Windsor, la puissance d'une marque mondiale

Ils font rêver le monde entier et inspirent même les publicitaires. Plus fort que les Rockefeller, les Hilton ou les Trump, les Windsor ont fait de leur image un empire. Au service du Royaume-Uni et du Commonwealth. Contrefaçons s’abstenir. 

Par Thomas Pernette - 03 mars 2021, 06h45

 La reine Élisabeth II est incontestablement l’étoile de la famille royale du Royaume-Uni.
La reine Élisabeth II est incontestablement l’étoile de la famille royale du Royaume-Uni. © WPA rota / KCS PRESSE

"On appelle la famille royale la Firme, vous croyez que c’est anodin ?" Alastair Maclean, directeur du planning stratégique de l’agence Publicis Conseil ne peut pas s’empêcher de sourire. Cet Écossais installé en France, spécialiste du marketing, en est convaincu : les Windsor sont bien une marque. Puissante, mondiale, totale. 

"Une marque, c’est de la valeur ajoutée immatérielle. Si vous regardez les monarchies constitutionnelles sous cet angle, ce sont des régimes sans pouvoir politique ou presque, mais qui ont une valeur ajoutée, un pouvoir d’influence." Chez les Windsor, ce pouvoir est immense, notamment à l’international. En témoigne une étude de l’université de Warwick réalisée en 2016 sur le marché chinois.

Les Windsor sont aujourd’hui une véritable marque, avec des produits dérivés suivant l’actualité de la famille. Ici, la boutique royale propose des couverts en porcelaine pour le mariage de Harry et Meghan © Point de Vue Les Windsor sont aujourd’hui une véritable marque, avec des produits dérivés suivant l’actualité de la famille. Ici, la boutique royale propose des couverts en porcelaine pour le mariage de Harry et Meghan © Point de Vue

Interrogés sur leur vision du Royaume-Uni, les consommateurs chinois plébiscitent la reine. Un Chinois sur quatre la cite en premier, bien avant Big Ben ou la Tour de Londres. 57 % d’entre eux déclarent même qu’un produit ou un service estampillé "fournisseur royal" est un argument commercial de poids pour déclencher chez eux un acte d’achat. 

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Pas étonnant dans ces conditions qu’une marque de lait chinoise ait fait appel à Peter Phillips, l’aîné des petits-enfants de la souveraine, pour une publicité qui a par ailleurs été critiquée par les Britanniques.

La clé du succès ? Le mystère 

Si marque elle est, comment la maison Windsor a-t-elle réussi son "coup" ? "Comme dans toute marque, il y a une certaine discipline chez eux. Car une marque doit être gérée avec discipline", décrypte Alastair Maclean de Publicis Conseil. De la discipline, la dynastie n’en manque pas.

Pendant la Première Guerre mondiale, George V impose à sa famille l’abandon du patronyme de Saxe-Cobourg-Gotha, bien trop germanique, pour celui de Windsor. Un rebranding avant l’heure à une époque où le monde invente la propagande. Un siècle plus tard, interdiction est faite au duc et à la duchesse de Sussex d’utiliser leur prédicat d’Altesse Royale pour mener une nouvelle vie en Californie et développer leurs propres activités commerciales.

Les membres de la famille royale britannique sont de véritables célébrités dont on suit les moindres faits et gestes. © Robin Utrecht/ ABACAPRESSLes membres de la famille royale britannique sont de véritables célébrités dont on suit les moindres faits et gestes.© Robin Utrecht/ ABACAPRESS

"Un autre trait de la marque Windsor, c’est une certaine distance, une certaine hauteur. Never explain, never complain. À l’image d’une marque de luxe qui doit garder de la hauteur pour conserver son mystère et continuer à faire rêver. Pour être admiré, cette distance est indispensable." Plus la recette est mystérieuse, plus les produits s’arrachent.

En 2019, la vente d’objets dérivés commercialisés par la Royal Collection Trust a généré un revenu de près de 20 millions de livres sterling soit 23 millions d’euros. À titre de comparaison, les souvenirs vendus par la boutique de l’Élysée la même année n’ont rapporté que 77.000 euros à la République française, selon un rapport de la Cour des comptes.

Les Windsor font rêver la planète entière

À l’étranger, les membres de la famille royale sont de fantastiques ambassadeurs, missionnés dans les pays du Commonwealth et au-delà, par le Foreign Office. Mais inutile de quitter Londres pour entretenir la machine diplomatique et faire rêver la planète entière. Le mariage de William et Kate en 2011, puis celui de Harry et Meghan en 2018, ont offert au pays des campagnes de communication planétaires. Avec des retombées concrètes pour le tourisme.

Digne d’une superproduction sur grand écran, le mariage du prince William et de Kate Middleton, le 29 avril 2011, a attiré quelque 2 milliards de téléspectateurs. © KCS PRESSEDigne d’une superproduction sur grand écran, le mariage du prince William et de Kate Middleton, le 29 avril 2011, a attiré quelque 2 milliards de téléspectateurs. ©KCS PRESSE

Pour le seul mariage du duc et de la duchesse de Cambridge, The UK Association of Leading Visitor Attractions a enregistré la venue de 600.000 touristes supplémentaires, 60 % de Britanniques et 40 % de visiteurs étrangers. Des royal fans qui ont dépensé pour l’occasion 107 millions de livres sterling – 123 millions d’euros. La monarchie n’aurait d’ailleurs pas laissé indifférent le CIO dans sa décision d’attribuer les jeux Olympiques à la ville de Londres en 2012. Élisabeth II célébrait cette année-là son jubilé de diamant...

 

Sa participation à un court métrage en l’honneur des Jeux, aux côtés du comédien Daniel Craig, a été applaudie par 900 millions de téléspectateurs lors de la cérémonie d’ouverture. De quoi donner des complexes aux annonceurs américains qui dépensent des fortunes outre-Atlantique, les soirs de Super Bowl, pour toucher une audience dépassant rarement les 100 millions de téléspectateurs. Rien d’étonnant, donc, à ce que de nombreux secteurs rêvent de s’associer à la marque Windsor, le prêt-à-porter en tête.

Princes et princesses influenceurs

Kate ou Meghan, George ou Charlotte, autant de mannequins idéaux pour gagner en notoriété et gonfler les ventes. "Un effet royal", selon le cabinet de conseil Brand Finance, qui profite parfois... à la concurrence.

En 2011, Kate fait sensation en portant un manteau beige Burberry, proposé en boutique pour la coquette somme de 650 livres sterling (750 euros). Ce n’est pourtant pas la griffe anglaise qui tire profit de la publicité, mais la chaîne d’hypermarché Asda, avec un modèle quasi-similaire à 22 livres sterling (25 euros) ! Pour ce seul manteau, l’enseigne enregistre une hausse de ses ventes de 300 %.

Il suffit que Kate pose en photo pour qu'un vêtement soit en rupture de stock. Le trench Burberry qu'elle portait en 2011 à fait sensation. © Indigo/ Getty ImagesIl suffit que Kate pose en photo pour qu'un vêtement soit en rupture de stock. Le trench Burberry qu'elle portait en 2011 à fait sensation. ©Indigo/ Getty Images

Le 12 septembre 2019, Meghan dévoile les cinq pièces de la collection capsule qu’elle a imaginée au profit d’une association dont elle est la marraine. Quatre enseignes de mode participent à l’aventure : Marks & Spencer produit une robe, John Lewis & Partners un sac, Jigsaw un blazer et un pantalon, Misha Nonoo une chemise. Le jour même du lancement, le sac est déjà en rupture de stock.

Pourtant, tout ce que touche la famille de Grande-Bretagne est loin de se transformer en or. Le pouvoir de la marque a aussi ses limites. Si le prince de Galles est devenu le roi du bio grâce à Duchy Originals – 300 produits, principalement alimentaires, distribués dans plus de 30 pays dans le monde – les autres représentants de la firme ne brillent pas toujours par leur sens des affaires.

Produit phare de Duchy Originals, les biscuits secs du même nom, aux armoiries du duc de Cornouailles. © Service de presseProduit phare de Duchy Originals, les biscuits secs du même nom, aux armoiries du duc de Cornouailles. © Service de presse

En 1993, le prince Edward lève 2,2 millions de livres sterling – 2,5 millions d’euros – pour lancer sa maison de production, Ardent Productions. Quand la société dépose le bilan en 2009, elle laisse aux investisseurs... 40 livres sterling – 46 euros. À défaut de faire automatiquement recette, le royal fait parler... et se porte en toute saison.

 

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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