Mylène Demongeot, entre légèreté et passion

La fiancée de Fantômas a tiré sa révérence. Star du cinéma populaire des années 1960, l’inoubliable Milady des Trois Mousquetaires a aussi inspiré Otto Preminger, Bertrand Blier ou Emmanuelle Bercot. Pianiste précoce, passionnée d’écriture, engagée pour de nombreuses causes, l’actrice sut échapper aux clichés qui en faisaient l’éternelle rivale de Bardot.

Par Emmanuel Cirodde - 09 décembre 2022, 14h49

 Mylène Demongeot dans Les Trois Mousquetaires, fim de Bernard Borderie de 1961.
Mylène Demongeot dans Les Trois Mousquetaires, fim de Bernard Borderie de 1961. © Films Borderie (as C.I.C.C. Films Borderie/ Les Films Modernes/Le Film d'Art (participation)/Fono Roma / Diltz / Bridgeman Images

Si elle avait été reine, nous aurions tout juste célébré son jubilé de platine. Depuis 1953, le beau visage de Mylène Demongeot imprime la pellicule sous la direction des plus grands cinéastes. L’art dramatique n’est cependant pas sa première passion. Ballottée par les aléas de la guerre, celle qui naît à Nice en 1935 d’un père franco-italien et d’une mère ukrainienne découvre la musique à l’opéra de Montpellier où son père est nommé. À 3 ans, ses doigts courent déjà sur le piano de l’appartement familial. Quelques années plus tard, c’est à Paris, dans le cours prestigieux de Marguerite Long, proche de Debussy et amie de Ravel, qu’elle poursuit ses études musicales. 

Mylène Demongeot a eu une carrière riche et éclectique.
Mylène Demongeot a eu une carrière riche et éclectique. © Agence / Bestimage

Cette précocité artistique se prolonge dans tous les domaines. Car, entre-temps, la jeune Mylène a découvert le puissant sortilège des salles obscures. "Un monde inconnu s’ouvre à moi, confie-t-elle, tout ce que je vois, j’y crois dur comme fer. Je découvre une vie palpitante et, bien sûr, j’imagine que 'quand je serai grande, c’est ce que je vivrai moi aussi', à condition que je sois un peu moins affreuse..." Ce complexe provient d’un vilain strabisme qui lui gâche la vie depuis l’enfance, au point que l’adolescente menace ses parents, peu fortunés, des plus terribles extrémités pour qu’ils acceptent de financer une opération. Laquelle réussit et transforme la jeune fille en une beauté qui fait tourner les têtes. 

Belle en diable

Un jour justement, alors qu’elle flâne rue de Passy avec sa mère, un inconnu lui propose de faire des photos. Devenue mannequin, l’amoureuse de Jean Marais qu’elle a vu dans L’Éternel retour, puis de Gérard Philipe, adoré dans Le Diable au corps et La Chartreuse de Parme, fréquente désormais un cercle d’amies qui lui font découvrir le cours Florent. Côté cœur, Mylène Demongeot épouse le photographe Henri Coste. La jeune femme a été charmée par une petite ressemblance avec Gérard Philipe, son idole...

Demongeot auprès d’Yves Montand dans Les Sorcières de Salem, en 1957.
Demongeot auprès d’Yves Montand dans Les Sorcières de Salem, en 1957. Everett Collection / Bridgeman Image

Après ses premiers emplois au cinéma, elle marque les esprits à 21ans, dans le rôle de la vengeresse Abigail des Sorcières de Salem, auprès de Montand et Signoret, sous la direction de l’exigeant Raymond Rouleau. Dans son autobiographie, Mylène Demongeot se souvient de ce tournage rude. Dans une scène, Yves Montand doit la gifler : "Une baffe monumentale. J’en ai le souffle coupé, l’oreille qui tinte, les yeux qui se remplissent de larmes... Ma joue double de volume instantanément. La prise n’est pas bonne, il faut la refaire. Six prises, six baffes." 

La Milady de Bernard Borderie

L’année suivante, elle rejoint la distribution prestigieuse de Bonjour tristesse, l’adaptation de Sagan par Otto Preminger, dans le rôle d’Elsa, la petite amie de Raymond, le père de Cécile, incarnés par David Niven et Jean Seberg. Un nouveau succès. Progressivement, l’actrice se tourne vers un cinéma plus populaire. Celle qui était aux premières loges des débuts du tandem Delon-Belmondo dans Sois belle et tais-toi, de Marc Allégret, devient la reine du péplum dans La Bataille de Marathon, coréalisé par Jacques Tourneur, Mario Bava et Bruno Vailati.

Mylène Demongeot dans "Les Trois Mousquetaires" de Bernard Borderie en 1961.
Mylène Demongeot dans Les Trois Mousquetaires de Bernard Borderie en 1961. Diltz © Les Films Borderie / Les Films modernes / Fonorama / Prodis / Bridgeman Images

Peu après, elle triomphe en vénéneuse Milady des Trois Mousquetaires de Bernard Borderie. "Lorsque vous débutez, vous êtes la prisonnière de votre image et de vos rôles, analysait l’actrice dans Le Figaro. Une carrière, c’est une succession d’opportunités. Elle court au fil de l’eau et il y a peut-être un fil invisible qui relie toutes ces œuvres. Au fond, j’ai toujours navigué entre la légèreté et la passion."

L'amie de BB

Désormais, l’actrice est une immense star, comparée pour son talent, sa blondeur et sa popularité à l’autre icône du moment, Brigitte Bardot. 

Mylène Demongeot et son amie de toujours Brigitte Bardot, avec laquelle elle partageait la même passion pour la protection des animaux.
Mylène Demongeot et son amie de toujours Brigitte Bardot, avec laquelle elle partageait la même passion pour la protection des animaux. © DANIEL ANGELI / BESTIMAGE

Cette rivalité de façade recèle une véritable amitié, les deux femmes partageant le même engagement pour la cause animale. "Je suis sonnée, j’ai beaucoup de peine... Je l’aimais", a confié Bardot à Var-Matin en apprenant la disparition de celle avec qui elle avait fait ses premières armes. "Je devais avoir 18 ans, nous étions toutes les deux des débutantes. On ne s’est jamais vraiment perdues de vue. Notre complicité ne s’est jamais démentie. Nous étions jumelles à un an et un jour près."

La fiancée de Fantômas

En 1964, le vœu d’adolescente de Mylène Demongeot est exaucé. Elle devient la fiancée de Jean Marais dans la trilogie Fantômas d’André Hunebelle. En coulisse, un autre homme fait chavirer son cœur, Marc Simenon, l’aîné du romancier Georges Simenon rencontré lors d’un dîner chez Philippe Rouleau, fils du réalisateur des Sorcières de Salem. À Cannes, le couple se retrouve clandestinement et, en quelques heures, leur destin bascule.

Ici, Mylène est auprès de Louis de Funès et Jean Marais dans Fantômas contre Scotland Yard, en 1966.
Ici, Mylène est auprès de Louis de Funès et Jean Marais dans Fantômas contre Scotland Yard, en 1966. © Prod DB / KCS PRESSE

"Coup de foudre. Grand amour. Irrésistible qui balaie tout, se remémore l’actrice. Chacun de nous divorce et nous nous marions sous la pluie le 16 septembre1968. Nos témoins sont Henri Salvador et Marcel Achard. C’est le bonheur absolu. Comme nous sommes tous les deux des amoureux passionnés de nos frères les bêtes, la maison se remplit. Je mets ma carrière au second plan sans aucun regret et avec une certaine inconscience." Et, de fait, après le dernier Fantômas, l’actrice se consacre à vivre chaque seconde de cette idylle qui s’achève tragiquement avec la mort accidentelle de Marc Simenon en 1999.

"M’envoler dans la poussière d’étoiles..."

Mylène Demongeot trouve la force de surmonter l’épreuve en se consacrant à de nombreuses causes, Greenpeace, lutte contre les mines anti-personnel, le droit de mourir dans la dignité... Le cinéma ne l’a pas pour autant oubliée. Dès les années 2000, elle fait son retour au premier plan, à l’affiche de grands films populaires, de 36, d’Olivier Marchal, à la trilogie Camping, de Fabien Onteniente, en passant par le magnifique Elle s’en va, d’Emmanuelle Bercot. Ultime hommage d’une génération de cinéastes à celle qui en inspira tant. Dans le questionnaire de Proust qu’elle avait laissé accessible sur sa page Internet, Mylène Demongeot avait imaginé la façon la plus douce de quitter ce monde : "M’envoler dans la poussière d’étoiles en écoutant le second mouvement du Concerto n°2 pour piano et orchestre de Rachmaninov..." 

Mylène Demongeot lors d'une séance photo au studio Harcourt.
Mylène Demongeot lors d'une séance photo au studio Harcourt. © DANIEL ANGELI / BESTIMAGE

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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