Marie Bonaparte, la princesse psychanalyste

En 1937, Marie Bonaparte commence une analyse avec Sigmund Freud. Mais la princesse ne va pas se contenter de jouer les patientes ; elle va s'imposer comme l'une de ses disciples les plus zélées. 

Par Bastien Lantelme - 19 octobre 2022, 09h57

 Marie Bonaparte et sa fille Eugénie de Grèce dans les années 1930.
Marie Bonaparte et sa fille Eugénie de Grèce dans les années 1930. © Imagno/Getty Images

"Le plus grand bonheur de ma vie, c’est de vous avoir rencontré, d’avoir été votre contemporaine." Le 6 septembre 1937, Marie Bonaparte écrit son admiration à Sigmund Freud, son confident, son maître à penser. La princesse et le père de la psychanalyse se connaissent depuis douze ans déjà, depuis ce lugubre après-midi du 30 septembre 1925, où Marie Bonaparte, épuisée et fébrile, a pénétré pour la première fois dans le cabinet du médecin viennois. Une rencontre qui bouleversera leur vie à tous deux. Car Freud ne se contente pas de "guérir" sa patiente, il l’initie à cette science nouvelle. En retour, Marie Bonaparte devient l’un des porte-étendards de la discipline en France, la gardienne du temple. Et c’est grâce à elle que le docteur Freud échappe de justesse aux nazis. 

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Mais qui était cette princesse anticonformiste, première Altesse Royale à s’allonger sur le divan, l’une des premières femmes psychanalystes de l’histoire ? Cousine éloignée de Napoléon III par son père, héritière de la prodigieuse fortune de François Blanc, le fondateur du casino de Monte-Carlo, Mimi, comme l’appellent ses amis, épouse en 1907 le prince Georges de Grèce et de Danemark, deuxième fils du roi Georges Ier des Hellènes. Intime de toutes les têtes couronnées de la Belle Époque, elle n’en est pas moins profondément malheureuse. Avant de trouver sa voie. Mais être membre d’une famille royale et analyste ne va pas de soi. Surtout dans les années 1930, surtout quand on est une femme. 

La voici menant une véritable double vie, en toute discrétion. En 1934, elle se rend au mariage de sa nièce, la princesse Marina de Grèce, avec le duc de Kent… avant de s’échapper discrètement pour une conférence à la Société psychanalytique de Londres où elle parle de la sexualité des femmes ! A-t-elle psychanalysé les royaux dont elle était proche, notamment la reine Mary, grand-mère d’Élisabeth II, avec qui elle prenait le thé ; ou encore la reine Élisabeth de Belgique, qui la recevait régulièrement à Bruxelles ? La première n’était sans doute pas très réceptive aux théories de l’inconscient... La seconde, beaucoup plus. Nièce de Sissi, originale et mélomane, elle aurait sans doute eu beaucoup à dire. Reste le secret professionnel.

En juin 1938, Marie Bonaparte accueille à Paris le professeur Sigmund Freud qu’elle est parvenue à faire exfiltrer de Vienne, alors aux mains des nazis.
En juin 1938, Marie Bonaparte accueille à Paris le professeur Sigmund Freud qu’elle est parvenue à faire exfiltrer de Vienne, alors aux mains des nazis. Le père de la psychanalyse rejoindra Londres où il s’éteindra en septembre 1939. © Hulton Archive/Getty Images

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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