Cela fait deux ans et demi que Zoé Ouvrier et Arik Levy sont installés ici, à Saint-Paul-de-Vence. Dans leur belle demeure flotte déjà un air de vraie maison de famille. De ces lieux investis qui semblent exister depuis toujours. Chaque pièce, chaque mur est occupé par les œuvres du couple, quand ce ne sont pas celles de leurs filles, Avasnow, 15 ans, et Paz, 12 ans, qui profitent des visites de collectionneurs pour exposer leurs peintures, dûment étiquetées d’un prix… Il y a aussi les tableaux ou les objets des créateurs qu’ils aiment : une photo des mains de Louise Bourgeois par Jean-François Jaussaud, face à une peinture de David Nash et un collage-peinture de Frank Stella.
Des plantes poussent un peu partout, le chat se balade, les rideaux frissonnent dans les courants d’air bienvenus — c’est l’été et dans ce coin des Alpes-Maritimes, il peut faire très chaud. On attendra donc le soir pour descendre les restanques jusqu’au bas du jardin où scintille la piscine, avant d’aller dîner, peut-être sur l’une des terrasses de Saint-Paul. Le village est célèbre pour abriter l’hôtel de La Colombe d’or et la Fondation Maeght, qui accueillirent, en leur temps, Jacques Prévert, Simone Signoret ou Pablo Picasso.
Arik et Zoé, deux mondes qui se complètent
Tous deux artistes, Arik Levy et Zoé Ouvrier s’insèrent parfaitement dans cette histoire locale. Lui est un créateur israélien aux multiples talents, du design à l’art contemporain en passant par la photo. Mannequin, puis diplômée des Beaux-Arts de Paris, elle est aujourd’hui l’auteure féconde d’œuvres gravées sur panneaux de bois, qui attirent collectionneurs et décorateurs.
Parisiens, ils avaient envie de vivre au soleil, pas trop loin d’un aéroport. D’où la proximité de Nice, où ils ont trouvé la maison de leurs rêves. Celle-ci a été construite, il y a vingt-huit ans, pour la danseuse Sylvie Guillem ; 580 m2 sur deux niveaux, un rez-de-chaussée et un rez-de-jardin, avec un immense studio sous verrière qui est devenu l’atelier.
Au nord, c’est le monde minéral d’Arik, avec ses sculptures RockFormationTower, Crater, SolidLiquid, RockGrowth… en Inox miroir, acier Corten, verre coloré et églomisé. Côté sud, vers le jardin, on découvre l’univers plus végétal des panneaux de Zoé, gravés à la gouge — "une technique qui remonte au XIIIe siècle", précise-t-elle— de motifs d’arbres, de rhizomes et de systèmes organiques fluides sur fond de feuille d’or ou de peinture.
"Mon côté 'à fleur de peau', poursuit-elle. Je suis inspirée par des graines ou de petites choses que je ramasse, dont les formes me donnent des émotions intenses." Elle a parfois décliné son travail en papier peint ou en tapis avec la firme Tai-Ping et crée de plus en plus de mobilier comme le délicat buffet — mis au point avec Arik — du salon. "Nous nous influençons inconsciemment, disent-ils, parce que nous nous intéressons tous deux à la nature, même si nos langages sont très différents." Deux mondes qui se complètent et cohabitent avec bonheur.
En accord avec la nature
Dans la maison, le même accord règne entre leurs créations, dans la salle à manger sous verrière, ombragée façon zèbre par des canisses, dans l’accueillante cuisine ou le salon, au sol de tatamis installé autrefois par Sylvie Guillem. Un grand canapé, dessiné par Arik pour l’éditeur italien Molteni, permet de se lover autour de la cheminée. En face, on lézarde dans le Lounge Chair de Ray et Charles Eames derrière lequel trônent la planche de surf d’Arik et les guitares de Zoé.
Le salon ouvre sur une terrasse protégée du soleil par une pergola de bambous imaginée par Arik, que Zoé surnomme "Mac Gyver"... On peut y prendre les repas, un bain de soleil ou, comme le sculpteur en ce moment, y travailler. Il met la dernière main à la version en plâtre d’une œuvre de la série Ghost, bientôt fondue en bronze.
Le jardin est le cadre parfait pour ces œuvres monumentales ; ici, un RockTotem, menhir d’acier Corten au vif ton orangé, semble défier un cyprès dont il partage l’allure élancée ; là, un tronc en marbre repose contre celui d’un olivier; plus loin, les facettes miroir d’une RockFormationTower reflètent le paysage, brouillant les repères du visiteur. "Plutôt qu’un parc de sculptures, le jardin est une extension de l’atelier", explique Arik.
On chemine entre les néfliers, noyer, cerisiers, figuiers, orangers… Les oliviers ont donné 80 litres d’huile l’an dernier, et tout l’été, le potager offre tomates, salades, haricots, concombres et pommes de terre sous une magnifique treille. Deux ruches, que Zoé protège farouchement des frelons asiatiques, procurent le miel de la maison. Plus loin, une sculpture RockStoneMesh, en grillage, tranche par sa transparence. "Nous avons découvert ici comment la végétation pouvait s’inviter dans la sculpture. Celle-là parle de la question du temps, ce contraste entre ce qui continue à grandir, à l’intérieur, et ce qui est coupé, à l’extérieur", développe Arik. Lorsque l’on tend l’oreille, une fontaine rafraîchit les esprits rien que par le chant de l’eau. Dans son bassin, tournent de grosses carpes koï. On remonte lentement vers la maison, dans les derniers rayons du soleil qui joue si bien avec ce lumineux Sculpture Park.
Visites sur rendez-vous: sculpturepark@ariklevy.fr
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