Comment s’organise la traque contre les oligarques ?
Au ministère de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire a mis en place une "task force" composée de plusieurs entités qui travaillent sur ce chantier. Premièrement, Tracfin, active dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, est notre cellule de renseignement financier. La Direction générale du Trésor analyse les aspects financiers et assure le lien avec Bruxelles. La Direction générale des Douanes et Droits indirects veille aux questions d’embargos commerciaux, d’exportations et d’immobilisation des yachts par exemple. Et la Direction générale des Finances publiques assure le gel des avoirs. Les listes établies par Bruxelles sont la base de travail mais chaque entité de Bercy peut identifier de nouveaux noms au cours de ses enquêtes. Ces informations sont alors remontées à la Commission européenne qui actualise sa liste s’il le faut.
Combien de noms comporte la liste ?
Il y a près de 900 noms et plus de 60 entités à l’heure à laquelle nous nous parlons. L’inventaire s’enrichit très fréquemment. Chaque pays de l’Union européenne contribue à l’enrichir en fonction de ses investigations. En ce qui concerne la France, nous avons envoyé une liste avec des dizaines de noms. Nous continuerons de faire remonter des noms en fonction de nos recherches. La toute première liste date de 2014 et a été établie au moment de l’invasion de la Crimée. À l’époque, les sanctions étaient des gels d’avoirs et surtout des interdictions de déplacement et d’entrée au sein de l’UE.

Procédez-vous véritablement à des saisies ?
L’administration gèle l’ensemble des éléments de ressources économiques des personnes mentionnées dans les listes. Concernant leurs biens immobiliers, l’idée est d’empêcher qu’ils génèrent des revenus susceptibles de financer la guerre en Ukraine. Les sanctions doivent atténuer la direction que prend la Russie dans cette affaire. Faire pression sur les oligarques, c’est les obliger à remettre en question cette guerre. Le président de la République et le ministre des Finances nous ont demandé de travailler avec la chancellerie pour étudier des mesures plus contraignantes que le gel. Par exemple, des saisies peuvent être effectuées lorsqu’il y a une infraction pénale ou une dette fiscale à recouvrer.
Quelle est la valeur des biens gelés ?
Nous estimons la valeur globale à 850 millions d’euros : 150 millions pour les comptes bancaires, 539 millions de biens immobiliers et 150 millions pour les yachts. Ce chiffre ne comprend pas le gel des avoirs de la banque centrale russe dans les systèmes bancaires européens (22 milliards d’euros gelés). En outre, il s’agit de valeurs minorées car les estimations pour les biens immobiliers ne sont pas celles du marché actuel. Les collections d’art ou autres n’entrent pas dans ces inventaires. Le but premier est d’immobiliser l’actif et non pas le contrôle fiscal.

Certains biens ont été gelés alors que leurs propriétaires ne figuraient pas sur la liste...
Il faut travailler vite et le principe de précaution prédomine. Il existe des situations à la marge, mais n’oublions pas que Bercy enquête quoiqu’il arrive sur toute sorte d’infractions financières, fraude fiscale ou autre. Par ailleurs, les restrictions sur les banques russes — qui ont été "deswiftées" et n’ont donc plus accès au système de messagerie qui sécurise les transferts financiers et interbancaires —, peuvent être un problème pour des Russes qui ne font pas partie de la liste. Les sanctions pèsent sur l’ensemble de l’économie russe. Faire dévaluer le rouble, c’est mettre de la pression sur le système économique russe et sur le président Poutine.
Connectez-vous pour lire la suite
Profitez gratuitement d'un nombre limité d'articles premium et d'une sélection de newsletters
Continuer
Un journalisme d’excellence, des contenus exclusifs, telle est la mission de Point de Vue. Chaque article que nous produisons est le fruit d’un travail méticuleux, d’une passion pour l’investigation et d’une volonté de vous apporter des perspectives uniques sur le monde et ses personnalités influentes. Source d’inspiration, notre magazine vous permet de rêver, de vous évader, de vous cultiver grâce à une équipe d’experts et de passionnés, soucieux de porter haut les couleurs de ce magazine qui a fêté ses 80 ans. Votre abonnement, votre confiance, nous permet de continuer cette quête d’excellence, d’envoyer nos journalistes sur le terrain, à la recherche des reportages et des exclusivités qui font la différence tout en garantissant l’indépendance et la qualité de nos écrits. En choisissant de nous rejoindre, vous entrez dans le cercle des amis de Point de Vue et nous vous en remercions. Plus que jamais nous avons à cœur de vous informer avec élégance et rigueur.