Comment avez-vous rencontré Johnny Hallyday ?
Il y a plus de vingt-cinq ans, j’ai été invité par Daniel Hechter à un concert à Genève où je vivais alors. Nous nous sommes ensuite retrouvés pour le dîner avec lui et Læticia. Alors que nous parlions des vacances d’été, je leur ai proposé de venir chez nous à Cavallo en Corse. Peu après, Læticia m’a rappelé pour me dire qu’elle serait ravie d’accepter mon invitation. Avec ce séjour, notre amitié commençait. Quelques années plus tard, ils nous ont aussi rendu visite à Gstaad. Johnny a eu envie d’y acheter un chalet et nous lui en avons trouvé un à côté du nôtre. C’est ainsi que nous sommes devenus voisins.
La complicité entre vous fut-elle immédiate ?
Ce fut le cas pour moi. Johnny était une personne extraordinaire, qui s’intéressait aux jeunes et qui aimait s’en entourer. Il a vu en moi un ami, un frère, un fils. Et moi un membre de ma famille, comme un autre père. Notre relation se nourrissait de conseils, d’appels fréquents pour parler de musique, bateaux, voitures, maisons... Nos centres d’intérêt étaient les mêmes. Nous avons même fait le rallye de Tunisie ensemble. Et dormi pendant quinze jours dans la même caravane ! Lorsque je logeais chez Johnny et Læticia à Los Angeles, nous prenions les motos et je l’accompagnais à ses enregistrements en studio. Peu de temps avant sa disparition, il rêvait d’acquérir une Lamborghini. Il m’avait fait part de sa difficulté à se procurer un modèle si rare. J’avais appelé les bureaux italiens de la marque et fini par lui en trouver une. Læticia m’en veut encore et je ne sais pas si c’était la meilleure affaire pour lui... (rires) Il l’a peut-être conduite cinq fois. Mais il en était tellement heureux, il m’envoyait des films tous les jours. Il a travaillé toute sa vie pour arriver à cela.
À Cavallo, en Corse, en 1999. C’est par un séjour de Johnny et Læticia sur l’île de Beauté, accueillis par le prince de Venise, qu’a débuté l’histoire d’amitié entre les deux hommes. © ANGELI-GARCIA / BESTIMAGE
Quel conseil vous a-t-il justement donné ?
Rester soi-même. Aller de l’avant en portant ses rêves. Toutes mes affaires aux États-Unis ont d’ailleurs commencé avec lui. Il adore la cuisine italienne, avec un faible pour les pâtes. Nous nous étions retrouvés au salon Paris Photo Los Angeles et, en passant devant les food trucks, nous avons observé qu’ils proposaient de la cuisine japonaise, chinoise ou mexicaine, mais pas italienne. En rentrant, je lui soumets une idée. Et si je lançais un camion-restaurant italien ? Il m’a beaucoup soutenu dans la création du Prince of Venice. Malheureusement, il est parti trop tôt pour assister à l’ouverture de notre restaurant à Westwood.
Qu’aimiez-vous chez l’artiste ?
Tout! J’admirais sa personnalité, sa voix, son interprétation. J’ai eu la chance d’assister à l’enregistrement de ses deux derniers albums. J’ai été impressionné par la force de cet homme, mentale et physique. Malgré son état de santé, il avait décidé de participer à la tournée des Vieilles Canailles, avec Eddy Mitchell et Jacques Dutronc. Nous savions tout ce qu’il traversait, le public un peu moins. Le cancer avait déjà attaqué les os et il ne l’avait pas encore dit. Il a voulu aller jusqu’au bout, tout comme lors de son dernier road-trip à moto à travers les États-Unis en 2016. Il a vécu à cent kilomètres à l’heure jusqu’à l’ultime moment.
Le prince et le chanteur ont participé ensemble au rallye de Tunisie en 2002. © ANGELI-JACOVIDES / BESTIMAGE
En mars 2017, vous étiez à Santa Monica avec le couple Hallyday pour l’anniversaire de Læticia. C’est à ce moment précis qu’il a révélé son état de santé au public ?
Oui, même si nous le savions déjà. Il me semble aussi que c’est à cette occasion que nous avions utilisé le food truck pour l’anniversaire de Læticia. Se sentait-il soulagé d’avoir offert ce moment de vérité à ses fans ? Je le pense. Il avait une relation très ouverte avec eux. Cela lui a aussi donné la force, avec tout l’amour qu’il a reçu en retour, de continuer. Il a toujours eu des projets. Il prévoyait de commencer une tournée solo après celle des Vieilles Canailles. J’avais même vu des dessins préparatoires pour la scène. Pour lui, rien n’allait s’arrêter.
Y avait-il de la colère en lui ?
Jamais, juste une grande envie d’aller de l’avant. C’est un phénomène, car avec la vie qu’il a eue, il aurait pu partir bien plus tôt. Il avait à ses côtés une Læticia formidable du premier au dernier jour. Elle l’a aidé à traverser ces épreuves tout en essayant de le ménager. Car Johnny n’était pas quelqu’un de facile. Quand il avait quelque chose en tête, il était impossible d’aller contre. Elle y est pourtant parvenue, avec un grand amour, de la souplesse. Lui aussi a appris énormément de choses à son contact, surtout avec l’arrivée de leurs filles Jade et Joy.
Læticia a joué ce rôle de rempart pour protéger son mari ?
Oui, et pour le protéger d’abord de lui-même. Elle a aussi compté sur le plan artistique. Car les vingt-cinq dernières années de Johnny sont parmi les plus fortes –avec celles des débuts. Le Johnny Hallyday des stades, qui a fait appel à de nouveaux musiciens et arrangeurs, doit beaucoup à Læticia.
Quels sont votre chanson et votre album favoris ?
J’aime beaucoup sa reprise de Bella senz’anima de Richard Cocciante, devenue en français Cet homme que voilà. Son dernier album Mon pays c’est l’amour est magnifique. Il y évoque sa propre disparition. Et j’ai dû assister à une quinzaine de ses concerts. Lorsqu’il passait à Bercy, je me plaçais tout devant. Il lui arrivait de m’adresser un regard lorsqu’il interprétait une chanson que nous avions écoutée ensemble.
Comment se déroulaient les journées à Pacific Palisades ?
Johnny se réveillait tôt et aimait accompagner ses filles à l’école. Lorsqu’il rentrait, nous allions faire du sport au club Gold’s Gym, puis nous allions déjeuner à Santa Monica. Il adorait les fruits de mer et le poisson. L’après-midi, nous regardions souvent un film et le soir nous retrouvions Læticia pour le dîner, dehors ou à la maison... Sa vie était très tranquille, très père de famille. Il passait beaucoup de temps avec ses enfants, faisait les devoirs avec elles, leur transmettait beaucoup de ce que la vie lui avait offert.
Sa générosité n’était pas une légende ?
Elle était immense. Autant sur le plan spirituel que matériel. S’il pouvait quelque chose pour vous, il le faisait.
Était-il facile pour lui de faire la part entre les vraies amitiés et les courtisans ?
Il le voyait tout de suite. Sa capacité de jugement était immédiate. Il en a tellement vu dans sa vie... Il pouvait aussi feindre de ne pas s’en rendre compte et s’en amuser. À la fin, nous en riions ensemble et il me disait : "Tu vois, c’est exactement ce que je pensais." J’ai vu beaucoup de personnes s’éloigner les vingt dernières années. Parce qu’il était passé à autre chose. Longtemps, la famille de Johnny fut ses amis. Et cela sans limites. Puis avec Læticia, il s’est bâti une vraie famille, un noyau qui lui a donné la force d’attendre autre chose des gens.
Johnny et Læticia, amis proches de la princesse de Venise et du prince Emanuele Filiberto, assistent au mariage du couple en 2003. ©...
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