Les cloches de la cathédrale Saint-Florin de Vaduz sonnent le glas, imitées bientôt par celles des églises et des chapelles alentours. Ce samedi soir, aux alentours de 20h30, les Liechtensteinois apprennent la triste nouvelle : leur princesse consort est décédée l’après-midi même.
Victime d’une attaque cérébrale, mercredi 18 août, Marie de Liechtenstein était hospitalisée à Grabs, en Suisse, depuis trois jours, sans que l’on sache précisément la gravité de son état. Entourée de ses proches, elle s’est éteinte "paisiblement" — selon les mots du palais —, à l’âge de 81 ans, après avoir reçu les derniers sacrements.
La future princesse connaît l'exil dès l'enfance
Née à Prague le 14 avril 1940, Marie-Aglaé, de son vrai prénom, est issue d’une des plus prestigieuses familles de Bohème : les Kinsky von Wichnitz und Tettau, faits prince du Saint Empire par l’impératrice Marie-Thérèse en 1742.
Quatrième d’une fratrie de sept enfants, la fillette a cinq ans à peine lorsque ses parents prennent la décision de fuir la Tchécoslovaquie pour échapper aux Soviétiques. Les Kinsky s’installent alors en Allemagne, dans le Jura souabe. Marie-Aglaé entame sa scolarité chez les bénédictines qui font école dans l’imposante abbaye de Wald, à une vingtaine de kilomètres de Sigmaringen.
Douée pour le dessin, passionnée de théâtre, la future princesse grandit en se rêvant artiste et entame des études d’arts graphiques à Munich. Cependant, loin d’être une tête folle — ou n’ayant que trop peu de goût pour la vie de bohème —, elle se tourne vers la publicité et décroche un premier emploi de dessinatrice dans une imprimerie bavaroise.
Sa rencontre avec Hans-Adam va changer sa vie
Mais sa rencontre en 1961 avec le prince héritier Hans-Adam de Liechtenstein, seize ans à peine, va en décider autrement. L’adolescent tombe immédiatement sous le charme de cette belle aristocrate, douce et cultivée, de cinq ans son aînée et qui n’est autre qu’une cousine. Impossible de convoler néanmoins avant sa majorité… vingt-et-ans à l’époque ! Qu’à cela ne tienne, le jeune homme saura être patient.
D’autant que les Liechtenstein et les Kinsky, aux anges, l’y encouragent : les familles sont liées depuis longtemps, l’union est prestigieuse et le couple si bien assorti. Enfin, le 17 avril 1966, soit deux mois tout juste après le vingt-et-unième anniversaire de l’amoureux, les fiançailles sont annoncées et la date du mariage fixée au 30 juillet de l’année suivante.

"Ma grande joie fut que les préparatifs de notre mariage se soient déroulés en parfait accord entre mes beaux-parents et mes parents", témoigne la future princesse lors de sa première interview. "J'ai eu le droit de choisir ma robe de mariée avec ma belle-mère Gina [la princesse Georgina de Liechtenstein]", avoue-t-elle, amoureuse et candide. Les noces transforment la petite principauté en royaume de contes de fées.
Au bras de son père, Marie-Aglaé rayonne, dans une robe empire de soie blanche, dessinée par le couturier parisien Jacques Heim, coiffée d’un diadème hérité de l’archiduchesse Élisabeth-Amélie d’Autriche, grand-mère du marié et nièce de Sissi.

Une nouvelle vie commence pour la jeune princesse, aux côtés de son mari — qui n’a pas encore fini ses études —, et de sa belle-mère, qui l’associe pleinement aux œuvres caritatives du pays.

La princesse Georgina lui cédera d’ailleurs la présidence de la Croix-Rouge en 1985, un poste qu’elle occupera à son tour pendant trente ans, avant de s’effacer, au profit de sa belle-fille Sophie de Bavière.
La régence est confiée à son fils Alois
La vie de princesse héritière, puis de princesse consort, même d’un micro-État, lui a-t-elle pesé ? "Mon mari et moi rêvons parfois d'une petite maison forestière", avouait Marie de Liechtenstein, songeuse, au début de son mariage. "En tout cas, ce n'est pas simple tous les jours. Comme tout dans la vie, il y a des côtés merveilleux, mais il y aussi des côtés difficiles."

Au Liechtenstein, la personne du prince est inviolable et sacrée. Pied de nez de l’histoire : alors qu’il est à la tête de l’un des pays les plus petits au monde — seulement 160 km² —, Hans-Adam II a les pouvoirs les plus étendus de l’Europe monarchique… Mais les Liechtenstein sont surtout connus pour leur immense fortune – estimée à 3,5 milliards d’euros –, et pour leur goût presque maladif du secret.
En 2004, le prince, soucieux de préparer au mieux sa succession, confie la régence à son fils, le prince héritier Alois. L’agenda du couple souverain, qui vit une partie de l’année à Vienne, s’allège considérablement, au grand soulagement de Marie et surtout de ses quatre enfants — Alois, Maximilien, Constantin et Tatiana —, inquiets pour sa santé.
"Un brillant exemple pour beaucoup d'entre nous"
Mais la princesse ne cessera jamais complètement ses activités. Profondément croyante, elle accompagne son mari, son fils aîné et sa belle-fille au Vatican pour rencontrer le pape François en avril 2017.

Et jusqu’en 2019, chaque année, elle tient à être présente à Vaduz pour la fête nationale, le 15 août, souriante, saluant à tour de bras, toute à son métier.

Au lendemain de l’annonce de sa disparition, les drapeaux de la principauté ont été mis en berne. À Vaduz, au pied du château, des anonymes déposent les premières fleurs. Anticipant le deuil national, et par respect pour la famille régnante, les principaux événements culturels du week-end et de la semaine prochaine ont d’ores et déjà été annulés.
Sur les réseaux sociaux, les messages de condoléances se succèdent, à l’image des quelques lignes écrites par le président du parlement Albert Frick : "Votre Altesse, vous avez été un brillant exemple pour beaucoup d'entre nous. Votre générosité et votre engagement inlassable envers les personnes dans le besoin ne seront pas oubliés. Le Liechtenstein est en deuil."
Sur Twitter, le ministère des Affaires étrangères liechtensteinois a...
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