Archives. Le mariage de John Fitzgerald Kennedy et Jacqueline Bouvier

L’événement mondain de la saison réunit plus de mille deux cents invités, à Newport, la station balnéaire chic de l’Etat de Rhode Island, ce 12 septembre 1953. Le sénateur John Kennedy unit ce jour-là son destin à celui de Jacqueline Bouvier. 

Par François Billaut - 11 septembre 2020, 08h45

 Jacqueline Bouvier et John Fitzgerald Kennedy le jour de leur mariage le 12 septembre 1953 à Newport aux États-Unis.
Jacqueline Bouvier et John Fitzgerald Kennedy le jour de leur mariage le 12 septembre 1953 à Newport aux États-Unis. © Universal History Archive/Universal Images Group via Getty Images

Il est onze heures. En l’église catholique St Mary, monseigneur Richard Cushing, archevêque de Boston, célèbre le mariage du sénateur John Fitzgerald Kennedy, jeune élu du Massachusetts, avec la ravissante journaliste Jacqueline Bouvier. L’assistance, serrée sur les bancs du sanctuaire, a-t-elle conscience d’assister à un instant historique? Sans doute pas. Seul le père du marié, Joseph Kennedy, ancien ambassadeur et milliardaire self-made-man, voit cette date s’inscrire dans l’ascension de son clan vers la Maison-Blanche.

Jackie surpasse les nombreuses conquêtes d’un soir de John 

John et Jackie se sont rencontrés deux ans plus tôt, en mai 1952, à Georgetown, à l’occasion d’un dîner de gala. Ancienne étudiante de la Sorbonne et licenciée en lettres françaises de la prestigieuse université George Washington, la jeune femme se destine à une carrière dans la presse. Elle vient d’obtenir une bourse d’études du magazine Vogue, et réaliserait volontiers un reportage sur ce séduisant jeune loup du Parti démocrate.

Les mois suivants voient se multiplier leurs rencontres. En novembre, John est élu au Sénat, et Jackie apprécie de plus en plus cet homme enjoué et ambitieux. Au point d’oublier son amour d’étudiante, un autre Américain installé à Paris. Le "Don Juan" démocrate n’est pas insensible non plus au charme de cette beauté mélancolique, aux yeux étrangement écartés. Il devine combien la jeune femme, intelligente et cultivée, surpasse ses nombreuses conquêtes d’un soir.

John et Jackie se sont rencontrés en mai 1952 au cours d’un dîner organisé par le journaliste Charles Bartlett. © Hy Peskin/Getty Images
John et Jackie se sont rencontrés en mai 1952 au cours d’un dîner organisé par le journaliste Charles Bartlett. © Hy Peskin/Getty Images

En juin 1953, Jackie part pour Londres, où elle couvre les fêtes du couronnement de la reine Élisabeth II pour le Washington Times-Herald. John lui envoie ce télégramme: "Articles excellents, mais vous me manquez!" À son retour, leurs fiançailles sont annoncées. Jackie arbore une bague du joaillier Van Clef & Arpels, sertie d’une émeraude et d’un diamant de près de trois carats chacun.

Si John et son père admirent chez la jeune femme ce chic naturel, cette aura distinguée qui fait singulièrement défaut à leur propre famille, Rose Kennedy et ses filles, en revanche, apprécient modérément l’attitude distante de la nouvelle venue. Elles se moquent de la voix traînante de la "débutante", comme elles la surnomment. À la décharge des femmes du clan Kennedy, la fiancée de John peut se montrer caustique et fait enrager Rose en raillant à son tour son phrasé nasillard. De leur côté, la mère de Jackie et son beau-père, les très chics Auchincloss, cachent à peine leur désappointement. Ils rêvaient mieux pour leur fille et belle-fille qu’un rejeton de parvenus irlandais.

Force est de reconnaître que le caractère réservé de Jackie contraste singulièrement avec la bonhommie bruyante et chahuteuse de sa future belle-famille. Elevées dans l’illusion d’une noble origine, Jacqueline Bouvier et sa sœur cadette Lee, la future princesse Radziwill, ont reçu l’éducation policée de parfaites ladies. Elles sont belles, brillantes, sophistiquées et ne doutent pas de leur éclat. Le zèle obstiné de généalogistes français prouvera pourtant à Jackie qu’elle descend d’un modeste artisan ébéniste, émigré au Nouveau Monde à la fin du XVIIIe siècle.

La mariée n’a pas eu le choix de sa robe signée Ann Lowe

Le jour du mariage, célébré à la fin de l’été, trois mois après les fiançailles, une foule dense se presse derrière les barrières de sécurité. Journalistes et curieux veulent apercevoir la mariée. Descendue d’une luxueuse limousine blanche, Jackie rayonne dans sa robe de taffetas de soie ivoire. La toilette se compose d’un bustier cintré très marqué à la taille et d’une jupe bouffante tout à fait dans le goût des années 1950. Mais curieusement, si l’ensemble est élégant, cette femme destinée à devenir une icône de mode n’a pas eu le choix de sa robe de mariée. À son designer favori, le comte Oleg Cassini, sa mère et sa belle-mère -qui doutent de son goût!-, ont préféré la new-yorkaise Ann Lowe, couturière attitrée des Rockefeller et des Du Pont. Des "valeurs sûres", incontestablement.

La robe de taffetas de soie ivoire de Jackie a été confectionnée par la couturière attitrée des Rockefeller et des Du Pont. © Lisa Larsen/The LIFE Picture Collection via Getty Images
La robe de taffetas de soie ivoire de Jackie a été confectionnée par la couturière attitrée des Rockefeller et des Du Pont.© Lisa Larsen/The LIFE Picture Collection via Getty Images

Dans sa chevelure brune et bouclée, Jackie porte le voile de dentelle "au point d’esprit" de sa grand-mère maternelle Margaret Lee Merritt, retenu par un lacet de fleurs d’oranger. Un simple rang de perles en chute habille son décolleté, son bijou fétiche, dont elle va relancer la mode tombée en désuétude. La broche en diamants qui ferme son corsage est un présent de son beau-père, et elle arbore fièrement le bracelet de diamants offert par John, la veille, au dîner du Clambake Club. Dans ses mains gantées, elle tient un bouquet léger d’orchidées blanches et de gardénias roses.

Seule ombre au bonheur de Jackie, son père John Vernon Bouvier III ne la conduit pas à l’Autel. Son ex-épouse, qui ne lui a jamais pardonné d’avoir ruiné sa famille aux tables de jeu, l’a évincé du dîner de la veille. Déclaré persona non grata, "Black Jack", comme on le surnomme dans les casinos, a noyé son chagrin dans l’alcool. La jeune femme remonte donc la nef fleurie de glaïeuls et de chrysanthèmes roses et blancs au bras de son beau-père, le milliardaire Hugh Auchincloss. Quatre prêtres officiant assistent l’archevêque de Boston qui donne la lecture de la bénédiction du pape Pie XII, un ami personnel de Rose Kennedy. Le pontife en fera d’ailleurs, en 1951, la dernière "comtesse" créée par le Vatican. La cérémonie se termine, après quarante minutes, au son de l’Ave Maria, chanté par le ténor lyrique Luigi Vena.

La crème du monde politique et des affaires se presse à la réception

Escorté par les motards de la police, le couple rejoint Hammersmith Farm, la propriété de la famille Auchincloss, sur la baie de Narragansett. La crème du monde politique et des affaires se presse autour des tables dressées dans le jardin: pas moins de cinq sénateurs, le porte-parole de la Chambre, des ambassadeurs en exercice, une ambassadrice à venir, Pamela Churchill, future Harriman, Alice Roosevelt Longworth et un peu de sang bleu européen, le duc et la duchesse de Devonshire. Les Nixon, Pat et Richard, se sont décommandés à la dernière minute. Crèmes de volaille, coupes de fruits, roses glacées et un gâteau de cinq étages sont arrosés de champagne.

Plus de 1.000 invités se retrouvent à la réception qui a lieu sur le domaine de la famille Auchincloss, le beau-père de Jackie. © Lisa Larsen/The LIFE Picture Collection via Getty Images
Plus de 1.000 invités se retrouvent à la réception qui a lieu sur le domaine de la famille Auchincloss, le beau-père de Jackie. © Lisa Larsen/The LIFE Picture Collection via Getty Images

John et Jackie ouvrent le bal aux premières mesures de J’ai épousé un ange, une composition de Meyer Davis, qui dirige l’orchestre. En fin d’après-midi, le sénateur et madame John F. Kennedy quittent leurs invités sous une pluie de pétales de roses. Après la nuit de noces à l’hôtel Waldorf Astoria de New York, ils s’envoleront pour le Mexique, pour deux semaines de lune de miel à Acapulco.

John et Jackie viennent d’unir leurs destins "pour le meilleur et pour le pire". Et peu de couple illustreront aussi parfaitement ce vœu qui se dénouera dans le sang, dix ans plus tard, lors de l’attentat de Dallas. Jackie, veuve et mère de deux enfants, Caroline et John John, se remariera avec le milliardaire Aristote Onassis, en 1968. De nouveau veuve, elle partagera ensuite la vie de l’homme d’affaires Maurice Tempelsman, dont la première épouse refusera toujours de divorcer. L’ancienne First lady désabusée, sinon cynique, commentera : "La première fois vous vous mariez par amour, la deuxième pour l’argent, et la troisième pour la compagnie…"

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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