Chez Charlotte et Philip Colbert à Londres

Elle est réalisatrice, lui est designer et tous deux sont artistes. Ce couple franco-anglais-écossais vient d’emménager à l’est de la capitale britannique. En quatre ans de travaux menés avec la complicité de Buchanan Studio, ils se sont créé un univers unique, entre surréalisme et pop culture, qui a même donné naissance à une marque de mobilier et d’accessoires pour la maison. Visite dans la bonne humeur à l’heure où le film de Charlotte, She Will, est à voir en salle.

Par Marie-Eudes Lauriot Prévost - 11 décembre 2022, 10h52

 Charlotte et Philip Colbert partagent un goût immodéré du surréalisme et du pop art.
Charlotte et Philip Colbert partagent un goût immodéré du surréalisme et du pop art. © Alex Bramall via Maison Colbert

Quand tout se mêle, les sentiments et l’art, la fantaisie et le besoin de confort, la famille et le design, l’idéal ne serait-il pas d’inventer un lieu susceptible d’abriter la vie et la création ? C’est la mission que s’étaient fixée Charlotte et Philip Colbert en aménageant leur nouvelle maison londonienne. Et le moins que l’on puisse dire est que le résultat est réussi, comme on le découvre dans le quartier de Spitalfields, à l’est de Londres. Pas le plus résidentiel ni le plus chic, mais assurément le plus vivant et stimulant suivant les codes de la fameuse excentricité britannique.

Chez Charlotte et Philip Colbert à Londres.
Dans le grand salon agencé sur deux niveaux, les fenêtres et les murs en brique sont d’origine. Au-dessus de la cheminée, sont accrochés Vietnam Diptych, de Jeff Keen, et Back Strap (Red Fly), de Rose Wylie. © Maison Colbert

"Tout près de la City, mais du côté des cow-boys en string", s’amuse Charlotte derrière son regard bleu intense. Française par sa mère et anglaise par son père, cette blonde filiforme a grandi à Londres où elle s’est forgé un caractère joyeux et engagé, qui nourrit sa carrière de réalisatrice de cinéma. Quant à Philip, il vient d’Écosse flanqué d’un patronyme huguenot, après être passé par l’université de St Andrews où il a étudié la philosophie. Peu à peu, il s’est tourné vers l’art et le design. 

"Une conversation artistique entre nous"

Tous deux se sont rencontrés il y a une bonne dizaine d’années à la première d’un court-métrage de Charlotte, réunis par le goût du surréalisme et de l’audace, et sont aujourd’hui deux fois parents. À Spitalfields donc, ils se sont décidés pour trois petits magasins rassemblés en une demeure à leur image, agencée sur trois niveaux. Il aura fallu quatre ans de travaux pilotés par le studio de leur ami Angus Buchanan pour qu’ils puissent s’installer.

Chez Charlotte et Philip Colbert à Londres.
Dans le jardin d’hiver, l’Oiseau amoureux de Niki de Saint Phalle semble prêt à s’envoler. © Maison Colbert / DR 2022 Niki Charitable Art Foundation / ADAGP, Paris

"Il s’agit en quelque sorte d’une conversation entre nous, avec des espaces que nous partageons et d’autres dédiés au travail", explique Philip. "Je travaille un peu partout", précise Charlotte, dont le long-métrage She Will, récompensé par le prix du meilleur premier film au festival de Locarno, vient de sortir en salle en France. Conte fantastique tourné en Écosse, il explore les liens entre les femmes et la sorcellerie, la douleur et la guérison. "Je croise souvent ma pratique de plasticienne et de cinéaste", ajoute-t-elle.

Chez Charlotte et Philip Colbert à Londres.
Le grand salon côté salle à manger, où la table Muse, conçue par Buchanan Studio et fabriquée en travertin, est entourée de chaises dessinées par Charlotte avec le symbole de l’œil. © Maison Colbert

Dans les grandes lignes, le studio de Philip occupe le rez-de-chaussée et une partie du premier étage muni d’une terrasse paysagée, un grand salon prend ses aises au deuxième tandis que les chambres se blottissent au troisième. Tous deux inspirés par le surréalisme, ils explorent des motifs récurrents.

Chez Charlotte et Philip Colbert à Londres.
La chambre Love et son lit en métal laqué blanc signé Charlotte pour Maison Colbert, comme les chevets Kiss. © Maison Colbert

Chez Philip, il a le plus souvent les contours d’un homard. Obsession bien connue de Salvator Dalí, il symbolise, dans les natures mortes de la peinture flamande, la vie et la résurrection. Le sien, très pop et jovial, est sculpté sur le manteau de la cheminée, en tête de lit ou en téléphone fixe, et même décliné, en ce moment, dans les rues de Rome en douze sculptures géantes — la plus grande mesure 8 mètres de haut —, sous le titre The Lobster Empire.

Chez Charlotte et Philip Colbert à Londres.
Une chambre d’enfant et sa tête de lit Lobster signée Philip. © Maison Colbert

Charlotte, quant à elle, s’est emparée des contours stylisés de l’œil et surtout de l’utérus, reproduit lui aussi en tête de lit, en miroirs de salle de bains et autres vases. "Je suis attirée par sa présence secrète dans l’architecture et l’histoire de l’art. Bien sûr, je suis plus littérale, mais j’aime cette ressemblance avec la croix, et cette force du matriarcat", analyse-t-elle. De façon inconsciente peut-être, le homard et l’utérus ont peu à peu pris les mêmes attitudes, ce qui leur permet de s’enlacer en un nouveau motif devenu la signature de la maison.

Chez Charlotte et Philip Colbert à Londres.
La salle d’eau avec ses miroirs mercurisés aux contours d’utérus. © Maison Colbert

Au fur et à mesure de l’avancement du projet, Charlotte et Philip finissent par créer un vrai cheminement artistique, sans jamais perdre de vue la nécessité de sanctuariser des espaces paisibles et confortables à vivre. Et comme chez eux tout se croise, certains de ces meubles et objets sont désormais édités et distribués via Internet sous le nom de Maison Colbert !

www.maisoncolbert.com

Chez Charlotte et Philip Colbert à Londres.
Enthousiastes dans tout ce qu’ils entreprennent, Philip et Charlotte semblent assortis à leur décor. Lui a, en ce moment, une exposition de sculptures monumentales dans les rues de Rome, tandis qu’elle vient de réaliser son premier long-métrage, un conte fantastique et féministe. © Alex Bramall via Maison Colbert

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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