Valéry Giscard d'Estaing chez Élisabeth II, la visite d'État de 1976

En juin 1976, seize ans après le général de Gaulle, Valéry Giscard d'Estaing effectue une visite d'État au Royaume-Uni. L'accueil réservé par Élisabeth II est tout à fait enthousiaste et royal notait à l'époque Point de Vue: il y eut des carrosses, un discours à Westminster devant les Lords, des soirées de gala comme seuls savent en organiser les sujets de Sa Majesté. Morceaux choisis. 

Par - 03 décembre 2020, 12h04

 La reine et le président traversent les rues de Londres dans un landau le 22 juin 1976.
La reine et le président traversent les rues de Londres dans un landau le 22 juin 1976. © Keystone/Zuma / Bridgeman Images

Le "courant" passa parfaitement entre le couple royal et le couple présidentiel qui possèdent beaucoup d'affinités. La reine Élisabeth et le prince Philip connaissaient d'ailleurs fort bien M. et Mme Giscard d'Estaing, pour les avoir rencontrés lors de précédents séjours à Paris. Élisabeth II fit une entorse au sacro-saint protocole en accompagnant le président jusqu'à Édimbourg et en l'accueillant dans son château de Holyrood. C'était la première fois qu'un chef d'État français se rendait en Écosse. 

Premiers jours à Londres

À leur arrivée à Londres, le président de la république et son épouse Anne-Aymone Giscard d'Estaing furent reçus à l'aéroport de Gatwick par la princesse Margaret. Puis, ensemble, ils prirent le train et arrivèrent à la gare de Victoria où la reine Élisabeth II et le prince Philip les attendaient. 

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Les deux premières journées du voyage officiel de M. et Mme Giscard d'Estaing ont été ponctuées de manifestations du souvenir qui ont démontré que l'histoire de la France et de la Grande-Bretagne ont été bien souvent mêlées durant ce siècle. Le président de la République a ainsi rendu hommage au maréchal Foch, au général de Gaulle, et aux Français Libres, au Soldat Inconnu qui repose à l'abbaye de Westminster. Il a aussi vivement tenu à rencontrer la veuve d'un des personnages les plus marquants de l'Angleterre du XXe siècle: lady Spencer Churchill. 

Le cortège

Précédés de trois escadrons de Life Guards, vêtus de tuniques rouges et de casques d'argent, la reine Elisabeth et le président de la République française ont parcouru les rues de Londres dans un landau d'Etat qui date de 1904, année de l'Entente Cordiale. Mme Giscard d'Estaing et le prince Philip suivaient dans un landau marron. Pendant ce temps, deux batteries d'artillerie tiraient des salves d'honneur de la Tour de Londres et de Hyde Park.

L'échange des cadeaux 

Dans un des salons de Buckingham, la souveraine et le chef de l'État français ont échangé des présents. La reine Élisabeth s'est vue offrir un service de Sèvres blanc et or, le prince Philip une peinture de Joseph Vernet. Quant à M. Giscard d'Estaing, il a été très touché par l'attention de la souveraine qui lui a proposé d'agrandir le chenil de l'Élysée avec un labrador noir "Sandringham Samba". Mme Giscard d'Estaing a reçu un coffret en émail rouge ainsi qu'une boîte en argent et des photographies du couple royal. 

À l'heure du thé 

À 17 heures, le premier jour de leur visite à Londres, M. et Mme Giscard d'Estaing se sont rendus à Clarence House. Là, ils furent reçus par la reine mère Elizabeth qui leur offrit le thé. Il y a quelques jours, la mère de la souveraine a passé une semaine incognito en France chez une de ses amies, la duchesse de Magenta, propriétaire du château de Sully.

En souvenir de Winston Churchill

C'est aussi à l'heure du thé que le couple présidentiel pénétra au 7 Princes Gate, où réside lady Spenser Churchill. M. Giscard d'Estaing voulait rencontrer celle qui fut la compagne d'un des hommes britanniques les plus célèbres, lady Churchill, anoblie par la reine. Elle porte le titre de baronne Chartwell.

Les mots de Giscard d'Estaing à la reine

À la reine, M. Giscard d'Estaing a déclaré: "Je suis, Madame, le premier chef d'État français qui vienne en Grande-Bretagne depuis que nos deux pays sont membres de la même communauté. Ma visite est l'occasion pour nous de prendre acte de ce fait capital et de nous en réjouir. Je souhaite qu'elle conduise ainsi nos deux gouvernements à en tirer les conséquences pour l'établissement entre eux de rapports nouveaux, plus réguliers et plus confiants."

L'Ordre du Bain pour le président

La reine étant déjà grand-croix de la Légion d'honneur depuis 1948 et le duc d'Édimbourg depuis 1957, le président de la République française n'avait plus beaucoup de décorations à offrir. En revanche, la reine accorda à M. Valéry Giscard d'Estaing les insignes de grand-croix de l'Ordre du Bain. On sait que cet ordre est le second en Angleterre après celui de la Jarretière. 

Dîner d'Etat à Buckingham

Le premier dîner de gala au palais de Buckingham a réuni non seulement la reine, le duc d'Edimbourg et le couple présidentiel mais aussi tous les membres de la famille royale: la princesse Alice, duchesse douairière de Gloucester, le duc et la duchesse de Gloucester, la reine mère, la duchesse de Kent, la princesse Anne et le capitaine Mark Phillips, le prince Michel de Kent, la princesse Alexandra et l'Honorable Angus Ogilvy, l'amiral Mountbatten, la princesse Margaret. Toutes les dames portaient un diadème, excepté Mme Giscard d'Estaing, très élégante dans une longue robe en crêpe rose créée par Dior.

Le premier dîner de gala au palais de Buckingham a réuni non seulement la reine, le duc d'Édimbourg et le couple présidentiel mais aussi tous les membres de la famille royale. © Imago/Bridgeman Images
Le premier dîner de gala au palais de Buckingham a réuni non seulement la reine, le duc d'Édimbourg et le couple présidentiel mais aussi tous les membres de la famille royale. © Imago/Bridgeman Images

Au cours du dîner à Buckingham, la reine a déclaré: "La France tient une place très spéciale dans le cœur des Britanniques. (...) La plus grande partie de l'histoire de la France et de la Grande-Bretagne est aussi l'histoire des relations entre nos deux pays. (...) Voyez le Concorde! C'est un exaltant exemple de ce qui peut être réalisé par la Grande-Bretagne et la France quand elles mettent en commun leurs talents."

Après le dîner de gala qui s'est déroulé dans la salle de bal du palais de Buckingham, la reine Élisabeth et le président de la République ont échangé des toasts. La souveraine a affirmé: "Il serait vain de prétendre que des éléments de l'ancienne rivalité n'existent pas." Le chef de l'État français lui répondit: "Il n'y a sans doute pas d'autres peuples qui offrent dans leurs relations un mélange aussi exceptionnel d'admiration et d'irritation qui ont enchevêtré leurs histoires au point de ne plus savoir qui voulait s'installer chez l'autre et qui gardent soigneusement conservées les traces et les réputations d'hommes et d'œuvres qui, dans la guerre et dans la paix, ont marqué leur histoire d'événements communs, mais interprétés en sens contraire."

Le discours de M. Giscard d'Estaing au Parlement

M. Giscard d'Estaing a fait sensation au Parlement lorsqu'il s'est adressé dans un anglais parfait aux 500 députés. Celui-ci évoqua les lieux où il se trouvait, la Royal Gallery, en ces termes: "Ce palais de Westminster, qui est pour le peuple britannique un haut lieu de son histoire et de ses institutions, et qui demeure, pour le monde entier et pour nous autres Français, le symbole d'une réussite inégalée dans l'art, pour les hommes libres, de se gouverner eux-mêmes." Ces mots valurent deux minutes d'applaudissements au chef de l'État français.

Soirée à l'opéra 

C'est au son des trompettes des Horse Guards et devant des Yeomen que la reine et le président de la République ont pénétré dans Covent Garden. La loge royale avait été décorée de lys blancs. C'est M. Giscard d'Estaing qui avait lui-même choisi le programme: Le Bal Masqué de Verdi, qui raconte l'assassinat de Gustave de Suède par Anckarström, son meilleur ami, dont il aime en secret la femme... Mme Giscard d'Estaing portait une robe créée par Jean-Louis Scherrer en mousseline blanche incrustée de pierreries. 

Très brillante soirée au Covent Garden de Londres. Au programme: Le Bal masqué de Verdi, opéra choisi par M. Giscard d'Estaing. © PICOT/GAMMA-RAPHO
Très brillante soirée au Covent Garden de Londres. Au programme: Le Bal masqué de Verdi, opéra choisi par M. Giscard d'Estaing. © PICOT/GAMMA-RAPHO

Dîner officiel à l'ambassade de France

M. et Mme Giscard d'Estaing étaient, pour un soir, maîtres de maison à l'ambassade de France où ils ont accueilli le couple souverain au dernier jour de leur présence...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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