Dans la voiture qui l’emmène vers la vallée de Chevreuse, Laurent de Gourcuff raconte avec un talent digne de Pierre Bellemare — mais une demi-octave au-dessus — sa découverte de l’Abbaye des Vaux-de-Cernay. "Je visitais entre deux et trois châteaux par semaine pour trouver le site idéal, proche de Paris, où monter le projet hôtelier de mes rêves. Neuf fois sur dix, j’étais accueilli par les châtelains qui m’invitaient à déjeuner et me faisaient visiter les lieux de la cave au grenier. Sauf qu’en réalité, au bout d’une demi-heure, je savais que je n’achèterais jamais. Un jour, j’apprends par un copain que l’Abbaye des Vaux-de-Cernay va être mise en vente. Je décide d’y aller et avant d’arriver, je m’arrête. La bâtisse se découpe au loin, magnifique, la route longe un étang avec la forêt de Rambouillet en arrière-plan. Sans avoir rien vu, je sais que c’est là. Par chance, je rencontre le propriétaire et lui dit que je ne sortirai pas de son bureau sans avoir signé un accord de principe… Et nous y voilà."
Transformer l'abbaye en "plus bel hôtel de france"
Ce matin, un coup de givre a eu la bonne idée de s’inviter dans la vallée de Chevreuse, pavoisée d’un franc soleil d’hiver. C’est vrai qu’elle a de l’allure, cette abbaye cistercienne du XIIe siècle balayée par la Révolution, convertie en domaine de campagne par la baronne Charlotte de Rothschild à la fin du XIXe et devenue dans les années 1980 la plus chic des boîtes à noces de la bonne société parisienne. La voilà à l’aube d’une nouvelle vie comme l’a imaginée Laurent de Gourcuff, qui projette d’en faire "le plus bel hôtel de France". Tout simplement ! 14000m2 , 160 chambres, toutes différentes, réparties entre l’abbaye, les haras et la ferme toute proche rachetée dans la foulée, Cordélia de Castellane à la décoration, une profusion d’étoffes de Pierre Frey et plus encore d’activités mises en place.

"Il y a tout ici, à 44 km de Paris. La région est magique quelle que soit la saison. On fera du paddle et du canoé sur le lac, on y trouvera un spa, une salle de cinéma gérée par MK2, une immense salle de jeux, une brocante, quatre restaurants. On pourra repartir le dimanche soir avec un panier de légumes du potager", énumère le patron du groupe Paris Society, 45 ans et déjà près des deux tiers de son existence dans le monde de la fête.

Un précoce qui jure n’avoir jamais bu une goutte d’alcool ni pris la moindre drogue, indispensable protection pour cet excessif dans l’âme. "À 15 ans et demi, je louais déjà des salles afin d’organiser des soirées payantes pour la jeunesse dorée. À 22 ans, je rachetais Les Planches, le club de la rue de Ponthieu. J’avais envie de gagner ma vie. Le groupe s’est peu à peu étendu à la restauration et nous voilà dans l’hôtellerie", témoigne-t-il.
"Mon vrai plaisir, c'est de trouver les bons lieux"
Du côté de son père, de vieille noblesse bretonne ancrée du côté de Quimper et marchand de biens de profession, et de sa mère, styliste de robes de cocktail sous la marque Y de G, la décision passe plutôt bien. Ils ont tout fait comme il faut : les vacances d’été à Bénodet, le départ en pension dès l’âge de 8 ans chez les Oratoriens de Juilly, Les Glénans… De quoi donner à leur fils l’indispensable réseau d’amis de toujours et une charpente de grand travailleur. Levé avant l’aube du lundi au vendredi, il est sur le terrain jusqu’à 22 heures, l’œil à tout. "J’aime construire la fête, mais je reste spectateur. Mon vrai plaisir, c’est de trouver les bons lieux, les plus surprenants, qui ont une vue de dingue, qui vous embarquent", ajoute-t-il.

Avec l’Abbaye des Vaux-de-Cernay, il a acquis la citadelle Vauban de Belle-Île-en-Mer, domaine de sept hectares posé en surplomb du Palais, la capitale de l’île bretonne. Après l’été, son hôtel de cent chambres entrera, lui aussi, dans une grosse campagne de restauration confiée à l’architecte et marin dinardais Christophe Bachmann, qui a œuvré pour la Ferme du Vent de la famille Rœllinger. Là encore, Laurent de Gourcuff voit grand. Il prévoit une ouverture au printemps 2024.

"Ce n’est pas dingue ?" s’exclame-t-il en parcourant les jardins de l’Abbaye, presque ému par l’ampleur du chantier qui s’annonce, tandis que les pelleteuses creusent les réseaux en tout genre. Ce week-end comme toujours ou presque, il retrouvera sa maison proche de Pacy-sur-Eure, "laboratoire" où mijotent ses idées, où s’entreposent d’impressionnants retours de chine, sa passion. D’ores et déjà, une centaine de Playmobil géants attendent leur heure, et si d’aventure il tombe un jour sur une enseigne de métro de Guimard, on n’est à l’abri de rien.
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