The Crown: derniers éléments pour démêler le vrai du faux

La saison 4 de la série, produite par Netflix, revisite certains épisodes méconnus de la vie privée et publique de la famille royale britannique. Mais où s’arrête la reconstitution fidèle, et où commence la fiction? Dernier volet de notre enquête, pour démêler le vrai du faux. 

Par Estelle Lenartowicz - 03 décembre 2020, 08h00

 Entre réalité et fiction, The Crown retrace l'histoire contemporain du Royaume-Uni.
Entre réalité et fiction, The Crown retrace l'histoire contemporain du Royaume-Uni. © Des Willie / Netflix

La mort de lord Mountbatten

Le Shadow V vient tout juste de quitter le port de Mullaghmore, sur la côte de Sligo, en ce bel après-midi du 27 août 1979. Cinq minutes plus tard, le bateau saute et se désintègre. À son bord, sept personnes dont lord Mountbatten, l’oncle maternel du prince Philip, parti pêcher avec Nicholas Knatchbull, son petit-fils de 14 ans.

Tous deux sont tués sur le coup par l’explosion d’une bombe, déclenchée par l’Armée républicaine irlandaise provisoire. Au bilan s’ajoutent aussi un garçon de 15 ans, Paul Maxwell, et Doreen, baronne douairière Brabourne, morte quelques heures plus tard de ses blessures.

Le comte et ses proches sur le Shadow V, le petit bateau de pêche détruit par une bombe lors de l’attaque. © Photo12/Alamy/Robert Estall photo agency
Le comte et ses proches sur le Shadow V, le petit bateau de pêche détruit par une bombe lors de l’attaque. © Photo12/Alamy/Robert Estall photo agency

Évoqué dans l’épisode inaugural de la nouvelle saison de The Crown, l’attentat de l’IRA bouleverse le royaume et frappe durement la reine et ses proches. Fidèle ami et cousin adoré de Sa très Gracieuse Majesté, "Dickie" était aussi un mentor pour son fils aîné, le prince Charles

À 79 ans, l’ancien vice-roi des Indes se savait menacé, déjà victime d’une première tentative d’assassinat déjouée de peu un an plus tôt. Dans un contexte de fortes tensions en Irlande du Nord, l’homme constituait une "cible parfaite" en raison de son passé militaire et de sa proximité avec Élisabeth II.

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Contrairement à ce que laissent croire les scénaristes de The Crown, lord Mountbatten n’a pas, à la veille de sa mort, écrit au prince Charles pour critiquer sa liaison avec Camilla et l’inciter à épouser Diana. Le créateur de la série, Peter Morgan, admet avoir inventé le courrier de toutes pièces, s’inspirant de lettres plus anciennes et arguant qu’il contient tout ce que lord Mountbatten pensait à l’époque.

Militaire haut gradé et proche de la famille royale, le comte de Mountbatten (photographié ici en 1977) avait déjà été la cible d’une première tentative d’assassinat par l’organisation terroriste irlandaise IRA. © MEPL/Bridgeman images
Militaire haut gradé et proche de la famille royale, le comte de Mountbatten (photographié ici en 1977) avait déjà été la cible d’une première tentative d’assassinat par l’organisation terroriste irlandaise IRA. © MEPL/Bridgeman images

Une distorsion jugée "mensongère" par une partie de la presse britannique. Imaginant à tort un échange épistolaire tendu, l’épisode donnerait une image trompeuse des relations entre Charles et son grand-oncle, pourtant restées chaleureuses jusqu’au bout.

Le mystère des cousines cachées

Elles partagent le même sang qu’Élisabeth II, et pourtant, leur existence a longtemps été gardée secrète, effacée de l’arbre généalogique officiel. Comment deux cousines germaines de la reine ont-elles pu être déclarées mortes, puis ignorées pendant des décennies par la famille royale? Librement relatée dans l’épisode 7 de la nouvelle saison de The Crown, l’histoire tragique de Nerissa et Katherine était jusqu’ici largement méconnue du grand public. Nées respectivement en 1919 et en 1926, elles sont deux des cinq filles de John Herbert Bowes-Lyon –le frère de la future reine-mère– et de son épouse, Fenella Hepburn-Stuart-Forbes-Trefusis.

Atteintes depuis l’enfance de lourds troubles mentaux, elles grandissent d’abord avec leurs parents et leurs sœurs –dont l’une deviendra la princesse Anne de Danemark, future mère de lady Elizabeth Shakerley, grande amie de la reine Élisabeth II décédée le 1er novembre 2020.

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Mais lorsque leur père meurt d’une pneumonie en 1930, Nerissa et Katherine sont envoyées dans un centre d’hébergement spécialisé, au moment même où George VI s’apprête à monter sur le trône. À une époque où les scientifiques assurent que les infirmités sont héréditaires, il est impensable que les Britanniques apprennent que les nièces de la femme du roi –et la mère de la future héritière du trône–souffrent de graves handicaps. La décision est alors prise de passer sous silence leur existence.

Dans la plus grande discrétion, Nerissa et Katherine sont internées au Royal Earlswood Asylum for Mental Defectives, au sud de Londres, où elles passeront plusieurs décennies. Le Burke’s Peerage, un ouvrage faisant autorité dans l’ordre de préséance des familles nobles du Royaume-Uni, les déclare décédées en 1940, alors que Nerissa vivra jusqu’en 1986 et Katherine jusqu’en 2014!

Les sœurs Bowes-Lyon connaissaient leurs origines royales. Dans la série produite par Netflix, la princesse Margaret découvre leur existence. © Netflix
Les sœurs Bowes-Lyon connaissaient leurs origines royales. Dans la série produite par Netflix, la princesse Margaret découvre leur existence. © Netflix

Dans un documentaire diffusé sur Channel 4 en 2011, des infirmières de l’asile affirment que les deux sœurs –qui n’ignoraient rien de leur haute ascendance– n’ont jamais reçu de visite, de présent, ni de carte de vœux de la part de la famille royale. Si la série The Crown met en scène la découverte par la princesse Margaret de ce cruel bannissement, rien n’atteste que cette dernière a réellement contacté ses cousines avant sa disparition en 2002.

Il n’est pas non plus confirmé qu’Élisabeth II et sa mère ont été à l’époque au courant du sort réservé aux deux parentes. D’après un article de The Sun, aucun proche n’a assisté aux funérailles de Nerissa en 1986. Triste ironie pour Queen Mum, pourtant mécène de plusieurs associations venant en aide aux personnes atteintes de déficiences mentales.

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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