne, de Roumanie, de Bulgarie, d’Autriche ou du Luxembourg. La grand-mère de Tristan, Marie-Françoise de Savoie, est la fille du roi Victor-Emmanuel III d’Italie ; son arrière-grand-père, Robert Ier, le dernier duc souverain de Parme. Cela n’empêche pas le petit prince qui gagne Paris à 11 ans de se sentir profondément français.

"En 1re, pensionnaire au lycée Saint-Charles d’Athis-Mons, j’avais à remplir un questionnaire d’orientation; je me souviens avoir déjà répondu que je voulais être journaliste. Comme une évidence." Ses études d’histoire le conduisent à Paris-IV Sorbonne et à une maîtrise consacrée aux relations anglo-soviétiques de 1939 à 1941. L’occasion d’une année d’Erasmus passée à Southampton. D’où le jeune diplômé rentre à Paris pour piger à droite, à gauche.
"C’est ainsi que j’ai atterri à L’Humanité, d’abord comme secrétaire de rédaction, puis comme critique cinéma. Tout le monde s’appelle par son prénom, mais quand il a fallu me présenter en conférence de rédaction, on a frôlé une ou deux crises cardiaques : Bourbon-Parme, cela faisait beaucoup. L’ambiance était super sympa et le service culture de première force. J’ai beaucoup appris. C’est un journal assez comparable à La Croix, – un des titres pour lesquels je travaille aujourd’hui –, en cela qu’il véhicule une croyance très forte en des valeurs pas si éloignées que cela les unes des autres."
Correspondant indépendant pour la presse du monde entier
En 1999, l’amour entraîne Tristan jusqu’à Sydney où il accompagne une journaliste de Radio France et débute sa carrière de correspondant indépendant. Suit Séoul, entre 2001 et 2003, avec un livre écrit à quatre mains pour brosser le portrait de la société sud-coréenne. Rentré à Paris, le duo se sépare. "Quant à moi, je n’avais qu’un objectif, Pékin. La Chine m’a toujours fasciné, j’avais d’ailleurs fait une année de mandarin."Le jeune homme est comme un poisson dans l’eau au cœur du Céleste Empire. C’est d’ailleurs à Pékin qu’il rencontre sa future épouse, Shira Szabo, une jeune architecte israélienne, de père né en Hongrie et de mère née en Lituanie. "Au départ, elle était venue rejoindre sa sœur qui faisait un tour de Chine. Et puis elle a tellement aimé qu’elle a trouvé un travail et pris part à de gros projets d’urbanisme."
Le couple se marie à l’été 2010, à Tel-Aviv puis en Champagne, alors qu’il a quitté Pékin pour vivre désormais à l’heure anglaise. À Londres, Tristan est correspondant pour L’Opinion, La Croix, La Libre Belgique, Tribune de Genève et 24 Heures. Un travail de Romain, il adore. "Les Britanniques se sont toujours sentis à part. La Deuxième Guerre mondiale est leur leitmotiv : ils n’ont jamais été envahis, sans eux il n’y aurait plus de démocratie en Europe... Le passé reste très présent."
À la recherche de Boris Johnson
Un tropisme que Boris Johnson a fait sien. Pas étonnant qu’il ait consacré une biographie à Winston Churchill, son modèle en politique avec Margaret Thatcher. Tristan de Bourbon-Parme suit beaucoup "Bo Jo" lors de sa campagne de réélection à la mairie de Londres, en 2012. "Une fois, en fin de journée, je vaguais à l’écart de mes confrères et je l’ai vu foncer sur moi : 'C’est vous le militant que je suis censé rencontrer ? Parce que là il est tard et je suis fatigué.' Quand je lui ai dit que j’étais de la presse, il a éclaté de rire."
LIRE AUSSI >> Boris Johnson, un premier ministre aux racines alsaciennesPour son livre, Tristan a rencontré des ministres, des conseillers, des fonctionnaires européens, d’anciens confrères journalistes de Boris Johnson, sa sœur Rachel, et un certain nombre de personnes qui tiennent à rester anonymes. "Pas moyen en revanche de voir John Major, Gordon Brown ou Tony Blair. Ils ne veulent pas parler de ce qu’ils ont fait comme Premiers ministres par rapport à l’Europe. La vérité est que Boris Johnson est dans la lignée de ses prédécesseurs, même s’il a été un peu plus loin. Même Tony Blair l’Européen a refusé de faire entrer la Grande-Bretagne dans l’euro."

Le père de Boris a été fonctionnaire européen, député européen et le futur Premier ministre a vécu à Bruxelles enfant. "Bo Jo" est tout sauf naïf vis-à-vis de ces institutions lorsqu’il retourne dans la capitale de l’U.E. comme correspondant du Daily Telegraph. "Par opportunisme, il adopte une attitude incendiaire à l’égard de Bruxelles, partant dans ses articles d’une information ridicule pour en faire un truc énorme. Seulement, il se rend compte qu’il y a un fond de vérité et qui va croissant."
Car il y a un changement du projet européen, des pertes de souveraineté nationales, conséquences parfois d’un élargissement voulu par la Grande-Bretagne pour des raisons économiques et dont le pays ne mesure pas toujours les implications politiques.
Au fil des pages, le lecteur oublie la carapace bouffonne derrière laquelle se cache Boris Johnson. Le brillant trublion hésite avant de faire campagne contre le Brexit. Mais la dérive entre l’île et le continent lui apparaît irrémédiable. "Boris Johnson restera comme l’homme du Brexit, le Premier ministre qui rallie le pays autour de lui dans la crise, très fort aussi parfois pour le diviser."
Sur ce plan et quelques autres, le parallèle avec Churchill est assez troublant. Il y en a d’autres. "C’est le plus modéré des conservateurs en matière économique ou d’immigration. Il peut devenir le Tony Blair de droite." Une analyse qui dynamite bien des clichés et aidera les lecteurs de Tristan de Bourbon-Parme à mieux comprendre la société britannique. Et son tonitruant Premier ministre.
Boris Johnson, un européen contrarié, par Tristan de Bourbon-Parme, éditions François Bourin, 318 p., 20 euros.
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