Joe Biden, le deuxième président catholique des États-Unis

Dans un pays majoritairement protestant, le fidèle paroissien de St. Joseph devient le deuxième président catholique des États-Unis, soixante ans après Kennedy. Chapelet en poche, le septuagénaire espère réconcilier un pays déchiré.

Par Angélique d'Erceville - 20 janvier 2021, 10h42

 Dans un pays à majorité protestante, le candidat Biden a pris soin d’éviter les querelles de chapelle tout en affichant ouvertement son catholicisme.
Dans un pays à majorité protestante, le candidat Biden a pris soin d’éviter les querelles de chapelle tout en affichant ouvertement son catholicisme. © Getty Images

Ce mercredi 20 janvier, moins de deux semaines après l’assaut du Capitole par les partisans de Donald Trump, qui a ébranlé la démocratie américaine, Joe Biden va prêter serment et devenir le 46e président des États-Unis.

Malgré l’absence de son prédécesseur, qui a préféré bouder la cérémonie, la journée peut permettre à la démocratie de retrouver un semblant de normalité, en suivant un protocole éprouvé. "Je jure solennellement que j'exercerai fidèlement les fonctions de président des États-Unis, et que je préserverai, protégerai et défendrai, au mieux de mes capacités, la Constitution des États-Unis", doit déclarer Joe Biden, la main gauche posée sur une épaisse bible de famille.

De cet accessoire choisi avec soin, jusqu’à la dernière phrase du serment, "So help me God", l’omniprésence du religieux dans la cérémonie d’investiture – et tout au long de la campagne électorale qui l’a précédée – n’a rien de surprenant de ce côté de l’Atlantique.

Au soir de son élection en novembre 2020, Biden a été félicité par l’archevêque de Los Angeles, José Gómez, à la tête de la Conférence des évêques catholiques américains. © Al Drago/UPI /ABACAPRESS.COM
Au soir de son élection en novembre 2020, Biden a été félicité par l’archevêque de Los Angeles, José Gómez, à la tête de la Conférence des évêques catholiques américains. © Al Drago/UPI /ABACAPRESS.COM

Les Américains croient en Dieu. Ce ne sont pas eux qui le disent, mais leurs billets de banque : "In God we trust." Gravée dans le dollar, la devise indique que si les États-Unis ont inscrit la séparation de l’Église et de l’État dans leur constitution, la religion y conserve une place importante.

La plupart des hommes politiques terminent d’ailleurs leurs discours par le fameux "Dieu bénisse l’Amérique", devenu l’hymne officieux du pays. Si cette notion de "religion civile" est acquise, la confession du nouveau dirigeant détonne.

Dans un pays protestant, l’élection d’un catholique est une exception

Dans un pays à majorité protestante, fondé par des migrants ayant fui les persécutions religieuses du Vieux Continent, l’élection d’un catholique est une exception qui suscite des questionnements. "Biden pourrait devenir notre deuxième président catholique. Est-ce important ?", s’interrogeait par exemple le New York Times, fin septembre.

Soixante ans après John Fitzgerald Kennedy, Joe Biden devient effectivement le second à rompre le monopole protestant acquis à la Maison Blanche. "Jusqu’à Kennedy, il était inenvisageable qu’un président américain soit catholique, car la suspicion de l’influence du Vatican pesait sur lui", rappelle Jean-Pierre Denis, journaliste et essayiste, ancien directeur de la rédaction de La Vie.

JFK est le premier président catholique des États-Unis. Ici en 1963, au Vatican, en audience avec le pape Paul VI. © AKG-images
JFK est le premier président catholique des États-Unis. Ici en 1963, au Vatican, en audience avec le pape Paul VI. © AKG-images

Six décennies plus tard, les catholiques sont toujours en minorité au pays de l’Oncle Sam : ils représentent 20 % des Américains, contre 43 % de protestants. Mais leur influence s’est considérablement renforcée, aussi bien au Congrès, en tant que gouverneurs d'État, qu’à la Cour suprême, où six des neuf juges sont désormais des catholiques pratiquants.

Cette influence grandissante n’est pas forcément un atout pour le nouveau locataire de la Maison Blanche. Entre les conservateurs aux origines irlandaises et les latinos plus progressistes, il n’y a pas un mais des catholicismes aux USA.

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D’ailleurs le 3 novembre 2020, le vote des catholiques s’est partagé à 50/50 entre Donald Trump et Joe Biden. "Contrairement à ce qu’avait pu vivre Kennedy lors de son mandat, les critiques à l’encontre de Biden le catholique ne viennent plus de l’extérieur, mais de l’intérieur", souligne Jean-Pierre Denis.

Malgré son éducation religieuse, sa pratique fidèle du culte – il se rend presque tous les dimanches à la messe dans sa paroisse de St.Joseph on the Brandywine, à Wilmington – et les multiples audiences papales à son actif, le 46e président n’a pas la bénédiction de l’ensemble de la communauté catholique.

Joe Biden, alors vice-président, et le pape François au balcon du Capitole en septembre 2015. © MediaNews Group/Orange County Register/Getty Images
Joe Biden, alors vice-président, et le pape François au balcon du Capitole en septembre 2015. © MediaNews Group/Orange County Register/Getty Images

Récemment, le prêtre Robert Morey lui a même refusé la communion pour ses convictions "pro-choice", en faveur de l’avortement. Au soir de l’élection, l'archevêque de Los Angeles José Gómez, qui préside la Conférence des évêques catholiques américains, a néanmoins tenu à féliciter le candidat démocrate. "Je crois qu'en ce moment de l'histoire américaine, les catholiques ont le devoir particulier d'être des artisans de paix, de promouvoir la fraternité et la confiance mutuelle, et de prier pour un esprit renouvelé de vrai patriotisme dans notre pays", a indiqué le prélat.

Une volonté de réconciliation qui s’accorde avec la vision de la foi montrée par Joe Biden. "Je m’engage à être un président qui ne cherche pas à diviser mais à unifier, qui ne voit pas les états rouges et les états bleus, mais les États-Unis", avait-il scandé aux partisans venus fêter sa victoire.

Joe Biden a trouvé dans la religion la force de surmonter les épreuves

L’homme, qui a traversé plusieurs deuils terribles, d’abord la mort de sa femme et de leur plus jeune fille dans un accident de voiture en 1972, puis celle de son fils Beau, emporté par un cancer à l’âge de 46ans, en 2015, a trouvé dans la religion la force de se relever. "Certes, il y a une part de calcul politique lorsque Biden parle de sa foi et va à la messe durant la campagne électorale, mais c’est aussi un engagement sincère qui l’a aidé à traverser les épreuves très cruelles qu’il a vécues. Le catholicisme de Biden insiste beaucoup sur la réconciliation des Américains, la dimension de l’espérance est très présente. Le réconfort qu’il a trouvé à titre personnel après les deuils est peut-être ce qu’il adresse au peuple américain", souligne Jean-Pierre Denis.

Le 46 e président des États-Unis est un survivant, qui s’est relevé malgré les deuils. En 1972, alors qu’il vient d’être élu sénateur, sa femme Neilia et leur plus jeune fille Naomi, dite "Amy", âgée de 13 mois, meurent dans un accident de voiture, à quelques jours de Noël. © Getty Images
Le 46 e président des États-Unis est un survivant, qui s’est relevé malgré les deuils. En 1972, alors qu’il vient d’être élu sénateur, sa femme Neilia et leur plus jeune fille Naomi, dite "Amy", âgée de 13 mois, meurent dans un accident de voiture, à quelques jours de Noël. © Getty Images

Une volonté de réconciliation qui a pris encore plus de sens ces derniers jours. Au soir de la violation du Capitole, le président élu a martelé : "Ces quatre prochaines années, nous allons devoir restaurer la démocratie, la décence, l’honneur. Notre démocratie est fragile, il faut la préserver." Ses fidèles partisans prient d’ores et déjà pour que son mandat ne devienne pas un chemin de croix…

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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