Bérénice Bejo, comédie sur la Croisette

Dans Coupez !, présenté en ouverture de la 75e édition du Festival de Cannes, l’actrice prête son talent solaire au personnage de Nadia, l’épouse d’un réalisateur empêtré dans un tournage catastrophe. Une comédie désopilante, véritable hommage au cinéma de genre, signé par celui qui partage sa vie, Michel Hazanavicius.

Par Emmanuel Cirodde - 26 mai 2022, 07h52

 Bérénice Béjo radieuse lors de la montée des marches pour la cérémonie d’ouverture du 75e Festival de Cannes.
Bérénice Béjo radieuse lors de la montée des marches pour la cérémonie d’ouverture du 75e Festival de Cannes. © Shootpix/ABACA

Êtes-vous heureuse de retrouver Cannes où, de la présentation de The Artist à votre prix d’interprétation pour Le passé, vous avez vécu tant d’émotions fortes ?

Oui, et proposer une comédie en ouverture est une très belle idée de Thierry Frémaux et du festival. Cette comédie est une déclaration d’amour au cinéma. Le film évoque ces films faits sans moyens, ces aventures collectives avec lesquelles on coule ou on triomphe, et qui existent grâce à la solidarité de ses créateurs.

Comment peut-on définir ce film aussi fou et aussi drôle ?

C’est l’histoire du tournage d’un mauvais film. Tout va mal sur le plateau de cette série Z et nous allons découvrir petit à petit les raisons de ce fiasco. Le début pourra sembler surprenant. Des journalistes sont venus nous dire qu’ils avaient pensé que la carrière de Michel Hazanavicius était terminée, qu’il avait été tellement flemmard qu’il avait laissé aux personnages les noms de la version japonaise (rires). Coupez ! s’inspire en effet de Ne coupez pas ! de Shin'ichirō Ueda, petit film d’étudiants qui a rencontré un grand succès. C’est une comédie familiale très ludique. Les enfants vont beaucoup s’amuser.

Bérénice Béjo dans le film Coupez !.
Bérénice Bejo partage l’affiche de Coupez ! avec Matilda Lutz et Finnegan Oldfield. © Lisa Ritaine

Qu’aviez-vous pensé du film original ?

Ce projet de remake nous a été présenté lors du confinement. Durant le premier quart d’heure de Ne coupez pas !, je me suis demandé ce que j’étais en train de voir. C’était très mauvais, les acteurs jouaient mal, on voyait la perche dans le champ… Michel était en train d’écrire un scénario sur un film en train de se tourner et il a été séduit par la structure de ce petit film japonais. Il y a apporté les éléments qui lui sont chers, notamment l’évocation de ses rapports avec les comédiens et les producteurs, et a poussé tous les curseurs à fond pour que cela soit très drôle.

Tout comme pour The Artist, OSS 117 ou Le redoutable qui explorent des genres, l’univers formel de Coupez ! est tout aussi fort.

Vous savez, Michel a même eu l’idée de réaliser un film en détournant des images de catcheurs… À la maison, nous avions une pile de livres et de vieux films sur le sujet. La forme qui compte beaucoup pour lui doit être toujours liée au fond. Il a fait des études d’art et cela se ressent dans le soin qu’il apporte à l’esthétique. Son amour du cinéma resurgit toujours. The Artist, Le prince oublié, qui est un conte pour enfants, ou Coupez ! racontent des histoires d’un film dans le film. Et son prochain projet sera un film d’animation, ce qui constitue un aboutissement de sa démarche.

Matilda Lutz, Romain Duris, Finnegan Oldfield, Michel Hazanavicius et Bérénice Bejo au Festival de Cannes, le 17 mai 2022.
Matilda Lutz, Romain Duris, Finnegan Oldfield, Michel Hazanavicius et Bérénice Bejo lors de la traditionnelle montée des marches à Cannes. © Genin Nicolas/ABACA

Est-ce que, comme pour les catcheurs, vous avez dû faire quelques soirées ciné-club en famille pour visionner les grands films du genre ?

Oui, nous avons revu les classiques de George A. Romero mais aussi des choses plus récentes, dont Dernier train pour Busan que j’ai adoré. J’ai beaucoup travaillé avec de la musique, je m’enregistrais pour rendre ma voix crédible. Il y avait un petit processus à suivre pour donner la sensation que l’on croie à cette histoire pourtant improbable.

Comment avez-vous tourné cette première longue scène très spectaculaire ?

C’est un vrai plan-séquence de plus de trente minutes, tourné sans aucune interruption. Nous l’avons répété pendant un mois dans cet hippodrome désaffecté à Bondoufle. C’est un ballet incroyable où les acteurs et l’équipe technique doit fonctionner en parfaite synchronisation. C’était comme au théâtre, nous nous sommes aidés les uns les autres. Nous sortions tout juste du second confinement et avons pris un plaisir fou à nous retrouver tous ensemble pour partager ce moment. Nous nous sommes beaucoup amusés. Les trois premiers jours, nous tournions le plan-séquence trois fois par jour, avec une heure et demie entre chaque prise pour tout remettre en place. Les premières fois, nous avons eu pas mal de fous rires mais nous continuions malgré de tourner comme le souhaitait Michel. C’était très physique.

Michel Hazanavicius, Romain Duris et Bérénice Bejo au Festival de Cannes le 18 mai 2022.
Michel Hazanavicius et Romain Duris entourent Bérénice Bejo lors de la présentation du film. © Shootpix/ABACA

Quel directeur d’acteur est Michel Hazanavicius ?

Il aime faire beaucoup de prises. Je me souviens du bonheur de Romain Duris sur le plateau qui adorait chercher avec lui et donner le meilleur. Il est un amoureux des acteurs qui fait tout pour nous mettre en image, pour que notre corps raconte des choses en réglant précisément les placements et le rythme. C’est une approche très musicale comme le faisait d’ailleurs remarquer Finnegan Oldfield. Il a beaucoup visionné les films de Michel, dont La classe américaine ou OSS 117, pour observer comment il obtenait ces effets et le second degré qui découlait de cette ironie.

Michel Hazanavicius a-t-il pensé tout de suite à vous pour incarner le personnage de Nadia, épouse du réalisateur que joue Romain Duris ?

Non. Quand j’ai vu le film original, je lui ai dit que je jouerais bien ce rôle frapadingue. Mais lorsqu’il a terminé son scénario, Michel m’a dit qu’il pensait que je ne conviendrai pas car il me trouvait "trop jolie". Cela m’a énormément vexé. Pourquoi avoir tel ou tel physique devrait m’empêcher d’incarner un personnage ? Puis, alors qu’il avait attrapé un méchant covid et qu’il était alité, il m’a demandé de lire son scénario avant de l’envoyer aux producteurs. J’ai fini par m’y plonger. Je n’arrêtais pas de rire. Mon fils me demandait ce que je lisais. Je suis allé voir Michel dans la chambre pour lui dire à quel point j’étais enthousiaste. Il m’a regardée, en sueur tant il était malade, et a fini par me dire "alors vas-y ma chérie, si tu as envie, fais-le !"

Bérénice Bejo et Michel Hazanavicius au Festival de Cannes le 17 mai 2022.
Bérénice Bejo est à l'affiche du nouveau film de son conjoint Michel Hazanavicius. © Genin Nicolas/ABACA

Votre nièce et votre belle-fille, Raïka et Simone Hazanavicius, ainsi que votre fille Gloria apparaissent aussi dans le film. Que changeait cette ambiance familiale ?

Ce n’est pourtant pas le genre de Michel, qui a beaucoup d’amis acteur à qui il ne peut pas toujours donner des rôles, ce qui lui brise le cœur. Mais il s’est avéré que Simone avait l’âge du rôle et, malgré notre désir que nos enfants se débrouillent tout seul, nous avons fait comme tout le monde en l’aidant. Quant à Raïka, elle jouait déjà dans une série sur Netflix [Les 7 vies de Léa]. Et un jour, notre fils Lucien nous a suggéré que sa petite sœur Gloria de 10 ans irait très bien pour le rôle de la fillette… Ce petit film tourné en six semaines permettait cela et nous sommes très heureux de l’avoir fait ainsi. Simone est très bien dans le film. Et a constaté que ses parents exerçaient un vrai travail (rires).

Coupez !, de Michel Hazanavicius.

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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