C’est bien connu, les Romains n’étaient pas fous tant ils savaient choisir les meilleurs emplacements pour y construire leurs villégiatures. Ainsi à Sorrente, dans le golfe de Naples, l’histoire veut que les fragments de colonnades et les pierres sculptées qui affleurent entre les massifs de vivaces du côté de la piscine du grand hôtel Excelsior Vittoria soient les vestiges de la villa de l’empereur Auguste.
Un mélange de styles à découvrir à l'Excelsior Vittoria
En surplomb de la Méditerranée, à flanc d’une falaise de cinquante mètres et face au Vésuve, on mesure le goût exquis qui régnait au début du Ier siècle, auquel s’est adjoint celui de la famille Fiorentino, à la tête depuis bientôt deux cents ans de cette adresse historique
"Mon ancêtre Raffaele Fiorentino a ouvert ici une première locanda en 1834, auberge destinée à accueillir les voyageurs du Grand Tour. À l’époque, Sorrente est l’ultime étape de ce voyage initiatique et culturel qu’entreprennent les aristocrates du nord de l’Europe. C’est le bâtiment néoclassique que vous voyez à gauche, la Vittoria. En 1887, face au succès, l’hôtel s’agrandit à droite avec la Rivale. Quand au chalet qui relie les deux, il s’agit de la Favorita, édifiée au début du XXe siècle à la demande d’un prestigieux client d’Europe du Nord en quête d’intimité", raconte Guido Fiorentini, représentant la cinquième génération à veiller avec son épouse Ornella sur ce palace italien aux airs de maison de famille.

Veiller est bien le mot, puisqu’ils vivent à deux pas, dans la maison située à l’entrée du domaine de deux hectares, en plein cœur de Sorrente. "Et encore, mon grand-père, Adriano, a dû vendre une partie du terrain pour financer après-guerre la reconstruction du Grand Hôtel Vesuvio de Naples qui appartenait aussi à la famille à l’époque."

Par un de ces miracles inexpliqués, la plupart des décors d’époque de l’Excelsior Vittoria ont bravé les siècles pour composer un mélange de styles, entre néoclassicisme et Liberty, l’art nouveau italien. Marbres rouges de Vitulano et carreaux de majolique, boiseries et meubles en intarsio sorrentino, la marqueterie locale qui mêle le palissandre, l’olivier et le bois de rose.

Et surtout des kilomètres de fresques qui courent le long des murs, des cages d’escalier et sur les plafonds voûtés. Toute l’année ou presque, ces frises à la grecque, ces oiseaux mythologiques entremêlés de feuillages aériens et de putti dodus sont choyés par un homme de l’art perché sur son échafaudage.
Générations de Fiorentino se succèdent les unes après les autres
Au fil des temps, elles ont vu passer du beau monde. Richard Wagner termine ici la composition de Parsifal et philosophe avec le jeune Nietzsche chamboulé par sa découverte du "Sud". Le prince de Galles est un habitué, même lorsqu’il devient le roi Édouard VII. Un registre exposé dans le bar détaille d’ailleurs le menu qui lui a été servi le 29 mars 1910 : hors d’œuvres, spaghetti, côtelettes de mouton et pomme. Bien plus tard, son arrière-petite-fille la princesse Margaret débarque de son Riva en provenance de Naples pour s’installer dans la suite 205 qui depuis porte son nom.

Au bout de la réjouissante allée jardin qui mène à l’hôtel – l’œuvre d’Ornella– un grand gaillard s’avance en souriant. C’est Luca, 26 ans, le fils aîné de Guido et Ornella, représentant la sixième génération de la famille Fiorentino. "Officiellement, je suis directeur des ventes, mais au bout du compte, homme à tout faire", reconnaît-il dans un français impeccable, appris au lycée Alexandre-Dumas de Naples.

"J’ai eu la chance de vivre ici tous les week-ends. Un parc de jeux pour enfants a été construit à ma naissance, puis un terrain de foot pour mes 10 ans. Ce lieu est vraiment notre maison et j’ai toujours eu envie de m’y investir, même si je comptais faire mes classes ailleurs, à Miami notamment. Mais Donald Trump en a décidé autrement en bloquant les permis de travail à son accession au pouvoir. Du coup, je suis arrivé plus vite que prévu !" poursuit-il. Son frère Peter, 22 ans, termine des études de communication à Naples et envisage lui aussi de rejoindre la maison.

Cinquante mètres au-dessus du niveau de la mer, la grande terrasse de l’Excelsior Vittoria devient en été le centre névralgique du palace. À l’abri de la balustrade de pierre, on y sirote le limoncello maison préparé avec les citrons du domaine, même si, attention, il se peut que la cuvée 2021 soit bientôt en rupture. On surveille le va-et-vient des bateaux pour Capri, qui n’est qu’à vingt minutes de navigation vers l’ouest. Et on contemple la silhouette majestueuse du Vésuve au nord tandis que de grosses mouettes passent en frôlant la façade, presque deux fois centenaire, qui semble avoir l’avenir devant elle.

Excelsior Vittoria à Sorrente, Piazza Tasso 4.
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