"J’ai donné son glamour à Diana et sa confiance en elle à Camilla", confiait le créateur Bruce Oldfield au Daily Mail, en 2014. S’il peut s'enorgueillir de tels accomplissements, le styliste est pourtant sur le point de réaliser le plus grand défi de sa carrière. Vendredi 24 février 2023, la presse britannique dévoile le nom du couturier à qui revient l’immense honneur de réaliser sa robe de couronnement, qui se déroulera le 6 mai 2023. Sans surprise, Camilla a fait confiance à Bruce Oldfield avec qui elle entretient une relation amicale depuis une décennie. Un choix comme une évidence pour la reine selon The Sun. Car au fil des dernières années, l'épouse de Charles III est apparue à de nombreuses reprises dans des créations Oldfield.

Spécialiste du "formal wear" — les vêtements de cérémonie —, le Londonien a pour habitude de travailler avec la famille royale britannique. Durant les années 1980 et 1990, il avait déjà pour muse la princesse Diana pour qui il a créé des centaines de robes pour ses sorties officielles devenant ainsi l'un de ses designers favoris. En 2016, une exposition au palais de Kensington a même été consacrée aux robes signées Oldfield de l’ancienne princesse de Galles. Qu’il habille Diana, Camilla, Barbara Streisand ou même Catherine Zeta-Jones, Bruce Oldfield a réalisé un parcours professionnel hors du commun alors que rien ne l’y prédestinait.
Foyers d'accueil
Enfant illégitime d'un boxeur jamaïcain et d’une mère à la santé mentale fragile dans le Londres des années 1950, le petit Bruce est abandonné à la naissance. Après le placement de sa mère dans un hôpital psychiatrique, le bébé est placé dans des foyers pour jeunes garçons de l'institut Barnardo's. Trimballé de famille en famille, Bruce trouve finalement un peu de stabilité auprès de Violet Masters, une couturière installée à Durham dans le nord-est de l'Angleterre qui recueille l’enfant à ses dix-huit mois.

Dans ce foyer modeste où il est rejoint par trois autres enfants, Oldfield s’enrichit du savoir-faire de celle qu’il finira par considérer comme sa propre mère. Car au-delà d'aimer le jeune Bruce comme son fils, Violet lui transmet également sa passion pour la couture. "Violet a créé une famille pour nous et nous le sommes toujours avec mes frères et sœurs. Leurs enfants sont mes neveux et nièces", expliquait Oldfield au quotidien The Journal en 2014.

Quelques années plus tard, alors qu’il termine ses études au sein de l'incontournable école de mode Central Saint Martins, le jeune homme voit sa collection de fin d’études achetée dans son entièreté par l’actrice et icône de mode Bianca Jagger. Une acquisition qui entame de faire d’Oldfield l’un des créateurs les plus prisés de sa génération. Cinq ans plus tard, après un passage dans le bouillonnant New York des années 1970 où il se lie d'amitié avec l'actrice Charlotte Rampling, les mannequins Marie Helvin ou Jerry Hall, le Britannique fait sa première apparition dans les pages de Vogue UK et lance sa ligne de prêt-à-porter. Mais c’est bien dans la haute couture qu’il excelle.
L'ami de Diana
En 1978, Oldfield impose sa marque grâce à des robes du soir sophistiquées et près du corps. Il ne faut pas longtemps avant que Diana ne s’intéresse à l'étoile montante du paysage mode. En 1980, la princesse de Galles fait appel à ses services pour une robe qu’elle portera lors de la traditionnelle cérémonie qui voit la reine Élisabeth allumer les lumières de Noël sur l’artère commerçante londonienne d’Oxford Street. La première d’une longue série.

Pendant une décennie, le créateur s’applique à concevoir des tenues toutes plus resplendissantes les unes que les autres pour la princesse de Galles. Mais celle qui marque les mémoires reste la robe qu'elle porte à l’avant-première du James Bond intitulé Dangereusement vôtre en 1985. Taillée dans un lamé argenté, avec son décolleté plongeant et son dos nu, elle atteste du statut d'icône mode de Diana et installe définitivement Bruce Odlfield au firmament des stylistes britanniques incontournables sur la scène mode internationale.

En 1990, il reçoit d'ailleurs l'Ordre de l’Empire Britannique pour l'ensemble de son travail. Reconnaissance ultime, c'est lui qui confectionne la robe de mariée de la future reine Rania de Jordanie en 1993.

Son amitié avec Diana se nourrit aussi de leur volonté d'aider les plus démunis, en notamment les enfants élevés en foyer d'accueil comme lui. Au côté de la princesse de Galles, il promeut des campagnes de dons pour Barnardo's – lui et la princesse ont été les têtes d'affiche d'un dîner de gala en 1983 qui a permis de récolter suffisamment de fonds pour créer un foyer pour enfants handicapés à Darlington – puis en tant qu'ambassadeur de l'organisation caritative dont il est aujourd'hui le vice-président.
Camilla, nouvelle muse d'Oldfield
Après la tragique mort de Diana en 1997, Bruce Oldfield connaîtra une relative traversée du désert. Il en profite pour écrire son autobiographie, Rootless (Sans racines) en 2004. Au début des années 2010, ses créations sont de nouveau plébiscitées par la Cour. En 2013, Camilla, alors duchesse de Cornouailles, étrenne une robe turquoise à dentelle Oldfield lors de son déplacement au Sri Lanka. Puis, à nouveau en 2015, à l'ouverture officielle du Parlement, elle marque les esprits dans une robe blanche satinée. Pour les courses de Royal Ascot en 2021 et 2022, l'épouse de Charles jette également son dévolu sur des pièces Oldfield.

Lors de la première du James Bond Mourir peut attendre en 2021, Camille porte une robe du soir bleu ciel griffée Oldfield, trente-six ans après l’iconique robe de Diana en lamé argenté. "Le secteur a énormément évolué et je me demande parfois comment j'ai pu y rester aussi longtemps", analyse-t-il toujours à The Journal basé à Newcastle. "Cela a quelque chose à voir avec le créneau que je me suis fixé, à savoir des pièces de couture uniques de haute qualité pour ceux qui apprécient le travail, le design et la coupe."

Pour son premier dîner d'État comme souveraine à l'occasion de la visite au Royaume-Uni du président sud-africain Cyril Ramaphosa en novembre 2022, Camilla porte une robe bleu nuit Oldfield qu'elle associe à la parure de saphirs d'Élisabeth II.

Après avoir accompagné la reine consort au fil des années, Bruce Oldfield apparaît comme le choix évident pour réaliser la robe de couronnement de Camilla. Son savoir-faire et son expérience dans la création de vêtements de cérémonie en font, en outre, le candidat idéal. "Mes vêtements ont toujours été assez simples et flatteurs et il n'y a aucune raison pour que cela ne puisse pas être partagé avec tout le monde", concluait, en 2014, le créateur pour qui la retraite n'est pas une possibilité. "Que ferais-je ? Non, j'ai plein de choses à faire." À 72 ans, il se prépare, dans l'ombre, à réaliser l'oeuvre d'une vie.