oIl y a quelque chose de fascinant, d’inouï même dans ce documentaire qui nous plonge au plus intime d’un destin extraordinaire, celui de Paola Ruffo di Calabria, née en Toscane le 11 septembre 1937, dernière de sept enfants, issue de l’aristocratie italienne, devenue reine des Belges en 1993 et mère de l’actuel souverain, le roi Philippe.
Inouï parce que, sans barrière, sans qu’aucune question ne soit taboue, mais avec une douceur infinie, l’ancienne reine remonte le fil de sa vie. Fascinant parce que le téléspectateur est accueilli comme un membre de la famille, au presbytère de Villers-sur-Lesse, la maison de campagne d’Albert et Paola de Belgique, au Belvédère, leur résidence officielle, ou à Châteauneuf de Grasse, dans leur chère maison de vacances du midi de la France.
Dès l'enfance, Paola doit surmonter les épreuves que la vie lui impose
Tel est le tour de force accompli par le réalisateur Nicolas Delvaulx dont Paola, côté jardin, bien plus qu’un documentaire, est un vivant album, feuilleté au fil des conversations avec la reine ou entre elle et ses proches. Tout le monde en oublie la caméra. Voici Paola au presbytère avec sa petite-fille, Luisa Maria, deuxième fille de la princesse Astrid et du prince Lorenz. Elle lui montre des photos de son enfance. "Ma mère avait des fous rires, elle savait ce qu’elle voulait, elle avait un enthousiasme, aussi, qu’elle m’a peut-être transmis."

L’insouciance s’efface devant la guerre, les deuils, une sœur morte de façon brutale, un frère parti s’engager au côté des Américains et qui ne reviendra pas. Le père de Paola, ancien héros de la Première Guerre, disparaît lui aussi, en 1946. Paola n’a que 9 ans. "Ma mère a dû subir beaucoup de douleurs. Là, j’ai senti que j’avais un petit rôle, c’est-à-dire d’être sage, de la consoler." Un autre plan, les anciens souverains sur un banc, dans leur jardin. Lui se souvient de leur rencontre, à l’ambassade de Belgique à Rome. Petit à petit, ils se revoient. "Et à un moment donné, je me suis dit [...] que c’était vraiment de l’amour et que je voulais passer toute ma vie et mes jours avec elle."

Le 2 juillet 1959, le mariage est retransmis à la télévision dans le monde entier. La pression est énorme. "Trop d’attente et très vite une presse très mauvaise. [...] Je n’ai pas connu du tout la liberté." La timidité de Paola la handicape. "Et aussi le bilinguisme. Le flamand à apprendre, ça a été une souffrance. Personne ne sait les efforts que j’ai faits." L’éducation des enfants ? "La priorité, c’était qu’ils se sentent un peu comme les autres (enfants). [...] Et je n’ai pas réussi tout à fait."

Il y a une souffrance à leur sujet, dont s’explique le roi Albert. "Au début, j’ai été assez autoritaire avec mon fils (Philippe). Et puis un médecin est venu me parler et m’a dit, 'votre fils ça ne va pas du tout, il va devenir malade si vous continuez comme ça'. [...]. Je me suis un peu découragé, je me suis désintéressé de lui à ce moment-là." Paola poursuit, "il aurait fallu être plus adultes, plus conscients de ce qu’un père et une mère doivent vraiment (faire). Et puis, en plus, nous avions toutes les chances de nous séparer si nous ne nous étions pas ressaisis."

À l’aube des années 1970, le mariage d’Albert et Paola se délite. En témoigne cette image de la princesse de Liège se promenant sur une plage de Sardaigne avec un journaliste français. "Là, c’est un amour un peu égoïste. [...] Mais au fond, je ne regrette rien. Je n’étais pas heureuse. Pendant dix ans, je n’étais absolument pas heureuse du tout. Et [...] il y avait ce danger du divorce. [...] Finalement (Albert) m’a dit: 'Je t’ai toujours aimée.' Cela m’a fait plaisir." Ils sauvent leur couple et font beaucoup mieux encore. "Cela vaut la peine de se donner le temps, parce qu’alors naît tout autre chose ; il n’y a plus la hâte, il n’y a plus le sexe, il y a la tendresse. Et vieillir comme ça, c’est bien, non ?" Son époux approuve, "c’est le trésor, ça, je trouve".
"Je suis fier et vraiment heureux de voir mes parents unis"
Nicolas Delvaulx évoque la fille naturelle du roi Albert avec la reine Paola. "Elle m’a répondu qu’elle comprenait très bien la question, mais que ce n’était pas son histoire à elle. Ce que je peux vous dire, parce que je le sais, c’est qu’elle n’a jamais empêché la réconciliation entre Albert et Delphine." Une telle confiance s’installe avec le réalisateur qu’au fil du tournage, le couple propose à d’autres membres de la famille royale d’y prendre part.

"Ce qui m’a le plus surpris, continue Nicolas Delvaulx, c’est leur parfaite sincérité à tous. C’est une histoire dans laquelle beaucoup de gens peuvent se reconnaître." Celle d’une femme qui a essayé de trouver l’amour et la liberté, d’un couple déchiré puis plus fort de s’être pardonné, d’une famille avec ses blessures et ses joies. La princesse Astrid évoque l’enfance compliquée de la fratrie. "Mais j’ai un très grand amour pour mes parents. Énorme [...]. Et j’admire beaucoup maman, je dois dire, dans les moments difficiles, elle a été extraordinaire."

Vacances à Châteauneuf de Grasse, avec le prince Laurent, son épouse et ses enfants. Paola évoque la mort du roi Baudouin, le 31 juillet 1993. "C’était comme la foudre tombée du ciel. [...] C’était quelqu’un de très impressionnant. Toi tu étais en admiration, mais lui il t’aimait beaucoup." Défilent le règne, ses réussites, ses pièges, la création de la Fondation Reine Paola pour les jeunes socialement vulnérables...
Le roi Philippe et la reine Mathilde arrivent au Belvédère et regardent des photos avec Albert et Paola. "Celle-là, je la trouve très jolie", dit l’ancienne reine à son fils aîné en montrant un portrait de lui jeune homme. "Ça, c’était il y a vingt kilos", s’amuse-t-il. Il définit sa mère comme une non-conformiste. Et puis, "je suis fier et vraiment heureux de voir mes parents unis [...]. La réconciliation et le pardon, c’est ce qu’il y a de plus difficile mais de plus grand." Images de l’abdication et de l’accession au trône de Philippe et Mathilde, le 21 juillet 2013, puis retour à Grasse, dans cette nouvelle vie qu’ont bâtie Albert et Paola. "Tous les deux, nous éprouvons une grande paix. Oui, je suis contente d’avoir rencontré le prince Albert finalement. [...] Parce que je trouve...
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