Au fond du Grand Théâtre Lumière, Zaho de Sagazan surgit. Flottant au-dessus d’un océan de smokings et de robes haute couture, elle remonte l’allée en interprétant une version survitaminée de Modern Love, de David Bowie. Sur la scène, la présidente du jury de la compétition, Greta Gerwig – actrice et réalisatrice, aussi à l’aise dans la veine indépendante qu’avec les blockbusters, à qui l’on doit le triomphal Barbie – ne peut retenir ses larmes. Car cette chanson, dont elle partage à présent les paroles avec sa jeune interprète, ne pouvait que lui rappeler la scène culte du film Frances Ha, de Noah Baumbach, dans lequel elle s’élançait dans la rue le long d’un interminable traveling, hommage à la course effrénée de Denis Lavant dans Mauvais sang, de Leos Carax, sur la même musique. Voilà l’une des images marquantes de cette belle cérémonie d’ouverture.

En robe Dior dont le velours vert profond seyait idéalement à son rôle de maîtresse de cérémonie, Camille Cottin vient tout juste de lancer les festivités en prononçant des paroles fortes et drôles, résumant parfaitement l’esprit de cette fête du 7e art sommée de résoudre l’impossible équation combinant l’aspiration au glamour et la pleine conscience de l’état du monde. "Ici les apparences sont trompeuses, avertit-elle, et sous les smokings et les robes de princesse se cachent parfois des punks et des résistantes. Ici, comme disait Agnès Varda, on parle d’argent comme on parle d’amour. Et quand on se plonge dans l’obscurité c’est pour y trouver la lumière..."
Lire aussi >> Le Festival de Cannes comme si vous y étiez

La lumière, c’est à présent Meryl Streep qui la vole, impeccable en robe de soie blanche de la maison Dior. Trente-cinq ans après son prix d’interprétation pour Un cri dans la nuit, l’actrice reçoit ce soir une Palme d’Or d’honneur. La salle plonge dans un profond silence lors du vibrant hommage que lui rend Juliette Binoche, mais aussi à la vue d’extraits de quelques-uns des grands films et des rôles qui ont façonné la légende Meryl Streep. Kramer contre Kramer, Le choix de Sophie, Sur la route de Madison… "Voir ces images, c’est comme regarder par la fenêtre d’un train à grande vitesse, se trouble l’actrice. Foncer comme un éclair de ma jeunesse à la cinquantaine, puis jusqu’à aujourd’hui. J’y retrouve tant de visages, de lieux, dont je me souviens si bien. Quand j’étais à Cannes il y a trente-cinq ans pour la première fois et déjà mère de trois enfants, j’approchais de la quarantaine et je pensais que ma carrière était terminée. À l’époque, pour une actrice, c’était une prévision raisonnable. La seule raison pour laquelle je suis ici ce soir, c’est grâce aux merveilleux artistes avec lesquels j’ai travaillé. Et je vous dois beaucoup à vous, tous les cinéphiles, vous ne vous êtes pas lassés de moi et n’êtes pas encore descendus du train."
