Comment ne pas fondre devant ces quatre talents fraîchement oscarisés qui, au moment de recevoir leur statuette sur l’immense scène du Dolby Theatre de Los Angeles, ont chacun eu une pensée pour leurs parents ? Qui aurait d’ailleurs misé avant l’été sur le triomphe des "revenants" Brendan Fraser, Michelle Yeoh, Jamie Lee Curtis ou Ke Huy Quan ? Le beau miracle a lieu lors de cette 95e édition une nouvelle fois présentée par Jimmy Kimmel.

Dès sa prise de parole, l’animateur évoque avec une irrésistible causticité l’édition précédente, marquée par le coup de folie de Will Smith sautant sur scène pour gifler Chris Rock. Cette année, le calme semble être revenu sur cette cérémonie encore convalescente, obligée de se réinventer dans le sillage du mouvement #MeToo. Chambre d’écho encore imparfaite – comme l’illustre l’homogénéité qui régnait dans certaines catégories – du cinéma hollywoodien, les Oscars ont mis en lumière le film indépendant Everything Everywhere All at Once de Daniel Kwan et Daniel Scheinert.
"Un phare d’espoir"
Grand vainqueur de la soirée avec sept statuettes, cette improbable histoire d’une patronne de blanchisserie aux prises avec l’administration fiscale dans des dimensions parallèles offre à Michelle Yeoh son premier sacre, à l’âge de 60 ans. Brandissant son Oscar, l’actrice malaisienne qu’on avait adorée dans Tigre et Dragon d’Ang Lee a ces mots : "C’est un phare d’espoir et de possibilités. Mesdames, ne laissez personne vous dire que vous n’êtes plus à votre meilleur. N’abandonnez jamais. Je dédie ce prix à ma mère et à toutes les mères du monde, parce qu’elles sont réellement les super-héroïnes."

Éternelle gloire du cinéma d’action hongkongais, l’actrice partage avec sa comparse Jamie Lee Curtis un goût prononcé pour le cinéma de genre. Une particularité rafraîchissante pour la vieille académie éprise de classicisme comme l’a pointé la fille de Tony Curtis et Janet Leigh au moment de recevoir la statuette du meilleur second rôle. Les bras tendus vers l’audience, celle qui se fit entre autres connaître avec le drôlissime Un poisson nommé Wanda et la franchise de films d’horreur Halloween ne peut retenir ses larmes : "À tous ceux qui ont soutenu les films de genre dans lesquels j’ai joué pendant tant d’années, à ces centaines de milliers de personnes : nous venons de gagner un Oscar tous ensemble !"
Garçons en larmes
Côtés larmes, les garçons ne sont pas en reste. À commencer par celles de Ke Huy Quan, meilleur acteur dans un second rôle, découvert tout jeune dans Les Goonies et Indiana Jones et le Temple maudit. Né au Vietnam, il se réfugie avec sa famille aux États-Unis avant de devenir un enfant star à jamais rattaché à ces films cultes. "Maman, je viens de remporter un Oscar !, s’écrie-t-il. J’ai passé un an dans un camp de réfugiés et, sans que je sache comment, j’ai atterri ici, sur la plus grande scène d’Hollywood. On dit que ces histoires n’arrivent qu’au cinéma. Je ne peux pas croire que cela m’arrive. Il faut croire en ses rêves. J’ai failli abandonner les miens. Merci de m’accueillir à nouveau !"


Pour Brendan Fraser, l’heure du retour a également sonné. Oublié le héros fringant et bondissant des années 2000 vu dans La Momie ou George de la jungle. Le corps brisé par les cascades, l’âme meurtrie par une agression sexuelle, le deuil et la dépression, l’acteur est devenu l’ombre de lui-même. Avant de renaître aujourd’hui dans ce personnage de Charlie, le héros de 272 kilos de The Whale de Darren Aronofsky. "J’ai l’impression d’être parti en expédition au bout de l’Océan tandis que mon entourage veillait sur moi, comme mes fils, Holden, Leland et Griffin. Merci encore à chacun d’entre vous. Je vous suis si reconnaissant", confesse-t-il submergé par l’émotion au moment d’être sacré meilleur acteur.
Fiction et réalité
Si le palmarès a fait la part belle à ces destins individuels transcendés par la fiction, il célèbre aussi de véritables héros, dont le combat fait écho à l’actualité. Ainsi Navalny de Daniel Roher remporte l’Oscar du meilleur documentaire. Une victoire fêtée comme il se doit par la famille de l’archiduc Karl d’Autriche et de Francesca Thyssen-Bornemisza, dont la fille cadette, Gloria, fait partie de l’équipe de production du film consacré au dissident russe, ennemi juré du Kremlin et emprisonné depuis deux ans.

Sur les réseaux sociaux, elle immortalise la montée sur scène du réalisateur et de la famille d’Alexeï Navalny depuis le balcon du Dolby Theatre : "C’est un honneur de faire partie de ce projet et de travailler avec ce groupe incroyablement talentueux", a-t-elle confié lors de la présentation du documentaire au festival de Sundance. "Ce film dépeint une série d’événements si insensés qu’aucune fiction n’aurait pu les écrire." À 23 ans, la jeune femme savoure son premier succès, particulièrement éclatant. Qui, souhaitons-lui, devrait en appeler beaucoup d’autres.
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