Jean Spangler, une disparition entourée de mystère

Danseuse, mannequin et actrice, Jean Spangler, 26 ans, s’est volatilisée le 7 octobre 1949, près d’Hollywood, laissant derrière elle un sac à main, une note mystérieuse et une jeune orpheline. Nimbée de mystère, sa disparition continue d’enflammer l’imaginaire…

Par Ayrton Morice - 06 septembre 2022, 08h00

 Jean Spangler a disparu le 7 octobre 1949, laissant derrière elle un mystère qui reste entier à ce jour.
Jean Spangler a disparu le 7 octobre 1949, laissant derrière elle un mystère qui reste entier à ce jour. © Bettmann Archive

À Los Angeles, mort ou vif, il n’a jamais été difficile de disparaître. Au-delà de la romance et du glamour, la Cité des Anges a longtemps été un piège au miel pour les jeunes fugueurs. Un lieu hanté par ceux qui se sont volatilisés sans laisser de traces le long de larges avenues aux trottoirs étoilés. Il y a d’ailleurs une parabole triste et familière sur le côté obscur que cachent les allées plantées d’orangers parfumés, le soleil éternel : une fille naïve descend d’un bus Greyhound, les yeux pleins de rêves de gloire, pour finalement trouver l’immortalité… dans la tragédie.

La fille de Jean naît en 1944

C’est l’histoire de Jean Spangler, une starlette des années 1940, disparue le 7 octobre 1949 à l’âge de 26 ans. Un divorce désordonné, des night-clubs, des studios, des stars, des mauvais garçons, tissent la trame de cette affaire non résolue, avec plus de rebondissements qu’un roman noir de James Ellroy. Cette débutante dans la jungle d’Hollywood a-t-elle été victime d’une erreur médicale, de la rage d’un amant rejeté et jaloux, du complot diabolique d’un ex-conjoint ? L’aspirante actrice s’est littéralement "évaporée" dans un nuage des questions...

Jean Elizabeth Spangler naît à Seattle, le 2 septembre 1923. Elle étudie au lycée Franklin de Los Angeles avant de se tourner vers le monde du spectacle. Son nom, qu’elle conserve, résume à lui seul ses aspirations de vedette : "spangle" signifiant "paillettes". Non dénuée de talent, la jeune femme commence rapidement à gagner sa vie en dansant aux Florentine Gardens et au Earl Carroll Theatre. Séduisante, brune, sourire étincelant, elle fait du mannequinat et quelques apparitions au cinéma dans les films d’Irving Pichel et Henry Koster.

Jean Spangler avec sa fille, Christine. L'enfant avait 5 ans lorsque sa mère s'est évanouie dans la nature.
Photo non datée de Jean Spangler avec sa fille, Christine. L'enfant avait 5 ans lorsque sa mère s'est évanouie dans la nature. © Bettmann Archive

En 1942, elle épouse Dexter Benner, un fabricant de plastique. Ils ont une petite fille, Christine, en 1944, et divorcent deux ans plus tard. L’actrice débutante accuse son conjoint de cruauté. De son côté, son mari lui reproche d’être trop "légère". Jean et Christine déménagent, mais les contraintes domestiques d’une mère seule ne freinent pas pour autant ses ambitions de célébrité : elle continue à chercher la lumière. Elle obtiendra finalement le "rôle" dont elle rêvait qu’il la rende célèbre, mais hélas, pas un long-métrage…

Des circonstances brumeuses

Le 7 octobre 1949, Jean dit au revoir à sa petite fille vers 17 heures, la laissant aux bons soins de sa belle-sœur, Sophie. Elle prétend aller voir Dexter Benner pour un retard de pension alimentaire et poursuivre sa soirée par un tournage aux studios. Une excuse usée de nombreuses fois pour sortir à la nuit tombée et se faire connaître dans les clubs branchés, rencontrer des hommes dans les bars aussi… La "glamour girl" aime aller dans ces endroits où acteurs et gangsters se fréquentent, comme au Slapsie Maxie’s, un lieu emblématique où se côtoient criminels et habitués des studios, ligués dans leur entreprise du rêve américain.

C’est dans ces circonstances que la ravissante comédienne s’évanouit. Deux jours plus tard, quelques heures seulement après que sa belle-sœur a signalé sa disparition, une travailleuse de Griffith Park, un grand espace vert en banlieue de Los Angeles, trouve son sac à main à Fern Dell, un vallon feuillu qui a souvent servi de décharge aux cadavres encombrants. Il n’y a pas d’argent, mais une étrange note manuscrite : "Kirk, je ne peux plus attendre, je vais voir le Dr Scott. Cela fonctionnera mieux de cette façon puisque ma mère est absente," Le message s’achève sur cette virgule, comme inachevé.

La mystérieuse note manuscrite laissée par l'actrice américaine Jean Spangler avant sa disparition.
La mystérieuse note manuscrite laissée par Jean Spangler avant sa disparition. © Bettmann / Contributeur / Getty Images

Des scénarios se dessinent. Jean Spangler était-elle enceinte ? Allait-elle voir le médecin pour un avortement, alors prohibé ? Ou plutôt, comme les enquêteurs le supposent dans un premier temps, la jeune femme s’est-elle seulement attardée à la suite d’une virée nocturne, phénomène courant pour les habitués de Sunset Strip, l’artère animée qui traverse les quartiers chauds de Los Angeles ? Sa famille s’inquiète, et assure qu’elle n’est pas du genre à rester aussi longtemps sans nouvelles de sa fille.

Après que le sac à main de l'actrice a été retrouvé dans un vallon du Griffith Park, des recherches sont lancées en octobre 1949 dans ce vaste espace de verdure. En vain.
Après que le sac à main de l'actrice a été retrouvé dans un vallon du Griffith Park, des recherches sont lancées en octobre 1949 dans ce vaste espace de verdure. En vain. ©  Bettmann Archive

L’enquête – confiée à l’unité de police déjà chargée du fameux meurtre du Dahlia Noir, en 1947 – amène les policiers jusqu’à la Screen Extras Guild, le syndicat des comédiens. Pas de preuve que Jean Spangler ait travaillée cette nuit-là. L’affaire se révèle plus confuse encore quand Dexter Benner, l’ex-mari, déclare qu’il n’a pas vu ni même parlé à Jean depuis plus d’un mois. La starlette a donc menti. Pourquoi ? À 18 heures, le jour de sa disparition, un témoin l’aurait aperçue au marché, comme si elle attendait quelqu’un. Bien plus tard, vers une heure et demie du matin, d’autres personnes disent l’avoir croisée au restaurant, en compagnie d’un grand et bel inconnu. Le couple semblait se disputer. Et puis plus rien.

La foire aux hypothèses

Les journaux à scandale relaient toutes les spéculations, les rumeurs les plus farfelues. Avant même que le chef adjoint du service de police, Thad Brown, ne parvienne à reconstruire les dernières heures de Jean Spangler, Kirk Douglas en personne lui téléphone. La star veut faire taire le bruit selon lequel il serait le fameux "Kirk" : "Je me souviens de cette grande fille en robe verte. Nous avons parlé et échangé des plaisanteries comme je le fais avec beaucoup de gens sur...

Connectez-vous pour lire la suite

Profitez gratuitement d'un nombre limité d'articles premium et d'une sélection de newsletters

Continuer

Ou débloquez l'intégralité des contenus Point de Vue

Pourquoi cet article est-il réservé aux abonnés ?

Adélaïde de Clermont-Tonnerre

Un journalisme d’excellence, des contenus exclusifs, telle est la mission de Point de Vue. Chaque article que nous produisons est le fruit d’un travail méticuleux, d’une passion pour l’investigation et d’une volonté de vous apporter des perspectives uniques sur le monde et ses personnalités influentes. Source d’inspiration, notre magazine vous permet de rêver, de vous évader, de vous cultiver grâce à une équipe d’experts et de passionnés, soucieux de porter haut les couleurs de ce magazine qui a fêté ses 80 ans. Votre abonnement, votre confiance, nous permet de continuer cette quête d’excellence, d’envoyer nos journalistes sur le terrain, à la recherche des reportages et des exclusivités qui font la différence tout en garantissant l’indépendance et la qualité de nos écrits. En choisissant de nous rejoindre, vous entrez dans le cercle des amis de Point de Vue et nous vous en remercions. Plus que jamais nous avons à cœur de vous informer avec élégance et rigueur.

Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

Dans la même catégorie

Abonnez-vous pour recevoir le magazine chez vous et un accès illimité aux contenus numériques

  • Le magazine papier livré chez vous
  • Un accès illimité à l’intégralité des contenus numériques
  • Des contenus exclusifs
Voir les offres d’abonnement