Jusqu’alors, la fortune ne lui a guère été favorable. Son père, Ivan Stepanovitch Desnitsky, originaire de Nijni-Novgorod, président du tribunal de Loutsk, capitale de la Volhynie, meurt quand elle n’a que 2 ans, en 1888. Sa mère, issue d’une famille noble du gouvernement de Tchernigov – l’actuelle Tchernihiv en Ukraine – s’installe alors à Kiev, où Katia bénéficie d'une éducation distinguée. Orpheline dès 1903, elle rejoint l’un de ses frères à Saint-Pétersbourg.
C’est dans un salon de la capitale impériale qu’elle fait la connaissance d’un fringant hussard du régiment des Gardes du corps, qui n’est autre que Chakrabongse Phuwanath, fils cadet du roi Rama V de Siam. Le jeune prince a reçu une formation militaire dans le Corps des pages, à l’invitation du tsar Nicolas II. Collectionnant les conquêtes féminines, le séducteur rend cependant les armes devant Katia, dont il tombe éperdument amoureux. Celle-ci étudie pour devenir infirmière à l’hôpital de Marie, sur la Fontanka. La guerre russo-japonaise fait rage. Dans un élan de patriotisme, elle décide de s’engager sur le front d’Extrême-Orient.
Au désespoir, Chakrabongse la noie sous les lettres et les télégrammes. Au retour de Katia, elle accepte enfin de l’épouser. En janvier 1906, le couple se marie clandestinement à l’église orthodoxe de la Sainte-Trinité de Péra, à Constantinople. De retour à Bangkok, le prince n’ose d'abord avouer à ses parents qu’il a pris pour femme une farang, une étrangère blanche.

Néanmoins, le temps va faire son œuvre. Katia, cloîtrée au palais Parusakavan, apprend la langue thaïe, s’intéresse au bouddhisme et surtout donne, en 1908, un héritier mâle à la dynastie, le prince Chula. Deux ans plus tard, le frère aîné de Chakrabongse succède à leur père sous le nom de Rama VI. Il reconnaît officiellement le mariage et élève Katia au rang de princesse Na Phitsanulok, la province dont son époux est titulaire.
Hélas, les fins heureuses n’arrivent que dans les contes de fées. En 1919, Chakrabongse s’avise de prendre pour concubine Chuvalit, l’une de ses nièces. Katia demande aussitôt le divorce et s’installe en Chine, où elle convolera en secondes noces avec un ingénieur américain, Harry Clinton Stone. Elle s’éteindra à Paris, en 1960. Son arrière-petit-fils, Hugo Chakrabongse Levy, converti à l’islam, est aujourd’hui une star du rock en Thaïlande...