Laurent de Gourcuff, le dénicheur des trésors oubliés du patrimoine

Figure de la vie parisienne, il dirige avec panache restaurants en vue et clubs à la mode, et part désormais à l’abordage de l’Abbaye des Vaux-de-Cernay et de la citadelle Vauban de Belle-Île-en-Mer pour les convertir en hôtels de rêve. Portrait d’un garçon bien né, qui n’a pas son pareil pour débusquer les meilleurs lieux.

Par Marie-Eudes Lauriot Prévost - 28 février 2022, 07h51

 Laurent de Gourcuff à l’Abbaye des Vaux-de-Cernay.
Laurent de Gourcuff à l’Abbaye des Vaux-de-Cernay. © David Atlan

Dans la voiture qui l’emmène vers la vallée de Chevreuse, Laurent de Gourcuff raconte avec un talent digne de Pierre Bellemare — mais une demi-octave au-dessus — sa découverte de l’Abbaye des Vaux-de-Cernay. "Je visitais entre deux et trois châteaux par semaine pour trouver le site idéal, proche de Paris, où monter le projet hôtelier de mes rêves. Neuf fois sur dix, j’étais accueilli par les châtelains qui m’invitaient à déjeuner et me faisaient visiter les lieux de la cave au grenier. Sauf qu’en réalité, au bout d’une demi-heure, je savais que je n’achèterais jamais. Un jour, j’apprends par un copain que l’Abbaye des Vaux-de-Cernay va être mise en vente. Je décide d’y aller et avant d’arriver, je m’arrête. La bâtisse se découpe au loin, magnifique, la route longe un étang avec la forêt de Rambouillet en arrière-plan. Sans avoir rien vu, je sais que c’est là. Par chance, je rencontre le propriétaire et lui dit que je ne sortirai pas de son bureau sans avoir signé un accord de principe… Et nous y voilà."

Transformer l'abbaye en "plus bel hôtel de france"

Ce matin, un coup de givre a eu la bonne idée de s’inviter dans la vallée de Chevreuse, pavoisée d’un franc soleil d’hiver. C’est vrai qu’elle a de l’allure, cette abbaye cistercienne du XIIe siècle balayée par la Révolution, convertie en domaine de campagne par la baronne Charlotte de Rothschild à la fin du XIXe et devenue dans les années 1980 la plus chic des boîtes à noces de la bonne société parisienne. La voilà à l’aube d’une nouvelle vie comme l’a imaginée Laurent de Gourcuff, qui projette d’en faire "le plus bel hôtel de France". Tout simplement ! 14000m2 , 160 chambres, toutes différentes, réparties entre l’abbaye, les haras et la ferme toute proche rachetée dans la foulée, Cordélia de Castellane à la décoration, une profusion d’étoffes de Pierre Frey et plus encore d’activités mises en place. 

Au début du printemps 2023, l'Abbaye des Vaux-de-Cernay rouvrira ses portes.
Laurent de Gourcuff veut faire de l'Abbaye des Vaux-de-Cernay, située à 44km de Paris, un lieu familial fourmillant d’activités. © David Atlan

"Il y a tout ici, à 44 km de Paris. La région est magique quelle que soit la saison. On fera du paddle et du canoé sur le lac, on y trouvera un spa, une salle de cinéma gérée par MK2, une immense salle de jeux, une brocante, quatre restaurants. On pourra repartir le dimanche soir avec un panier de légumes du potager", énumère le patron du groupe Paris Society, 45 ans et déjà près des deux tiers de son existence dans le monde de la fête. 

Laurent de Gourcuff a été séduit par les environs de l'Abbaye des Vaux-de-Cernay.
Le voisinage de l'Abbaye avec un bel étang a définitivement séduit Laurent de Gourcuff. © David Atlan

Un précoce qui jure n’avoir jamais bu une goutte d’alcool ni pris la moindre drogue, indispensable protection pour cet excessif dans l’âme. "À 15 ans et demi, je louais déjà des salles afin d’organiser des soirées payantes pour la jeunesse dorée. À 22 ans, je rachetais Les Planches, le club de la rue de Ponthieu. J’avais envie de gagner ma vie. Le groupe s’est peu à peu étendu à la restauration et nous voilà dans l’hôtellerie", témoigne-t-il. 

"Mon vrai plaisir, c'est de trouver les bons lieux"

Du côté de son père, de vieille noblesse bretonne ancrée du côté de Quimper et marchand de biens de profession, et de sa mère, styliste de robes de cocktail sous la marque Y de G, la décision passe plutôt bien. Ils ont tout fait comme il faut : les vacances d’été à Bénodet, le départ en pension dès l’âge de 8 ans chez les Oratoriens de Juilly, Les Glénans… De quoi donner à leur fils l’indispensable réseau d’amis de toujours et une charpente de grand travailleur. Levé avant l’aube du lundi au vendredi, il est sur le terrain jusqu’à 22 heures, l’œil à tout. "J’aime construire la fête, mais je reste spectateur. Mon vrai plaisir, c’est de trouver les bons lieux, les plus surprenants, qui ont une vue de dingue, qui vous embarquent", ajoute-t-il. 

La Révolution française mettra à mal l'Abbaye des Vaux-de-Cernay, située à l'orée de la forêt de Rambouillet.
Bâtie dès le XIIe siècle à l’orée de la forêt de Rambouillet, l’abbaye cistercienne a été détruite en partie à la Révolution avant de devenir à la fin du XIXe la maison de campagne de la baronne Charlotte de Rothschild, puis un hôtel. © David Atlan

Avec l’Abbaye des Vaux-de-Cernay, il a acquis la citadelle Vauban de Belle-Île-en-Mer, domaine de sept hectares posé en surplomb du Palais, la capitale de l’île bretonne. Après l’été, son hôtel de cent chambres entrera, lui aussi, dans une grosse campagne de restauration confiée à l’architecte et marin dinardais Christophe Bachmann, qui a œuvré pour la Ferme du Vent de la famille Rœllinger. Là encore, Laurent de Gourcuff voit grand. Il prévoit une ouverture au printemps 2024.

Le groupe de Laurent de Gourcuff possède plusieurs restaurants dont Gigi, un établissement italien situé au sommet du Théâtre des Champs-Élysées.
Né avec le monde de la nuit, le groupe Paris Society se développe aujourd’hui avec l’ouverture de restaurants dans des lieux exceptionnels comme l’Italien Gigi, au sommet du Théâtre des Champs-Élysées. © Romain Ricard

"Ce n’est pas dingue ?" s’exclame-t-il en parcourant les jardins de l’Abbaye, presque ému par l’ampleur du chantier qui s’annonce, tandis que les pelleteuses creusent les réseaux en tout genre. Ce week-end comme toujours ou presque, il retrouvera sa maison proche de Pacy-sur-Eure, "laboratoire" où mijotent ses idées, où s’entreposent d’impressionnants retours de chine, sa passion. D’ores et déjà, une centaine de Playmobil géants attendent leur heure, et si d’aventure il tombe un jour sur une enseigne de métro de Guimard, on n’est à l’abri de rien.

Connectez-vous pour lire la suite

Profitez gratuitement d'un nombre limité d'articles premium et d'une sélection de newsletters

Continuer

Ou débloquez l'intégralité des contenus Point de Vue

Pourquoi cet article est-il réservé aux abonnés ?

Adélaïde de Clermont-Tonnerre

Un journalisme d’excellence, des contenus exclusifs, telle est la mission de Point de Vue. Chaque article que nous produisons est le fruit d’un travail méticuleux, d’une passion pour l’investigation et d’une volonté de vous apporter des perspectives uniques sur le monde et ses personnalités influentes. Source d’inspiration, notre magazine vous permet de rêver, de vous évader, de vous cultiver grâce à une équipe d’experts et de passionnés, soucieux de porter haut les couleurs de ce magazine qui a fêté ses 80 ans. Votre abonnement, votre confiance, nous permet de continuer cette quête d’excellence, d’envoyer nos journalistes sur le terrain, à la recherche des reportages et des exclusivités qui font la différence tout en garantissant l’indépendance et la qualité de nos écrits. En choisissant de nous rejoindre, vous entrez dans le cercle des amis de Point de Vue et nous vous en remercions. Plus que jamais nous avons à cœur de vous informer avec élégance et rigueur.

Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

Dans la même catégorie

Abonnez-vous pour recevoir le magazine chez vous et un accès illimité aux contenus numériques

  • Le magazine papier livré chez vous
  • Un accès illimité à l’intégralité des contenus numériques
  • Des contenus exclusifs
Voir les offres d’abonnement