En février dernier, le gouvernement belge a établi un inventaire qui a mis le feu aux poudres... Pouvez-vous nous en dire plus ?
À ma connaissance, cet inventaire — pour lequel je n’ai pas été consulté et que l’on ne m’a jamais transmis — réunit tous les objets congolais qui sont arrivés dans les collections du MRAC avant l’indépendance de la République démocratique du Congo [RDC], en 1960. Ces objets, considérés comme "coloniaux" par le gouvernement, pourraient donner lieu à des restitutions... Le sujet n’est pas nouveau, mais il a pris de l’ampleur en Belgique après la décision d’Emmanuel Macron de donner au Bénin vingt-six objets de l’ancien royaume du Dahomey relevant des collections nationales françaises, par définition, inaliénables. Thomas Dermine, le secrétaire d’État belge en charge de ces questions — qui s’occupe d’ailleurs de la Relance et des Investissements stratégiques, et pas seulement des établissements culturels ! — a décidé d’être proactif... alors que la RDC ne demandait strictement rien ! Mais comme dit le proverbe : "Quand la France s’enrhume, la Belgique éternue."
On parle de 84 000 objets qui pourraient, potentiellement, être rendus. Ce chiffre vous paraît-il crédible ?
C’est un chiffre plausible. Les collections ethnographiques du MRAC comptent approximativement 100 000 pièces congolaises, dont un peu plus de 80 % sont entrées avant 1960. Donc le compte y serait. Mais je m’interroge sur la démarche. Aujourd’hui, le critère retenu semble celui du mode d’acquisition. Cela serait à nous de démontrer que ces objets n’ont pas été "mal acquis", selon une définition très élastique de l’expression. Par ailleurs, si on ne peut rien prouver, le flou autour de leur provenance les range aussi dans la catégorie des œuvres "potentiellement restituables". Au-delà de l’inventaire en question, le gouvernement a planché sur un projet de loi en se basant sur le concept de légitimité. Mais la légitimité n’est pas la légalité. Pour information, le projet initial a été retoqué par le Conseil d’État en première lecture sur divers aspects. Sachant qu’aucun membre du cabinet du secrétaire d’État n’est africaniste ! Ils ont eu une approche très "fait du Prince", qui consiste à ne prendre aucunement en compte des avis différents du leur.

Que va-t-il se passer ?
Il est très difficile de se projeter. Une fois de plus, la RDC ne demandait rien. D’autant qu’à Kinshasa, le musée du mont Ngaliema pourrait fermer prochainement ses portes, du fait d’un projet immobilier d’envergure. Les dizaines de milliers d’objets qui y sont conservés — car n’oublions pas qu’il y a des collections là-bas — doivent déménager. Pour aller où ? Un nouveau musée a bien été créé avec le soutien de la Corée du Sud il y a quelques années, sauf qu’il n’a pas d’espace de réserves suffisant. La RDC manque actuellement de place pour ses propres œuvres et, du propre aveu du directeur des musées du Congo, la priorité absolue est donc de préserver les œuvres qui se trouvent déjà sur place.
Êtes-vous opposé à toute restitution ?
Je ne suis pas opposé aux restitutions lorsqu’elles s’inscrivent dans des lois qui ne font pas fi d’un cadre juridique belge élémentaire, en inversant la charge de la preuve et en tablant sur la rétroactivité ! J’ai travaillé sur plusieurs dossiers d’objets volés qui ont été rendus. Si, dans mon musée, je constatais demain que l’un des objets de nos collections avait été effectivement volé au regard de la loi belge et des conventions internationales, je le rendrais sans l’ombre d’une hésitation. Les...
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