Sur les toits du château d’Altshausen, la bannière "d’or à trois demi-ramures de cerf de sable" de la dynastie Wurtemberg flotte en berne. Le duc Carl, héritier de cette monarchie du sud de l’Allemagne, dont Guillaume II, le dernier roi, fut déposé en novembre 1918 – conséquence de la Grande Guerre –, s’est éteint le 7 juin 2022, à 85 ans, à la clinique Oberschwaben de Ravensburg. Et l’événement revêt une telle importance, dans ce land de Bade-Wurtemberg, dont le prince était une figure éminente, que la chaîne de télévision SWR consacre deux heures à la cérémonie retransmise en direct, et ponctuée d’images d’archives.

Défilent des épisodes de sa vie, si riche. Son mariage de conte de fées, en juillet 1960, une belle histoire d’amour, avec la princesse Diane de France, fille du Comte de Paris. Leur couple béni par la naissance de six enfants, seize petits-enfants, et même d’une première arrière-petite-fille, ultime grande joie, en septembre dernier. Des drames aussi, comme la mort tragique de leur fils aîné, Frédéric, victime d’un accident de la route, en 2018. Leur petit-fils Wilhelm, 28 ans aujourd’hui, est alors devenu l’héritier… Et la veille des obsèques, vendredi 1er juillet, le jeune duc de Wurtemberg est auprès de sa grand-mère, la princesse Diane, désormais duchesse-douairière de Wurtemberg, visiblement éprouvée, pour accueillir le cercueil de son grand-père, drapé de la bannière aux bois de cerf.
Mille personnes sur le parvis
Sur un attelage tiré à quatre chevaux du haras de Marbach, fondé par le duc Eberhard, en 1491, la dépouille royale rentre une dernière fois au château. Accueillie par les enfants, Mathilde, la princesse von Walburg-Zeil, Eberhard, Philippe, Michael, Fleur, la comtesse von Goess, leurs conjoints et tous les petits-enfants.

Les Hussards jaunes de la garde civile historique d’Altshausen, aux dolmans jonquille à brandebourgs rouges, lui font cortège et sonnent le cor. Minute de recueillement dans la cour d’honneur… Près de mille personnes se pressent le lendemain sur le parvis de la belle église St. Michael, paroissiale et castrale. Mais ils ne seront que deux cent cinquante environ à pouvoir prendre place sous les voûtes peintes du sanctuaire baroque.


Deux monarques régnants, Hans Adam II, prince de Liechtenstein, et Henri, grand-duc de Luxembourg, sont au premier rang. Avec Winfried Kretschmann, ministre-président de Bade-Wurtemberg, venu saluer "cette forte personnalité, solennelle et digne, cet Européen convaincu qui s’est toujours employé à faire le bien". Le vice-ministre–président et ministre de l’Intérieur, Thomas Strobl, et le ministre de la Santé Manfred Lucha, sont également présents, avec nombre de députés Verts, CDU et FDP, et tous les édiles de ces rives du lac de Constance.

Le gotha européen bien sûr – sa famille –, est venu pour cet adieu : Franz, duc de Bavière, dom Duarte de Portugal, duc de Bragance, Jean de France, Comte de Paris, son neveu et filleul, Georg-Friedrich, prince de Prusse, Andreas, prince de Leiningen, Philipp, prince de Hohenlohe-Langenburg, Albert, prince de Tour et Taxis, Bernhard, prince héritier de Bade, Christian, prince héritier de Fürstenberg, et des princes et princesses d’Orléans-Bragance, de Bourbon-Siciles, de Saxe-Cobourg-Gotha, d’Isembourg, des archiducs d’Autriche…

Pour ceux qui n’ont pu prendre place dans l’église, la cérémonie est retransmise sur un écran géant, installé sur la place du marché, face au château. La messe pastorale de requiem est présidée par monseigneur Gebhard Fürst, évêque de Rottenburg-Stuttgart, assisté de huit autres célébrants, dont le père Christof Mayer, curé de la paroisse, qui salue, nommément et protocolairement, tous les assistants. Même le très révérend Frank Otfried July, évêque de l’Église évangélique de Wurtemberg, va "oecuméniquement" prendre part par une lecture, lors de ce service funèbre catholique. L’autel et l’église entière sont fleuris, en rouge et blanc, d’amaryllis et de gerberas.
Un homme secourable
Suivi par l’évêque et les prêtres, en soutanes noires brodées de croix violettes et argent, le cercueil remonte la nef aux premières notes du Requiem de Mozart, que joue un orchestre placé à la droite de la tribune. En vis-à-vis des musiciens, soixante choristes vont bientôt entonner le cantique de "Celui qui est sous la protection du Très Haut", le Kyrie, "Christ vainqueur, Christ roi", puis toujours avec l’orchestre, le Lacrimosa du Requiem. Monseigneur Fürst, dans son homélie, souligne la noblesse de cœur du duc Carl, sa générosité, sa compassion : "Un homme qui secourait tous ceux qui avaient besoin d’aide “dans la mesure du possible”." Fidèle à la devise de sa Maison, "Intrépide et loyal".

Les intentions de prière pour "Opapa", sont faites en allemand par ses petits-enfants, Marie-Amélie de Wurtemberg, Marie-Thérèse von Walbourg-Zeil, Zeno von Goess, et en français par Maximilien d’Andigné, époux de Sophie de Wurtemberg, et père d’Olympia, son arrière-petite-fille. L’évêque et ses co-célébrants consacrent le Corps et le Sang du Christ aux accents de l’Agnus Dei, de Mozart.

Avant de donner la communion sur le Recordare, Jesu Pie. L’occasion d’apercevoir deux grandes dames, des plus discrètes et affligées, cachées sous leur mantille, Marie-Christine de Wurtemberg, princesse de Liechtenstein, et Marie-Thérèse, duchesse de Montpensier, les deux sœurs survivantes du défunt. La messe est dite. Le duc Carl peut rejoindre ses ancêtres, en présence de sa seule famille proche, à quelques pas de là, dans la crypte nécropole des ducs de Wurtemberg.
Connectez-vous pour lire la suite
Profitez gratuitement d'un nombre limité d'articles premium et d'une sélection de newsletters
Continuer
Un journalisme d’excellence, des contenus exclusifs, telle est la mission de Point de Vue. Chaque article que nous produisons est le fruit d’un travail méticuleux, d’une passion pour l’investigation et d’une volonté de vous apporter des perspectives uniques sur le monde et ses personnalités influentes. Source d’inspiration, notre magazine vous permet de rêver, de vous évader, de vous cultiver grâce à une équipe d’experts et de passionnés, soucieux de porter haut les couleurs de ce magazine qui a fêté ses 80 ans. Votre abonnement, votre confiance, nous permet de continuer cette quête d’excellence, d’envoyer nos journalistes sur le terrain, à la recherche des reportages et des exclusivités qui font la différence tout en garantissant l’indépendance et la qualité de nos écrits. En choisissant de nous rejoindre, vous entrez dans le cercle des amis de Point de Vue et nous vous en remercions. Plus que jamais nous avons à cœur de vous informer avec élégance et rigueur.