Pourquoi avoir réalisé un biopic sur Emily Brontë pour votre premier film ?
Il s’agit plus d’une exploration de son esprit et de qui elle était. J’ai toujours admiré son travail et aimé ce qu’elle représente. Elle était très authentique, avec ce côté rebelle. J’ai été transportée dans un autre monde en lisant Les Hauts de Hurlevent à 15 ans. Avec Emily, j’ai eu l’impression que je pouvais raconter une histoire qui était aussi un peu la mienne en tant que jeune femme. J’ai commencé à travailler dessus il y a dix ans entre mes tournages, mais je ne m’y suis mise sérieusement il y a quatre ans seulement. Cela m’a pris du temps pour trouver le courage de me lancer.
Dans quel état d’esprit étiez-vous pour votre premier tournage dans ce nouveau rôle ?
J’étais nerveuse bien sûr, mais plus encore excitée. En tant que réalisatrice, vous n’avez pas le temps d’être stressée. Vous avez sans cesse des décisions à prendre. Les gens attendent de vous que vous soyez forte, alors vous devez vous ressaisir et être présente. J’ai vraiment aimé cela. Il s’est d’ailleurs passé quelque chose d’incroyable le premier jour. Emma Mackey dévalait une colline en courant et cela ressemblait exactement à ce que j’avais imaginé !

Pourquoi ce passage derrière la caméra ?
Il y a environ dix ans, j’ai commencé à avoir l’impression que jouer dans des séries n’était pas suffisant. C’est pourquoi je me suis mise à écrire. Je suis très heureuse de l’avoir fait, car cela a ouvert mon monde d’une manière créative. J’ai le sentiment d’avoir trouvé ma voie en racontant une histoire.
Quand avez-vous su qu’Emma Mackey était "votre" Emily ?
Elle a joué un passage, et avec Fiona Weir, la directrice de casting, nous nous sommes regardées en nous disant "Celle-là !". Emma est revenue quelques semaines plus tard pour interpréter d’autres scènes. Elle avait quelque chose à dire sur le personnage. Elle a cette intensité des émotions sans trop en rajouter. Emma est très calme et drôle, ce qui est génial. Elle a fait un magnifique travail avec ce rôle qui est assez difficile. Elle est phénoménale !
Vous êtes-vous rendue au presbytère des Brontë, à Haworth, dans le Yorkshire de l’Ouest ?
J’y suis allée de nombreuses fois ! Je connais tout le monde là-bas [rires]. Lorsque je tournais Mansfield Park à la fin des années 1990, la réalisatrice Patricia Rozema est tombée malade et nous avons eu deux semaines de libre. J’en ai profité pour me rendre au presbytère des Brontë pour la première fois. Vous avez l’impression qu’ils viennent juste de partir. Vous vous sentez très proche d’eux. Quand nous avons tourné Emily, nous ne pouvions pas vraiment utiliser la lande autour du presbytère qui était trop piétinée. Nous avons filmé la plupart du temps à environ une heure et demie au nord. Un endroit beaucoup plus sauvage et plus beau, parfait pour le film. Le Yorkshire est vraiment spécial.

Comment Emily Brontë était-elle perçue par ses contemporains ?
Lorsque Les Hauts de Hurlevent ont été publiés, les gens n’ont pas aimé le livre. Emily a eu beaucoup de mauvaises critiques. Quelqu’un a même écrit : "Pourquoi cet auteur ne s’est pas suicidé après avoir écrit les six premiers chapitres ?" Elle les a toutes gardées dans son bureau. Apparemment, elle les sortait pour les lire et les trouvait hilarantes. Emily n’en a reçu de bonnes que cinquante ans après sa mort. Elle savait qu’elle avait écrit quelque chose de controversé et cela ne la dérangeait pas.
De quelle manière est représentée la relation complexe qu’entretenait Emily avec sa famille ?
Je voulais que Charlotte Brontë se détourne de sa créativité, et je pense qu’elle l’a réellement fait. En tant que fille aînée, elle a toujours eu la pression pour subvenir à leurs besoins. Alors qu’Emily est restée toute sa vie dans son monde imaginaire, Charlotte s’est liée avec le réel. J’imagine que cela a dû être un sacrifice pour elle et j’ai voulu l’intégrer dans le film. Emily a été très affectée par la mort de Branwell. On dit d’ailleurs qu’elle est tombée malade à son enterrement. Frère et sœur sont une sorte de réplique de Heathcliff et Catherine Earnshaw des Hauts de Hurlevent et de leur relation. J’ai un peu insisté sur cette idée en ce qui concerne Branwell qui est un personnage fascinant.

L’arrivée de William Weightman, le nouveau vicaire de Haworth, marque-t-elle un tournant dans la vie d’Emily ?
Elle évalue très vite qu’il est un homme de mots et non d’actions. Cela fixe des choses qu’Emily résume par : "Tout homme peut parler, mais, à la fin de la journée, il s’agit de savoir qui peut vraiment le faire." Parmi ses frère et sœurs, c’est elle qui agit et qui s’assoit pour écrire cette œuvre incroyable. Elle est vraiment fidèle à elle-même.
Le fait que nous sachions peu de chose sur Emily laisse-t-il plus de place à l’imagination, à l’instar du rapprochement entre la jeune femme et William ?
Oui, je suppose. Cela s’est passé de manière assez organique car c’était une période où il n’y avait que Branwell, Weightman et Emily au presbytère, Charlotte et Anne étant parties travailler. J’ai senti que je devais poser la question de ce qui se serait passé. J’ai l’impression que, d’une certaine manière, Emily les considérait comme des prototypes pour Edgar Linton et Heathcliff. Pour moi, c’était un point plus large sur le patriarcat et sur qui était la vraie Emily. En fin de compte, ce pouvoir qui émane d’Emily, c’est trop pour William. Cela le fait paniquer. Il dit que c’est impie, mais ça ne l’est pas. C’est en réalité son talent. Ce qu’elle est.

Quel sens donnez-vous à la pluie ?
Dans Les Hauts de Hurlevent, le temps reflète l’humeur et les sentiments des personnages. Dans le film, c’est vraiment lié au premier sermon de Weightman. Le temps est aussi connecté à Emily. La pluie va prendre un autre sens pour elle.
Pensez-vous que les jeunes générations voudront en apprendre davantage sur Emily Brontë grâce à votre film ?
J’espère que les gens se procureront un exemplaire des Hauts de Hurlevent ou de sa poésie, si belle et si personnelle. Ils viendront peut-être au presbytère et liront tous les livres des Brontë, car ils sont magnifiques. Si quelqu’un achète un exemplaire du livre d’Emily, j’en serai très heureuse.
*En salle.
Connectez-vous pour lire la suite
Profitez gratuitement d'un nombre limité d'articles premium et d'une sélection de newsletters
Continuer
Un journalisme d’excellence, des contenus exclusifs, telle est la mission de Point de Vue. Chaque article que nous produisons est le fruit d’un travail méticuleux, d’une passion pour l’investigation et d’une volonté de vous apporter des perspectives uniques sur le monde et ses personnalités influentes. Source d’inspiration, notre magazine vous permet de rêver, de vous évader, de vous cultiver grâce à une équipe d’experts et de passionnés, soucieux de porter haut les couleurs de ce magazine qui a fêté ses 80 ans. Votre abonnement, votre confiance, nous permet de continuer cette quête d’excellence, d’envoyer nos journalistes sur le terrain, à la recherche des reportages et des exclusivités qui font la différence tout en garantissant l’indépendance et la qualité de nos écrits. En choisissant de nous rejoindre, vous entrez dans le cercle des amis de Point de Vue et nous vous en remercions. Plus que jamais nous avons à cœur de vous informer avec élégance et rigueur.