Julien Clerc se confie : "La musique est l’amour de ma vie"

L’un des chanteurs les plus populaires et emblématiques de sa génération sort son 27e album, Les Jours heureux, dans lequel il reprend des chansons d’artistes qui l’ont inspiré, de Barbara à Gilbert Bécaud, en passant par Yves Montand. La bande originale d’une vie qu’il a toujours pensée en musique.

Par Anne-Cécile Huprelle - 20 décembre 2021, 07h15

 Le chanteur français Julien Clerc revient avec Les Jours heureux, son 27e album.
Le chanteur français Julien Clerc revient avec Les Jours heureux, son 27e album. © Laurent Humbert

Votre disque est un hommage à la génération qui vous a précédé. La variété française, c’est un patrimoine ?

Ces artistes m’ont donné envie de faire ce métier. Leur influence représente aujourd’hui mon ADN musical. En tant que chanteur "populaire", je crois me situer dans leur continuité. Charles Trenet a révolutionné la chanson française en amenant le swing des États-Unis. Bécaud admirait Sinatra. Leurs particularités ont façonné une sorte d’exception française. Brel et Barbara en sont les chantres les plus aboutis.

Justement, embrasser une carrière après ces "monuments", en tant que "chanteur à texte", ce n’était pas intimidant ?

J’étais assez naïf... et tout était plus facile à l’époque. Le paysage audiovisuel était installé différemment, seules quelques grandes radios généralistes existaient. Mon premier contrat de disque avec Pathé­-Marconi était signé pour sept ans ; on pariait donc sur moi. C’était une chance, car il n’y avait pas d’artistes dans la famille. Mon père était normalien, professeur de lettres, mon grand­-père maternel était ouvrier dans l’aviation, ma mère était secrétaire. C’est quand j’ai découvert que j’étais capable d’inventer une mélodie, puis, deux, puis trois, que je me suis dit qu’il était peut-­être possible que je gagne ma vie avec cela.

Julien Clerc et sa mère à l"Olympia en décembre 1971.
Julien Clerc félicité par sa mère après un concert à l'Olympia en décembre 1971. © AGIP / Bridgeman Images

Votre enfance est marquée par le divorce de vos parents. Cette difficulté a-t-elle, par la suite, nourri votre créativité ?

Sûrement. Mon nouvel album Les Jours heureux possède un titre à double sens. Pour ma part, ces jours correspondent à l’époque de mon adolescence, à mon éveil musical. Car je n’ai pas toujours été très heureux dans mon enfance. La vie entre deux domiciles, c’était plus ou moins facile à négocier. À Bourg­-la­-Reine, où j’ai grandi, la chanson n’existait pas. Ma belle­-mère qui m’a élevé, car je voyais ma mère uniquement le week­end, était pianiste et claveciniste, férue de musique classique. Lorsque j’arrivais dans l’appartement de ma mère dans le XIVe arrondissement, j’étais immergé dans un autre monde musical, celui de la variété. Je me suis enrichi de ces deux femmes. Quant à mon père, tellement à cheval sur la langue française et la poésie, il m’a dit un jour cette phrase : "Essaie de ne pas perdre tes langues vivantes." J’ai respecté sa feuille de route, car toute ma vie j’ai recherché des auteurs de qualité.

Jusqu’à trouver votre alter ego...

Étienne Roda-­Gil venait de nulle part. Il était une sorte d’étudiant attardé [rires], il vendait des médicaments ou je ne sais quoi, il disparaissait beaucoup... puis revenait avec des trésors de textes. Il avait un style unique, une inspiration très atypique.

Julien Clerc lors d"un concert.
De ses débuts à aujourd'hui, Julien Clerc a marqué des générations entières grâce à sa musique. © AGENCE / BESTIMAGE

Ses textes sont entrés en résonance avec votre musique. Votre répertoire a accompagné une image de séducteur qui vous colle à la peau...

L’amour, tel que le faisait chanter Étienne, était romantique, emporté, respectueux. Si l’on veut résumer son esprit, on le trouve dans Ballade pour un fou, quand je chante : "Je suis le seul à me vanter de me traîner à tes genoux !" J’ai trouvé mon public très tôt, et il a vieilli avec moi. Et, aujourd’hui, des mamans viennent au concert avec leurs filles, parfois leurs petites-filles... Je suis là, grâce aux femmes.

À quelle période de votre vie vous êtes-vous dit : "Là, je suis heureux" ?

Jamais ! J’ai un côté "bon soldat" : je fais ce que je dois faire, dans l’instant. Mon métier est de composer, enregistrer, faire une promotion et partir en tournée. Ma mère me disait : "Mon bonhomme, tu n’as l’air heureux que sur scène, quand tu chantes." Elle avait peut-être raison... J’ai quand même eu des moments très heureux avec les femmes de ma vie et mes enfants. J’ai essayé de tout avoir : faire ce métier et une vie privée pas trop égoïste. Car la musique est l’amour de ma vie. J’ai toujours su que mon métier était un divertissement, et j’ai entretenu une distance avec la célébrité. De nature, je n’étais pas "flambeur" ou "volage". D’ailleurs, j’ai été "casé" toute ma vie [rires]... Je ne suis pas le séducteur que l’on peut imaginer. Très jeune, j’ai eu une fiancée, France Gall. Ensuite, j’ai eu la chance de vivre retiré, à la campagne, avec Miou-Miou. Et aujourd’hui, Hélène (Grémillon) est ma femme. J’ai vécu plusieurs vies, mais toujours avec le même désir de travailler la musique. J’ai fait cela avec des enfants qui ont grandi dans mes pieds. Je suppose que c’est mon idée du bonheur...

Le couple de chanteurs Julien Clerc et France Gall chez Maxim"s en 1969.
Julien Clerc et France Gall en 1969, une passion amoureuse qui ne survivra pas aux lumières de la célébrité. © AGIP / Bridgeman Images

C’est votre "simplicité" qui vous a préservé ?

Tout est lié. Ma fille Jeanne, qui réussit très bien dans le milieu du cinéma, me dit toujours : "Papa, tu sais passer de ton piano à un sauté de veau." C’est vrai que je suis ainsi.

Vous avez vécu avec des femmes artistes. Un couple d’artistes est-il si difficile à tenir ?

Pas plus qu’un autre... Cela dépend de l’artiste. Miou-Miou était connue et célèbre en même temps que moi. Parfois, il y avait des histoires de lumières. Je ne pense pas que ce fut la cause de notre séparation. Peut-être plus avec France, qui était une chanteuse "en descente" quand nous nous aimions, avant qu’elle ne rencontre Michel (Berger). Hélène est écrivain, mais on ne se marche pas dessus. Elle écrit ses livres et ses films. J’ai eu la chance de vivre avec des femmes dotées de fortes personnalités, qui menaient leur vie. À leur contact, j’ai beaucoup appris.

Julien Clerc et sa compagne Miou-Miou sur le tournage D’amour et d’eau fraîche.
Miou-Miou et Julien Clerc, en 1975, lors du tournage du film D’amour et d’eau fraîche. © AGIP / Bridgeman Images

Après, vous n’êtes jamais le même homme ni le même père en fonction des âges...

J’ai eu des enfants de 30 ans à 60 ans... Mon dernier fils a 13 ans, et j’ai des petits-enfants qui ont son âge, ma femme est plus jeune que moi : c’est un coup de boost formidable. Récemment, Hélène m’a fait le plus beau des compliments, en me vouvoyant : "Vous avez vraiment un art, c’est celui de vieillir." Le temps qui passe, les nouvelles générations, Les Jours heureux : j’accepte tout cela avec autant de sérénité que possible.

Les Jours heureux, dernier album de Julien Clerc, Play Two.

Tournée 2021-2022 : wwwjulienclerc.com

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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