Chez Charles et Diane de Mortemart à Minorque

Depuis quelques années, le 17e duc de Mortemart et son épouse se partagent entre la France et la plus préservée des îles des Baléares. Dans les terres, ils ont converti une ancienne finca en agroturismo de treize chambres. Loin des domaines familiaux du Limousin et du Nivernais transmis à leurs quatre filles, ils construisent ici leur vie future, entre écologie, lumière méditerranéenne et sens de l’accueil.

Par Marie-Eudes Lauriot Prévost - 02 décembre 2022, 08h33

 Charles et Diane de Mortemart à Rafal Rubí, à Minorque.
Charles et Diane de Mortemart à Rafal Rubí, à Minorque. © Julio Piatti

Selon les archéologues de l’île, le site de Rafal Rubí serait habité depuis plus de trois millénaires. D’ailleurs, il suffit de traverser la petite route qui longe le domaine pour découvrir les navetas, chambres funéraires, ouvertes à la visite de 10 heures à 20 heures. Ce n’est pas ce qui nous amène au sud-est de Minorque, mais bien cette finca construite à la fin du XIXe siècle, dont le fronton de pierre calcaire découpe sa silhouette en triangle dans le bleu du ciel, émergeant d’un bouquet de palmiers. "Bienvenue à la maison!", lance Charles de Mortemart avec enthousiasme.

"Je veux que vous vous sentiez chez vous"

Il y a deux ans, le 17e duc de Mortemart, chef de maison de l’une des plus anciennes familles de la noblesse française, a ouvert avec son épouse Diane cet agroturismo — équivalent de nos fermes auberges. Treize chambres avec vue sur un jardin luxuriant et pas très loin, un potager et une oliveraie, le tout cloisonné de méandres de murets de pierres sèches typiques de Minorque. "Vous êtes chez moi et je veux que vous vous sentiez chez vous", poursuit le maître des lieux en menant ses hôtes au bord de la piscine aménagée dans l’ancien abreuvoir du bétail.

Chez Charles et Diane de Mortemart à Minorque.
Lorsqu’ils découvrent cette finca laissée à l’abandon, Charles et Diane de Mortemart se retroussent les manches. En un an, ils lui redonnent vie, installent la piscine dans l’ancien abreuvoir des vaches et 13 chambres entre la maison de maître et celle des paysans.© Julio Piatti

À 55 ans, il réalise un rêve de jeunesse, lorsqu’il imaginait faire l’École hôtelière de Lausanne, mais a dû se résoudre à des études de commerce plus conformes aux attentes familiales. "J’ai perdu mon père à 24 ans et me suis retrouvé à la tête du château des Ducs à Mortemart, forteresse médiévale du Limousin, et du château de Réveillon dans la Nièvre, construit fin XIXe. Pendant trente ans, avec Diane, nous avons fait vivre ces demeures en y aménageant des gîtes et en organisant des mariages à Réveillon. Nous aimions beaucoup Majorque, mais sans avoir les moyens d’y trouver notre bonheur les pieds dans l’eau. En 2017, nous découvrons Minorque et la maison qui accueillera nos quatre filles en vacances.

Chez Charles et Diane de Mortemart à Minorque.
Les archéologues mandatés pour retracer l’histoire de Rafal Rubí attestent d’une présence humaine depuis plus de trois millénaires. © Julio Piatti

L’agence insiste pour leur montrer un autre bien dans les terres. Tout ce qu’ils ne veulent pas : quatre murs lépreux engloutis par la jungle, cinquante ans d’abandon et un travail colossal pour redonner vie à cette finca qui recèle cependant un trésor : une licence d’agroturismo, denrée rare depuis que le gouvernement des Baléares en a gelé les attributions pour plusieurs années afin de limiter la pression immobilière. "Charles me dit : 'C’est mon rêve'", se souvient Diane. En cinq minutes, la décision est prise.

Chez Charles et Diane de Mortemart à Minorque.
Dans la maison principale en pierre calcaire de marès, les volumes d’origine ont été respectés avec soin. Construite sur la roche, elle se rejoint par un jeu d’escaliers extérieurs et de terrasses qui sont devenus autant de lieux de repos. © Julio Piatti

Tous les deux sont aguerris aux résurrections de vieilles pierres et, en un an, Rafal Rubí reprend vie. Et mieux encore puisque Diane veut rendre ce projet autonome en énergie et en eau. C’est presque le cas grâce à l’installation de 60 panneaux solaires chargés de produire électricité et eau chaude, relayés certains soirs par un générateur. Les citernes historiques de 380.000 litres sont restaurées et une troisième de 40.000 litres est creusée. Quant aux eaux usées dites "grises", elles partent, une fois filtrées, arroser la nouvelle oliveraie, les jardins et une fois par mois, le potager "sec". Cultivé en permaculture et soigneusement paillé, il doit prospérer avec sobriété. Car il faut songer aux sécheresses qui peuvent s’éterniser comme celle de l’été dernier.

"En France, c’est le poids de l’Histoire. Ici, c’est le présent"

Dans une pépinière d’Alicante, sur le continent, Diane a choisi des arbres jeunes, susceptibles de s’habituer au climat îlien et de voisiner avec les cactus centenaires du domaine. "Lors de notre première visite, on nous avait signalé l’existence d’un jardin "romantique" dont nous devinions les contours sous les ronces. Lui aussi nous a séduits et a influé sur notre décision", poursuit Diane. En poussant l’une de ces barrières typiques de Minorque faites de branches d’oliviers sauvages, il se dévoile à la manière des jardins arabo-andalous avec son allée centrale en pente douce bordée d’un ruisseau et, de part et d’autre, des buissons roses, des bougainvilliers et des citronniers.

Chez Charles et Diane de Mortemart à Minorque.
Charles de Mortemart est toujours prêt à guider ses hôtes vers leurs activités minorquines du jour. Avec son épouse Diane, ils travaillent essentiellement avec des habitants de l’île qui connaissent bien les lieux. © Julio Piatti

À Rafal Rubí, la maison de maître et la Casa Payès (des paysans), à touche-touche, semblent se protéger. L’une élève fièrement sa façade de pierre blonde et l’autre joue les modestes derrière son crépi immaculé. Toutes deux se répartissent les treize chambres et disposent chacune d’un salon et d’une cuisine équipée. Le tout décoré par Diane, qui a privilégié la simplicité et les tons clairs. Attentifs au bien-être de leurs hôtes, Charles et Diane sont souvent au four et au moulin, et heureux. "Je crois que nos filles sont fières de nous. En France, c’est le poids de l’Histoire. Ici, c’est le présent, et peut-être même une façon de leur passer le relais", reconnaît le père de famille.

Chez Charles et Diane de Mortemart à Minorque.
À Minorque, seul 5 % du territoire est construit, contre 25 % à Majorque et Ibiza. Diane met un grand soin à l’entretien des jardins cloisonnés par des murs de pierres sèches et les célèbres barrières faites de branches d’oliviers sauvages. © Julio Piatti

D’ores et déjà, le château de Réveillon est géré par Gaëtane, la deuxième du quatuor emmené par Albane, passionnée de joaillerie. Solenne, la troisième, travaille dans l’organisation d’événements tandis qu’Hélène, la dernière, termine des études d’hôtellerie. À Noël, tous ont rendez-vous à Minorque, pour profiter à leur tour de la belle vie de Rafal Rubí.

www.rafalrubi.comRéouverture le 1er mars 2023.

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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