En imaginant les plans de sa nouvelle demeure, Charles Owen O’Conor Don a vu prestigieux et moderne. En cette fin du XIXe siècle, la terre de Clonalis se pare bientôt d'un étonnant manoir en béton — une première pour l’Irlande — dans le style italianisant que la reine Victoria a mis à la mode sur l’île de Wight avec Osborne House. Clonalis House possède des proportions plus modestes, mais équilibrées. Sa façade symétrique hérissée de cheminées se détache sur la plus verte des prairies tandis qu’à l’arrière, une pinède de belle taille lui sert de mur d’enceinte.
"J’ai toujours su que je vivrais ici"
Entre Dublin et Galway, les terres de l’ancienne province de Connacht sont depuis presque la nuit des temps celles du clan O’Conor, qui a régné jusqu’au XIVe siècle sur le nord de l’Irlande. Plus tard, les représentants de la famille vont s’illustrer dans la lutte contre la mainmise anglaise et son cortège de discriminations envers les catholiques. Au fil du temps, le domaine de 6000 hectares va fondre pour ne plus représenter "que" 300 hectares. Mais à la faveur d’une série de mariages dans sa famille avec des jeunes filles bien dotées, Charles O’Conor Don peut construire la demeure actuelle, digne de son rang de membre du parlement du Royaume-Uni.

Dès l’entrée, le décor impressionne avec ses colonnes en marbre de Cork plus ornementales que nécessaires à la tenue de la structure, son escalier en chêne massif et ses portraits d’ancêtres qui racontent deux siècles de l’histoire d’une famille royale dont les origines s’ancrent dès le IIe siècle au nord de l’Irlande. "Soyez les bienvenus", lance Richard O’Conor Nash en accueillant ses hôtes.

Il y a trois ans, l’arrière-arrière-petit-fils de Charles O’Conor Don a quitté son costume de banquier pour s’installer à Clonalis avec son épouse Carol-Anne et leurs fils, Haron, 6 ans, et Freddie, 4 ans aujourd’hui. Peu à peu, ils ont pris leurs marques, poursuivant le travail entrepris par les parents de Richard qui, en 1998, avaient ouvert quatre chambres d’hôtes dans la maison principale et commencé à louer cinq cottages sur le domaine. "En réfléchissant bien, je crois que j’ai toujours su que je vivrais ici, même si, pendant près de vingt ans, nous avons habité Dublin", témoigne-t-il.
L'endroit idéal pour se ressourcer
À l’université où il étudiait l’agriculture, Richard a rencontré Carol-Anne, inscrite en français et en sociologie. "Au début de notre mariage, je n’y ai pas trop pensé et quand les enfants sont nés, nous avons souhaité qu’ils grandissent à la campagne", poursuit cette ancienne acheteuse de l’enseigne de vêtements Primark, ravie de sa nouvelle vie. "Nous sommes devenus les gardiens de la maison", ajoute encore Richard, conscient de la mission de préservation de ce patrimoine familial qui lui incombe désormais.

Cet hiver, Clonalis House s’est dotée d’une cuisine professionnelle — la grande passion du patron —, et a rafraîchi la décoration de ses quatre chambres d’hôtes. En janvier, elle a été distinguée par l’Irish Historic House/O’Flynn Heritage qui lui a remis un prix d’une valeur de 5 000 €, lequel financera l’installation d’une chaudière biomasse prévue l’hiver prochain. Dès le 1er avril, elle rouvre ses portes aux hôtes de passage, ravis de respirer pour quelques heures ou quelques jours un authentique air de famille. "Nous voulons que tout le monde se sente à l’aise et comprenne l’âme de cette maison", affirment Richard et Carol-Anne.

À l’heure de l’apéritif, on se retrouve dans la bibliothèque, riche de quelque 7 000 volumes, auxquels s’ajoutent dans les réserves près de 100 000 manuscrits et documents historiques dont les plus anciens sont datés du XVIe siècle. Un feu de tourbe et de chêne ronronne dans la cheminée tandis que Carol-Anne apporte les gin-tonics.

Sous le regard d’une galerie de portraits de famille, la grande salle à manger est bientôt prête à accueillir les convives. Elle a conservé ses meubles d’acajou et ses surtouts en argent massif commandés en 1851 lors de la première Exposition universelle, organisée sous le dôme du Crystal Palace de Londres. Depuis le perron en béton à l’unisson de la maison, un jardin tout simple descend en pente douce vers la nature. Au-delà de la barrière, les vaches du domaine déambulent selon une logique connue d’elles seules, créant un décor sans cesse renouvelé.

À droite de la porte d’entrée, il faut écarter quelques branches de buis pour découvrir une stèle ô combien importante. Extraite d’une montagne sacrée à une vingtaine de kilomètres de là, elle symbolise depuis le XIIe siècle l’attachement du clan O’Conor à sa terre de Clonalis, sur laquelle veille désormais une nouvelle génération heureuse et engagée.
Réserver Clonalis House. Castlerea. Comté de Roscommon.
Pour organiser son voyage en Irlande : www.irlande-tourisme.fr
Connectez-vous pour lire la suite
Profitez gratuitement d'un nombre limité d'articles premium et d'une sélection de newsletters
Continuer
Un journalisme d’excellence, des contenus exclusifs, telle est la mission de Point de Vue. Chaque article que nous produisons est le fruit d’un travail méticuleux, d’une passion pour l’investigation et d’une volonté de vous apporter des perspectives uniques sur le monde et ses personnalités influentes. Source d’inspiration, notre magazine vous permet de rêver, de vous évader, de vous cultiver grâce à une équipe d’experts et de passionnés, soucieux de porter haut les couleurs de ce magazine qui a fêté ses 80 ans. Votre abonnement, votre confiance, nous permet de continuer cette quête d’excellence, d’envoyer nos journalistes sur le terrain, à la recherche des reportages et des exclusivités qui font la différence tout en garantissant l’indépendance et la qualité de nos écrits. En choisissant de nous rejoindre, vous entrez dans le cercle des amis de Point de Vue et nous vous en remercions. Plus que jamais nous avons à cœur de vous informer avec élégance et rigueur.