Sous un ciel couvert, la Bentley grenat s’avance doucement en direction de la chapelle St George de Windsor. Installée sur la banquette arrière, lady Susan Hussey couve Élisabeth II, assise à sa droite, d’un regard bienveillant et réconfortant. Ce 17 avril 2021, quelques minutes avant le début des obsèques de son époux bien-aimé Philip, la souveraine peut, comme toujours, compter sur le soutien de sa dame d’honneur, fidèle parmi les fidèles depuis plus de soixante ans. Cette séquence, captée par les caméras du monde entier, a mis en lumière cette élégante octogénaire inconnue du grand public. Et, à travers elle, son rôle essentiel dans l’entourage de la reine où elle est un personnage clé.
Loyale, dévouée, lady Susan Hussey, veuve d’un ancien président de la BBC, peut se targuer d’avoir, au fil des années, gagné une chose rare, ô combien précieuse : la confiance absolue d’Élisabeth II. Il en va de même pour toutes les "ladies-in-waiting", ces dames choisies personnellement par Sa Majesté pour l’assister au quotidien. Du palais de Buckingham au château de Windsor, il incombe à ces femmes d’âge aujourd’hui avancé diverses missions, comme de superviser la correspondance de la reine, l’accompagner à des cérémonies et engagements officiels, ou encore récupérer les innombrables cadeaux et bouquets de fleurs offerts à Élisabeth II, lors de bains de foule. Disponibles, réactives et dotées d’une parfaite maîtrise de soi, elles font figure de "super-assistantes personnelles" sur lesquelles repose le bon fonctionnement de la maison royale.
Deux pertes importantes pour Élisabeth II
Elles sont moins de dix aujourd’hui à se partager cette prestigieuse responsabilité auprès d’Élisabeth II. Après les disparitions en décembre dernier d’Ann Fortune FitzRoy, duchesse de Grafton, et de lady Farnham. La duchesse de Grafton, aux avant-postes depuis le premier jour du règne, aura occupé jusqu’à ses 101 ans la fonction la plus élevée : celle de Mistress of the Robes, maîtresse de la garde-robe en français, dont la mission originelle consistait à veiller sur les vêtements et les bijoux de la reine, avant d’être élargie à des compétences "d’organisatrice en chef". Lady Farnham était dans l’ombre de Sa Majesté depuis trente-quatre ans, en sa qualité de Lady of the Bedchamber (dame de la chambre), deuxième titre par rang d’importance parmi les dames d’honneur de Sa Gracieuse Majesté. Et surtout, comme la duchesse de Grafton, une amie très chère qui manque désormais cruellement à Élisabeth II.
Alors qu’une nouvelle organisation se dessine en coulisses, la reine peut compter sur le dévouement de ses autres dames d’honneur. Certaines, note la presse britannique, devraient avoir de nouvelles responsabilités. À commencer par l’honorable Mary Morrison qui œuvre depuis soixante-deux ans comme Woman of the Bedchamber (femme de la chambre), troisième et dernier échelon des ladies-in-waiting. Et, évidemment, lady Susan Hussey, tellement proche de la reine et marraine du prince William !
"Le rôle des dames d’honneur dans la maison royale existe depuis aussi longtemps que la monarchie, assure l’historien Christopher Joll. À l’origine, elles étaient les servantes du corps de la reine, les habilleuses, etc. Les rôles n’ont été officialisés qu’à partir du XVIe siècle. Au XVIIIe siècle, elles étaient plutôt devenues des assistantes personnelles". Sans surprise, c’est Élisabeth II qui compte le plus de ladies-in-waiting.
"Il s’agissait à l’origine de nominations politiques"
Au Danemark, la reine Margrethe II dispose de quatre "dames de la Cour". Elles travaillent par roulement, souvent deux mois à la suite, précise l’hebdomadaire danois Billed Bladet. Elles assistent la souveraine dans ses fonctions officielles, ainsi que dans sa vie personnelle. Depuis juillet 2020, une nouvelle venue a rejoint l’équipe : Henriette Obel, dont la belle-mère était dame de la cour de Margrethe II de 1996 à 2004.

Exercer cette fonction honorifique, non rémunérée, n’est pas donné à tout le monde. Il est impossible de postuler. Et il convient d’être issue de bonnes familles ou de graviter dans l’entourage proche des souveraines. "Il s’agissait à l’origine de nominations politiques, relate l’historien Christopher Joll. Néanmoins, sous le règne d’Édouard VII, cet aspect a été complètement gommé, et les dames choisies étaient soit les filles, soit les épouses de membres éminents de l’aristocratie, sans tenir compte de leurs affiliations politiques".
Certaines ont cependant des profils atypiques. Comme Jette Nordam, une des dames de la cour de Margrethe II. Elle occupait, avant d’entrer en fonction en 2018, le poste d’ambassadeur du Danemark en Finlande. Et avant cela divers postes au ministère des Affaires étrangères, à l’Union européenne et à l’OTAN, détaille la presse danoise. Autre cas particulier : celui d’une des cinq dames d’honneur de Mathilde de Belgique, qui, lorsqu’elle n’accompagne pas la reine en déplacement officiel, exerce la profession de pharmacienne dans l’un des plus grands centres commerciaux belges.
Le cas particulier de l'Espagne
Maxima des Pays-Bas a deux dames d’honneur. Étonnant quand on sait que l’ancienne reine Beatrix en a confié huit à sa belle-fille, lors de son abdication, en 2013. "La plupart d’entre elles étaient des amies personnelles de Beatrix, qui ont grandi et ont décidé de se retirer avec elle", observe le journaliste néerlandais Rick Evers, spécialiste de la famille royale des Pays-Bas et auteur de la biographie Maxima, plus qu’une Majesté.
Maxima est accompagnée d’une dame d’honneur uniquement lorsqu’elle agit en tant que reine. Lors d’événements ayant trait au domaine financier, dont elle est spécialiste, ou d’activités caritatives, elle est assistée par sa secrétaire particulière ou son conseiller personnel. "Bien sûr, tout comme une lady-in-waiting, ils peuvent aussi lui passer son manteau, par exemple, mais surtout ils ont des connaissances pertinentes sur les sujets et les dossiers dont la reine traite ce jour-là, précise le journaliste Rick Evers. Conseiller et secrétaire se situent plus sur le contenu et la connaissance des dossiers, les dames d’honneur plus sur le protocole et l’étiquette des événements formels".
Si Willem-Alexander, en tant que roi, n’est pas accompagné de dames d’honneur, son épouse et lui peuvent compter sur l’aide de la comtesse Bibi den Beer Poortugael. Grande maîtresse de la Cour, cette proche du couple souverain, âgée de 57 ans chapeaute le travail de ses deux consœurs dames d’honneur, Pien van Karnebeek Thijssen et Annemijn Crince Le Roy van Munster van Heuven. Une petite équipe rajeunie et 100 % mobilisée pour le souverain et son épouse.
Certaines Cours décident, elles, de se passer de dames d’honneur. Tel est le cas de l’Espagne. Depuis 1931 et l’avènement de la Seconde République, ce rôle n’existe plus. La légende voudrait que la duchesse d’Albe, la flamboyante Cayetana Fitz-James Stuart, ait proposé ses services à Sophie d’Espagne lorsqu’elle est devenue reine, en 1975, aux côtés de son époux. Femme la plus titrée d’Europe et l’une des plus riches du pays, la duchesse d’Albe estimait que cette mission de premier plan lui revenait de droit. Un avis que ne partageait pas la reine. Qui n’a jamais nommé de dame d’honneur. Pas plus que Letizia aujourd’hui.
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