De loin, on aperçoit la bâtisse et ses murs austères qui couronnent un piton rocheux, défiant les montagnes. L’entrée de cette ancienne forteresse dont la façade s’élève sur trois étages est pourtant loin d’être ouverte à tous vents. Passé le portail, une surprenante débauche de palmiers vous transporte dans un monde inattendu sous ces latitudes, aux portes des Pyrénées. Charmant et courtois, Alexandre Sharaf accueille ses visiteurs dans l’enceinte du château de Prat, entourée de vieux murs, de terrasses, de fossés et d’escaliers monumentaux mêlant les styles.
"J’en rêvais depuis mon enfance"
Depuis cinq ans, le jeune homme est à la tête de cette ancienne place forte construite par les comtes de Comminges dès le début du XIIe siècle. Elle est située au sommet d’un oppidum romain qui domine une importante voie de passage de l’Antiquité. Au XVIe siècle, Prat est converti en un château Renaissance par Jean II de Mauléon, évêque de Saint-Bertrand de Comminges.

La longue façade donnant sur le jardin témoigne de cette époque avec sa tour percée de fenêtres à meneaux qui contraste avec la sobriété de l’ensemble. Au fil du temps, la demeure connaît des fortunes diverses, tour à tour propriété des familles de Montpezat, de Montesquieu, de Roquemaurel et de Nouaillan... jusqu’à ce qu’Alexandre Sharaf tombe sous le charme. "J’en rêvais depuis mon enfance. Petit, à l’école à Genève, je dessinais déjà des châteaux, des princes et princesses", confie-t-il.

Pourtant, après des études de juriste, il s’est lancé dans une brillante carrière dans la finance, qui ne le comble cependant pas. "À 27 ans, et quelques années passées dans diverses banques privées, j’ai vu ce que je n’aimais pas. J’ai démissionné d’une grande banque d’affaires, en coupant les ponts avec ce monde-là." Lui qui n’a jamais vécu à la campagne se lance à la recherche du château de ses rêves. "Ici, j’ai eu le coup de foudre ! Tous les arguments raisonnables ont été balayés d’un coup. Je suis revenu voir mes parents à Genève en leur disant que j’avais négocié un bon prix et qu’il fallait signer !" Alexandre, qui n’a jamais tenu dans ses mains ni marteau ni débroussailleuse, retrousse ses manches et entreprend d’en faire le maximum lui-même. "C’est sûr qu’il fallait du culot", admet-il en souriant.

Heureusement, le gros œuvre est en bon état. Il peut s’atteler alors à la décoration des intérieurs, répartis entre le domaine familial et les cinq chambres d’hôtes plongées dans une ambiance sobre et élégante avec leurs meubles cirés, leurs miroirs en bois doré et leurs fauteuils Louis XV. L’une d’elles porte le nom de "Comtesse de Nouaillan", souvenir de celle qui régna sur le château pendant plus de cinquante ans au XIXe siècle. Une autre porte le nom du prince Michel de Grèce, ami et familier de la maison depuis une rencontre sur l’île grecque de Patmos.

Elle est située sous les toits, tout comme l’"Appartement ducal" de 100 m2 qui profite du charme de la magnifique charpente teinte en blanc. On imagine les heures passées à chiner toutes ces merveilles en pensant à chaque recoin du château. À cela, Alexandre avoue son péché mignon : "Les catalogues de ventes aux enchères sont ma grande distraction, je les compulse comme si je partais pour une chasse au trésor. Je suis amateur de porcelaine, de belle vaisselle, et finalement de tout ce qui peut rendre la vie plus élégante."

De là-haut, le regard est attiré par la terrasse, et au-delà les contreforts des Pyrénées tapissés de forêts. Depuis qu’au XIXe siècle, l’une des propriétaires s’est occupée de planter des palmiers autour du bassin Renaissance, l’ensemble a des airs d’oasis. À l’heure du dîner, Alexandre Sharaf aime à dresser une table dehors, près du bassin Renaissance qui offre une agréable douceur quand vient l’été. Tandis que le jour commence à tomber sur les montagnes, il songe à l’avenir de Prat, à son envie de présenter la vie de château à ses contemporains, imaginer et repenser les espaces, et pourquoi pas y organiser des événements culturels, des mariages et des retraites pour réfléchir ensemble. L’endroit s’y prête tant le ciel prend peu à peu l’ascendant, laissant libre cours à tous les rêves.

Château de Prat, 09160 Prat-Bonrepaux, 07 67 64 61 74.
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