Les larmes d’Anne-Marie de Grèce à Tatoï

Peu avant 6 heures, des milliers de personnes se sont massées autour de la place de la cathédrale et le long de la rue Mitropoleos. Certains sont là depuis la veille, profitant de l’hospitalité des cafés restés ouverts pour la circonstance. En ce lundi d’hiver, Athènes s’apprête à dire adieu au roi Constantin II, disparu six jours plus tôt, à l’âge de 82 ans. Son cercueil recouvert du drapeau grec vient d’être disposé dans la petite chapelle d’Agios Eleftherios, blottie contre la cathédrale de l’Annonciation. C’est là que les Grecs peuvent venir dès 8 heures lui rendre un dernier hommage, à l’image de Michael, étudiant en histoire, qui a patienté deux heures avant de pouvoir s’incliner devant le catafalque. "Je me devais d’être là, le roi Constantin est une part importante de notre histoire et la façon dont ses funérailles ont été traitées par notre gouvernement est triste. Il est faux de considérer qu’être monarchiste, c’est être radical", témoigne le jeune homme, faisant allusion à l’annonce officielle faite après le décès du souverain. 

La foule acclame Sophie d'Espagne, soeur du défunt

Le gouvernement grec évoquait alors une cérémonie strictement privée, dont aucune image ne serait retransmise. Mais c’était sans compter sur l’importance de la liste des invités – dix-sept délégations royales et princières – ayant répondu présent. Tous ont tenu à dire un dernier adieu à cet homme chaleureux, cousin de tout le gotha. Résultat, les autorités ont revu leur copie et donné une tout autre dimension à l’événement, qui sera même retransmis par la chaîne de télévision d’État ERT1.

Peu après 10 heures, au moment même où le soleil s’invite sur le parvis immaculé, le cercueil est apporté jusque devant le chœur de la cathédrale, suivi par les trois fils du défunt, le prince Paul, nouveau chef de la maison royale de Grèce, entouré de ses frères, les princes Nicolas et Philippos. Ils sont des milliers à n’avoir pu se recueillir devant la dépouille du dernier roi de Grèce, mais qu’importe, l’ambiance demeure paisible, parfois égaillée d’un chant ancien repris par la foule : "Du pain, des olives et le roi Constantin !" 

Trente minutes avant l’heure prévue de la cérémonie, la ministre de la Culture et des Sports Lina Mendoni et le président du parlement Konstantinos Tasoulas, finalement délégués par l’État grec, atteignent le seuil de la cathédrale sous les huées. Puis survient un important convoi. C’est celui de la famille royale d’Espagne presque au complet, comme on ne l’a pas vue depuis longtemps de façon officielle. "Sophia ! Sophia !", la foule acclame la sœur aînée du roi Constantin. Elle s’avance auprès du roi émérite Juan Carlos, suivie de ses deux filles et de leurs enfants. L’infante Cristina donne le bras à la princesse Irène de Grèce, l’autre sœur du défunt roi.

Puis arrivent le roi Willem-Alexander et la reine Maxima des Pays-Bas, accompagnés de la princesse Beatrix. Le prince Paul de Grèce se tient en haut des marches. Les bras ouverts, il accueille ses hôtes avec chaleur et une vraie élégance, dispensant un petit mot à chacun, une inclinaison de la tête aux souverains et un baisemain pour les dames. Se succèdent ainsi le prince Albert II de Monaco, le prince Haakon et la princesse Mette-Marit de Norvège, le roi Philippe et la reine Mathilde de Belgique, le roi Carl XVI Gustaf et la reine Silvia de Suède. 

"En ce jour (...), nous sommes prêts à offrir à la Grèce ce que le pays nous demande"

Accompagné de la reine Letizia, Felipe VI d’Espagne a eu droit à une accolade, lui le cousin germain, le contemporain, l’ami d’enfance. D’autres cousins sont présents, pour dire un dernier À Dieu à leur oncle Tino : les princes Frederik et Joachim de Danemark escortant leur mère la reine Margrethe II, sœur aînée de la reine Anne-Marie ; suivie de son mari, le vice-amiral Timothy Laurence, la princesse Anne, qui fut demoiselle d’honneur au mariage de Constantin, représente le roi Charles III. Voici encore le prince Michel de Grèce et son épouse Marina.

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L’impératrice Farah a tenu à saluer une dernière fois son grand ami : "C’était un homme intelligent et fidèle. Avec la reine Anne-Marie, ils ont voyagé en Iran et nous nous sommes souvent vus, évoquant volontiers nos pays, berceaux des deux civilisations les plus anciennes au monde. Le roi Constantin a toujours été là pour nous, même dans les moments les plus difficiles", témoigne la shahbanou. L’organisation prend du retard, tant la gestion des invités du gotha, presque tous logés à l’hôtel Grande-Bretagne, à cinq minutes en voiture, s’avère un casse-tête.

Précédée de ses neuf petits-enfants et de ses filles, belles-filles et gendre, la reine Anne-Marie apparaît enfin, acclamée par la foule de plus en plus nombreuse. La princesse Marie-Chantal, épouse du prince Paul, est auprès d’elle. Au cou de la reine brille une grosse croix de diamants, celle qu’elle portait le jour de son mariage avec Constantin II voici presque 59 ans, le 18 septembre 1964, en cette même cathédrale d’Athènes.

Avec vingt minutes de retard, les portes se ferment sur l’assemblée des fidèles. À l’extérieur, des micros retransmettent l’office des morts, entièrement chanté par douze popes officiant dans un parfum d’encens autour de l’archevêque Hiéronyme II d’Athènes. Chaque fois que le nom de Constantin est prononcé au cours de la liturgie orthodoxe, une clameur s’élève sur la place noire de monde. Vers la fin de la célébration, le prince Paul prend la parole, en grec d’abord, puis en anglais, pour rendre hommage à son père. La main sur le cœur, il évoque les grands moments de la vie du monarque défunt, sans éluder les difficultés et l’exil de 1967.

"Dès les premiers temps de ton règne, tu as tenté de contrer la dictature, mais sans y parvenir. À partir de ce moment, tu n’as pas souhaité que ta présence en Grèce provoque une effusion de sang. Toujours loyal à l’héritage que ton père t’avait légué, tu as accepté la décision du peuple grec." Puis le prince Paul loue la famille unie et solidaire fondée par ses parents, à leurs yeux une "valeur cruciale et assise...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction