Au premier étage, un rideau frémit. Réflexe, ils déclenchent. Les photographes royaux aguerris le savent : un jour de parade à Londres, il est recommandé de garder un œil sur les fenêtres du palais de Buckingham. C’est là qu’on saisit, depuis des décennies, des images tendres et spontanées – parfois quelques grimaces, langues tirées et doigts dans le nez. D’inénarrables tranches de vie des petits princes.
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George, Charlotte et Louis en pleine lucarne
8 juin 2019. Louis, un an, fait une moue boudeuse. Soudain le petit prince s’anime, il pointe un doigt potelé contre la vitre : une fanfare, des chevaux, des carrosses ! C’est son premier Trooping the Colour. Auprès de lui, sa sœur Charlotte, 3 ans, agite la main pour saluer la foule. Une vraie petite princesse modèle. Leur aîné le prince George, bientôt 5 ans, les rejoint dans l’embrasure sans avoir l’air de se formaliser de toute cette agitation. Lui est presque déjà un habitué…


Chaperonnés par leur nanny Maria Borrallo, tous les trois guettent ce jour-là le retour de leurs parents, le duc et la duchesse de Cambridge, après la cérémonie du salut aux couleurs sur Horse Guards Parade. Aucun d’eux n’a encore l’âge d’y assister, ni de participer à la procession, mais comme leurs aînés ils apparaîtront bientôt au balcon, pour la clôture du défilé militaire et le passage de la Royal Air Force. Sensations – et réactions – garanties.
Charles et Anne au couronnement de 1953
2 juin 1953. Le prince Charles, quatre ans, chausse une paire de jumelles pour mieux voir venir le cortège. Quelques heures plus tôt le bambin était dans la loge royale de l’abbaye de Westminster, installé entre sa grand-mère, la reine mère, et sa tante, la princesse Margaret, pour assister au couronnement de sa maman, Élisabeth II. Mais accoudé à la tribune, l’héritier s’est vite ennuyé…

Une nanny l’a donc prudemment exfiltré et reconduit à Buckingham. Là, depuis une fenêtre du palais, le jeune prince et sa sœur Anne, deux ans, minuscule silhouette aux boucles blondes, jouissent d’un point de vue imprenable sur le mémorial de la reine Victoria. Ils font face aux tribunes élevées pour ce jour historique, et à la longue avenue, The Mall, ponctuée des monumentales arches du couronnement. Frère et sœur s’échangent les jumelles, observent à tour de rôle officiers et membres du public dans la foule compacte. Tous deux attendent avec impatience de voir apparaître le carrosse d’or d’État…

On leur a expliqué le déroulement des opérations : quand ce flamboyant véhicule qui mène leurs parents à travers la ville sera de retour au palais, alors viendra l’heure de les rejoindre pour aller saluer la foule depuis le balcon. Un instant grisant, mais aussi très impressionnant. En attendant, les petits prince et princesse jouent les curieux sous la surveillance rapprochée de leurs gouvernantes.
La curiosité royale n’a pas d’âge
Au fil du temps, des mariages, des célébrations annuelles et des parades de jubilés ont défilé derrière les rideaux de ces mêmes grandes fenêtres du palais de Buckingham les princes Andrew et Edward, dans les années 1960 et 1970, puis les princes William et Harry dans les années 1980, mais aussi leurs cousins Zara et Peter Phillips, ou encore les princesses Beatrice et Eugenie d’York… Le secret de cet excellent poste d’observation se transmet de génération en génération.

Depuis plus de soixante-dix ans ces instantanés enfantins, saisis sur le vif loin du protocole, témoignages tantôt d’affection tantôt d’espièglerie, font le bonheur des journaux et ravissent le public. Il n’y a d’ailleurs pas d’âge pour garder son âme d’enfant. À 90 ans passés, il arrivait encore à Élisabeth II d’écarter le rideau pour jeter un rapide coup d’œil à l’extérieur de son palais. Elle y découvrait un contrechamp inaccessible au commun des mortels : l’horizon royal.
