Adolescents et futurs souverains, une vie tiraillée entre insouciance et gravité

Les princesses Ingrid-Alexandra de Norvège, Leonor d’Espagne, Élisabeth de Belgique, Catharina-Amalia des Pays-Bas et le prince Christian de Danemark : aujourd’hui âgés de 15 à 19 ans, ils prendront un jour ou l’autre les rênes de leur royaume. Mais comment font-ils pour vivre pleinement l’époque cruciale de l’adolescence quand un destin royal les attend ?

Par Emmanuel Cirodde - 01 février 2021, 10h54

 La princesse héritière Amalia des Pays-Bas, sa mère la reine Maxima et ses soeurs les princesses Ariane et Alexia lors de la fête du roi 2020.
La princesse héritière Amalia des Pays-Bas, sa mère la reine Maxima et ses soeurs les princesses Ariane et Alexia lors de la fête du roi 2020. © Mischa Schoemaker/ABACAPRESS.COM

Une ado souriante aux portes de son lycée du centre d’Oslo. En ce beau mois d’août, la jeune fille qui arbore un tee-shirt blanc et un jean troué rejoint ses camarades en toute décontraction. Au même moment, une infante, tout aussi souriante, répond avec gentillesse aux sollicitations des membres du centre éducatif de Majorque qu’elle est venue visiter avec sa mère ; dans un camp d’entraînement de la région d’Elsenborn, en Belgique, une jeune femme en treillis se camoufle le visage à l’aide de peinture verte avant d’empoigner un fusil d’assaut.

Trois images contrastées de l’avenir des couronnes européennes. La princesse Ingrid-Alexandra de Norvège, la princesse des Asturies et la duchesse de Brabant sont, tout comme la princesse Catharina-Amalia des Pays-Bas et le prince Christian de Danemark, les souveraines et souverain de demain.

Ils ont en commun de traverser aujourd’hui cet âge de tous les possibles. "La grande question des adolescents est 'quel est le sens de ma vie, à quoi vais-je servir ?'", observe le docteur Stéphane Clerget, pédopsychiatre, spécialiste des adolescents, qui vient de publier Hypersensible, hyperamoureux, aux éditions de La Musardine. "Mais ces jeunes princes partagent aussi le sentiment d’une responsabilité que n’ont pas tous les adolescents, poursuit-il. La majorité d’entre eux peut s’autoriser à être insouciants, à se laisser aller. Ces héritiers qui vivent sous l’œil des caméras ont vite compris que leur comportement pouvait porter préjudice à leur famille. Ils affichent une forme de contrôle de soi qui n’est pas courant à cet âge. La vraie difficulté pour ces ados, c’est l’amour. C’est une chose avec laquelle on ne peut transiger à l’adolescence, car l’on ne contrôle pas ses sentiments ni son idéal romantique." 

Comment vivre sa jeunesse entre légèreté et gravité ?

Alors, comment répondre, à l’âge des premiers engagements officiels, à cette injonction paradoxale de vivre sa jeunesse entre légèreté et gravité ? En la matière, chacun semble avoir trouvé son équilibre. À 17 ans, la princesse Ingrid-Alexandra jongle entre ses diverses obligations avec une aisance toute nordique. Pour les images officielles, elle arbore volontiers le costume traditionnel norvégien, bien éloigné de ses tenues de lycéenne.

Celle qui compte parmi ses parrains et marraines le roi d’Espagne, la princesse héritière de Suède et le prince héritier de Danemark a pris beaucoup de plaisir à inaugurer le jardin de sculptures qui porte son nom en compagnie de sa grand-mère, la reine Sonja. Comme à lancer à l’eau un navire de sauvetage en compagnie de son grand-père. Ingrid-Alexandra et le roi Harald V partagent d’ailleurs une même passion pour les sports nautiques. Le souverain, qui a représenté son pays dans les épreuves de voile des jeux Olympiques de 1964, peut être fier de sa petite-fille, tout juste sacrée championne junior de Norvège en surf.

La princesse Ingrid Alexandra de Norvège lors des célébrations de la fête nationale, le 17 mai 2020. © Getty Images
La princesse Ingrid Alexandra de Norvège lors des célébrations de la fête nationale, le 17 mai 2020. © Getty Images

Voilà comment la jeune fille a fait sienne cette invitation à l’excellence, en l’adaptant aux codes de sa génération. "L’accomplissement des passions est l’un des rares biais pour exister autrement, en tant que future reine ou futur roi, précise Stéphane Clerget. Car ces passions ne portent pas préjudice, elles ne peuvent qu’ajouter un supplément de prestige. Le sport est d’ailleurs essentiel, aide à tenir et à réfléchir et constitue la meilleure technique pour s’investir soi-même." 

Le prince Christian de Danemark ne saurait qu’adhérer à cette opinion, lui qui partage cette passion du sport avec son père le prince héritier Frederik. Tennis, ski, football… rien ne les arrête !

Le prince Christian de Danemark, fils aîné du prince héritier Frederik.© Det Dans Kekongehus
Le prince Christian de Danemark, fils aîné du prince héritier Frederik.© Det Dans Kekongehus

En un an, le jeune homme s’est métamorphosé. Sur les images dévoilées par le palais pour son quinzième anniversaire, en octobre dernier, il semble afficher deux visages. Celui du futur roi, le regard déterminé, veste bleue, chemise blanche et pantalon "chino" qu’auraient pu porter son père. Puis sur un autre portrait, en tee-shirt, une allure plus juvénile, enjouée, un large sourire traversant son visage.

Une vie d'adolescent presque normale 

Pas question pour autant de publier ces images sur les réseaux sociaux. Aucun de ces héritiers ne possède de compte personnel ouvert, chaque cour se chargeant d’assurer leur communication officielle. "Beaucoup d’adolescents très actifs sur les réseaux sociaux rêvent d’être un peu stars, analyse le docteur Clerget. Je ne veux pas dire que les princes sont des stars, mais il existe des points communs. Ces héritiers n’ont pas autant besoin de ces réseaux puisqu’ils le sont de fait." 

Cette restriction n’empêche naturellement pas cette génération de ne jamais se séparer de son smartphone. À l’image de la princesse Catharina-Amalia des Pays-Bas qui, à 17 ans, a fait sensation en apparaissant, téléphone en main, avec deux de ses camarades, à la tribune réservée aux visiteurs de la Seconde Chambre des États généraux des Pays-Bas.

Catharina-Amalia des Pays-Bas, princesse d'Orange. © Getty Images
Catharina-Amalia des Pays-Bas, princesse d'Orange. © Getty Images

Sa curiosité pour la chose publique a séduit les Néerlandais, et sans doute un peu surpris Maxima et Willem-Alexander. Ainsi, la future reine semble avoir à cœur de manifester de sa propre initiative un intérêt pour les affaires du pays. La modernité de l’éducation voulue par ses parents vise entre autres à la protéger de toute forme de pression.

Celle qui se rend chaque jour à bicyclette à l’école a fréquenté un temps une école publique, tout comme le prince Christian de Danemark et la princesse Ingrid-Alexandra de Norvège. Et semble vivre sereinement son double statut d’adolescente et de princesse héritière. "Cette responsabilité qui nous apparaît écrasante est aussi ce qui leur permet de traverser cette période sans trop de mises à mal, ni de prises de risques, estime Stéphane Clerget. Le concept d’adolescence rimant avec absence de responsabilité est assez récent. Pour leurs parents, c’est également – et paradoxalement – rassurant. Car tous les parents du monde sont angoissés par l’inconnu…" 

Se préparer aux attentes immenses qui pèsent sur leurs épaules

La princesse Catharina-Amalia partage avec les princesses Élisabeth de Belgique et Leonor d’Espagne un autre point commun: ces trois héritières sont les enfants de rois couronnés suite à une abdication. Elles connaissent ainsi le bonheur d’avoir leurs grands-parents auprès d’elles.

Tout comme son grand-père, Albert II, la duchesse de Brabant suit d’ailleurs une formation militaire exigeante, doublée d’un cursus en sciences sociales qui couronne un brillant parcours scolaire au pays de Galles, où elle a passé un bac international.

La princesse Élisabeth de Belgique accompagnée de ses parents, le roi et la reine des Belges, en septembre 2020. © Getty Images
La princesse Élisabeth de Belgique accompagnée de ses parents, le roi et la reine des Belges, en septembre 2020. © Getty Images

La jeune femme semble déjà rompue à l’exercice des obligations officielles comme en témoignent les nombreux engagements accomplis depuis ses 11 ans, lorsqu’elle inaugura l’aile de l’hôpital de Gand qui porte son nom. Ces jeunes héritiers ignorent – heureusement – tout de l’horizon auquel s’accomplira leur destin.

Pour le docteur Clerget, "l’adolescence est un âge où l’on vit beaucoup dans le présent et déjà dans l’avenir. Pour autant, ils se questionnent sur ce qu’ils feront plus tard. La difficulté des jeunes princes est qu’ils n’ont pas tellement le choix. Ce n’est pas dramatique, mais tout de même contrariant." 

Ce constat ne semble aucunement troubler la princesse des Asturies qui, depuis déjà quelques années, a fait sien son royal destin. En compagnie de sa mère la reine Letizia, elle se prépare activement à...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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