Au commencement est l’athlète, dont le nom vient d’athlos, en grec ancien la lutte, le combat… Pourtant, si les vocabulaires sportifs et guerriers sont proches, le sport, dans l’Antiquité, reste lié à des affrontements pacifiques donnant lieu à une "trêve sacrée". Une, ou plutôt "des trêves", comme nous l’explique Violaine Vanoyeke: "Il y avait beaucoup d’autres compétitions en Grèce. Les quatre principales étaient les panathénées d’Athènes, les jeux pythiques de Delphes, les jeux néméens de Némée, et les jeux isthmiques d’Olympie. Une manifestation par an, ce qui explique la périodicité de quatre ans de nos jeux Olympiques. En fait, nous avons perdu les trois autres… Le grand gagnant des quatre compétitions, comme aujourd’hui le vainqueur du grand chelem au tennis, était le suprême champion, vénéré à l’égal d’un demi-dieu et à qui on élevait des statues." Un engouement du public qui n’est pas sans rappeler notre époque, comme nous l’explique cette historienne du sport, spécialiste de l’Antiquité.
Quelles sont les traces de compétitions sportives que l’on trouve en archéologie ?
Violaine Vanoyeke : Les premiers témoignages de concours, nous parlons alors de course, de boxe, de tir à l’arc, de saut en longueur et de lutte, remontent à l’époque des pyramides, vers 3200av. J.C., pour les Égyptiens. Ils se disputaient traditionnellement à l’occasion du jubilé du pharaon, la FêteSed. Ce sont les mêmes disciplines que nous allons retrouver dans les jeux Olympiques antiques. Avec les premières dynasties chinoises apparaissent aussi les "ancêtres" du polo et du football. Les infrastructures sportives étaient encore provisoires, mais elles accueillaient déjà des compétitions élaborées avec des spectateurs, des annonces, et même des sponsors…

De quand peut-on dater les premiers J.O. ?
V.V : Du VIIIe siècle av. J.-C. Sur le plan mythologique, l’idée des Jeux remonte à Zeus, le dieu d’Olympie, ou à Héraclès, à cause des douze travaux. Sur un plan plus historique, ils semblent plutôt découler des jeux funéraires. Homère nous raconte, par exemple, comment Achille honore son ami Patrocle, qui vient de mourir, en organisant des compétitions. L’origine des J.O. est là.
Qui y participe ?
V.V : Au départ, les seules villes grecques. Le pays est divisé entre plusieurs cités-États qui se font la guerre. Dès le début des Jeux, la "trêve sacrée" est prononcée. Une idée très idéaliste et pas toujours respectée. Mais l’olympisme a conservé cette notion d’union entre les peuples. Puis, avec la notoriété, les jeux Olympiques s’ouvrent à l’ensemble du monde connu, toutes les nations de Méditerranée concourent.

Qui les organise ?
V.V : Athènes comme Sparte auraient pu être tentées de tricher, les Grecs ont eu l’heureuse idée de choisir Élis, une cité plutôt modeste, proche d’Olympie. Des juges extrêmement vigilants font appliquer le règlement olympique comme la séparation des sexes ou des âges. Les contrevenants sont exclus et condamnés à des peines, corporelles parfois. Les Zanes, des statues en l’honneur de Zeus, doivent être érigées et payées par les tricheurs. Souvent de grands athlètes qui se sont laissé corrompre. Si les statues ont disparu, les socles existent toujours à Olympie, gravés de leurs aveux d’infamie. Ils sont finalement passés à la postérité à cause de leur tricherie.
Quelles disciplines sont pratiquées ?
V.V : La première épreuve, c’est la course reine, aujourd’hui le 100 mètres. À l’époque, c’était d’un peu plus de 192 mètres, la longueur du stade d’Olympie. Une piste créée à même le sol, même les gradins sont en terre pour être en contact avec les dieux telluriques, c’est très symbolique. Et puis il y a le tir à l’arc. Le saut en hauteur n’est pas encore connu, mais le saut en longueur oui, avec prise d’élan. Vu les exploits rapportés, on s’est demandé si ce n’était pas plutôt l’équivalent de notre triple saut. La lutte, très importante. La boxe. Les plus anciens gants connus, sur des fresques à Santorin, datent du XIVe siècle av.J.-C. Les courses de chevaux montés, ou de chars, dans l’hippodrome. Les lancers de disque, de javelot, avec les mêmes gestes qu’aujourd’hui. Et puis tous les quatre ans des disciplines disparaissaient ou apparaissaient selon l’intérêt du public.
Quelles épreuves ont disparu ?
V.V : La course à dos d’âne, plutôt amusante mais vite assimilée à un divertissement, n’a pas duré très longtemps. Et d’autres pratiques fantasques comme les lancers de jouets, d’osselets, enfin de tout ce que l’on peut imaginer…

Les athlètes féminines existaient-elles dans l’Antiquité ?
V.V : Il y a quelques années encore, on tenait un discours machiste sur le V e siècle av. J.-C. Le rôle des femmes était occulté, dans le sport comme ailleurs. Pourtant des jeux féminins se déroulaient bien en septembre. Les sportives concouraient en l’honneur d’Héra, la parèdre de Zeus. Des basreliefs, notamment à Némée, figurent des femmes participant aux courses de chars. Les statuettes nous montrent des athlètes féminines vraiment très musclées. Elles s’entraînaient au quotidien. La femme antique recluse dans ses appartements, c’est une vue de l’esprit.
Les Romains vont dévoyer l’esprit des Jeux…
V.V : Ils s’en emparent, pour le prestige, mais ils ne recherchent que le spectaculaire, les jeux du cirque. D’abord, ils refusent de voir les athlètes concourir nus, l’esthétique grecque ne semble pas les bouleverser… Les Romains modifient l’esprit des jeux Olympiques qui perdure toutefois jusqu’au IVe siècle apr. J.-C. On entre dans l’époque des Théodose, des premiers empereurs chrétiens qui refusent tout ce qui est païen. Le christianisme va avoir raison des Jeux, en Occident au moins. De grandes cités, comme Byzance, vont les restaurer et les perpétueront jusqu’au Moyen Âge.
.jpg)
Sport, santé et génétique sont déjà associés dans l’Antiquité ?
V.V : Aux premiers siècles des Jeux, les...
Connectez-vous pour lire la suite
Profitez gratuitement d'un nombre limité d'articles premium et d'une sélection de newsletters
Continuer 
            Un journalisme d’excellence, des contenus exclusifs, telle est la mission de Point de Vue. Chaque article que nous produisons est le fruit d’un travail méticuleux, d’une passion pour l’investigation et d’une volonté de vous apporter des perspectives uniques sur le monde et ses personnalités influentes. Source d’inspiration, notre magazine vous permet de rêver, de vous évader, de vous cultiver grâce à une équipe d’experts et de passionnés, soucieux de porter haut les couleurs de ce magazine qui a fêté ses 80 ans. Votre abonnement, votre confiance, nous permet de continuer cette quête d’excellence, d’envoyer nos journalistes sur le terrain, à la recherche des reportages et des exclusivités qui font la différence tout en garantissant l’indépendance et la qualité de nos écrits. En choisissant de nous rejoindre, vous entrez dans le cercle des amis de Point de Vue et nous vous en remercions. Plus que jamais nous avons à cœur de vous informer avec élégance et rigueur.
 
                                                             
                                 
                                 
                                 
                                 
                                 
                                