Meghan en campagne contre Donald Trump

Alors que Meghan et Harry ont appelé, dans une nouvelle vidéo, les Américains à voter le 3 novembre prochain, Donald Trump, de son côté, a répliqué sur Twitter... avec dans son viseur la duchesse de Sussex! Markle contre Trump? C'est l'autre face-à-face outre-Atlantique.

Par Thomas Pernette - 09 septembre 2020, 08h15

 Les nombreuses personnalités qui soutiennent l'opposant de Donald Trump, le candidat démocrate Joe Biden, n’ont pas oublié le cataclysme de 2016 et l’incroyable défaite d’Hillary Clinton, la duchesse de Sussex en tête.
Les nombreuses personnalités qui soutiennent l'opposant de Donald Trump, le candidat démocrate Joe Biden, n’ont pas oublié le cataclysme de 2016 et l’incroyable défaite d’Hillary Clinton, la duchesse de Sussex en tête. © Pool/Samir Hussein/WireImage

Deux femmes discutent dans un jardin. La première, Gloria Steinem, est une figure du féminisme aux États-Unis, décorée par Barack Obama en 2013, soutien d’Hillary Clinton en 2016, coorganisatrice de la marche des femmes en réaction à l’entrée de Donald Trump à la Maison Blanche. La seconde est Meghan Markle, duchesse de Sussex. Nous sommes à dix semaines de l’élection présidentielle américaine. Et, bien sûr, il y a une caméra. L’échange est chaleureux, souriant, gorgé d’optimisme.

Jamais il ne sera question ni du parti démocrate ni du parti républicain. La guerre Trump-Biden n’a pas droit de cité. En apparence du moins. Car le message de Gloria Steinem ne fait aucun doute: "Si vous ne votez pas, vous n’existez pas." Comme un rappel à la cruelle défaite d’Hillary Clinton il y a quatre ans, battue faute d’avoir su mobiliser les électeurs qu’elle croyait alors acquis à sa cause. La duchesse de Sussex opine du chef. À sa manière, elle est entrée en campagne.

"Ce n’est pas une surprise", sourit Max Foster, correspondant de CNN à Londres. "Avant qu’elle ne devienne membre de la famille royale britannique, nous connaissions déjà ses opinions politiques." Comédienne engagée, Meghan Markle, il est vrai, n’a jamais caché son aversion pour Donald Trump. Et n’a pas ménagé sa peine, à l’image du Tout-Hollywood, pour lui barrer la route de Washington.

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Invitée du Nightly Show sur la chaîne de télévision Comedy Central en 2016, celle qui n’est alors que Rachel Zane dans la série Suits se lance dans une diatribe anti-Trump, "misogyne" et "clivant". "Trump nous facilite les choses, il est clair qu’on ne veut pas du monde qu’il esquisse." Donald Trump sera pourtant élu le 8 novembre 2016. Et, en devenant la fiancée du prince Harry, treize mois plus tard, Meghan perdra sa liberté de parole. Mais depuis les cartes ont été rebattues, et la belle-fille du prince Charles pourrait bien prendre sa revanche.

La règle de neutralité politique de la famille royale

En renonçant à leur rôle de senior royals et en s’installant en Californie, les Sussex ont gagné une forme d’indépendance; Meghan a de nouveau les coudées franches. Pour le plus grand bonheur de ses "amis" démocrates, Michelle Obama en tête. Les deux femmes se sont d’ailleurs retrouvées virtuellement, le 20 août dernier, à l’occasion d’une visioconférence organisée par l’association When We all Vote, fondée en 2018… par l’ancienne First Lady! L’objectif: ramener dans le droit chemin les abstentionnistes dont Joe Biden aura impérativement besoin en novembre prochain. "Nous sommes à seulement soixante-quinze jours de l’élection, c’est si proche, et il y a pourtant tant à faire en si peu de temps, parce que nous savons tous ce qui est en jeu cette année", s’enflamme alors l’épouse du prince Harry.

À Londres, les conseillers de Buckingham s’étranglent. La sortie de la duchesse de Sussex –et son déjà célèbre "ce qui est en jeu cette année"– dépasse largement la règle de stricte neutralité que s’imposent les membres de la famille royale britannique en matière de politique, tant nationale qu’internationale. Les tabloïds tiennent leur nouveau faux pas: la duchesse est une dangereuse suffragette. Et s’apprête à commettre l’irréparable en glissant un bulletin dans l’urne. Oubliant par la même occasion que les Windsor ont le droit de vote au Royaume-Uni, mais ne l’exercent pas.

En tant que chef de l’État, Élisabeth II, certes, est tenue de s’afficher au-dessus de tout clivage politique, mais aucune loi n’a jamais expressément interdit au monarque de voter. Quant aux autres membres de la famille royale, qui représentent la reine en de multiples occasions, ils se tiennent au même mutisme par pure convention, conscients qu’une prise de position, quelle qu’elle soit, causerait de sérieux dommages à l’institution monarchique.

"Sauf que Meghan Markle pousse le concept de monarchie moderne dans une toute nouvelle direction", analyse Max Foster de CNN. Au point de déclarer qu’elle votera Joe Biden et d’encourager ses soutiens à en faire de même? "Je ne pense pas. Elle sait que ce serait un problème pour la reine. Ce serait forcément inconfortable pour Élisabeth II d’avoir quelqu’un de si proche engagé à ce point. Meghan a conscience de cela. Elle a beaucoup de respect pour la souveraine. Et Harry est toujours 6e dans l’ordre de succession au trône."

Meghan pourrait faire basculer la présidentielle américaine

Il n’empêche, dans le jeu des démocrates, la duchesse de Sussex représente une alliée hors pair, même sans se déclarer ouvertement. "Son histoire est un conte de fées! Elle est cette petite fille métisse qui grandit et épouse un prince. Ce côté Cendrillon impressionne beaucoup aux États-Unis, particulièrement les jeunes", résume Nicco Mele, professeur à Harvard, expert en communication politique et nouveaux médias. "Pour gagner, Joe Biden a besoin de mobiliser en très grand nombre le vote des jeunes et de la communauté noire. Or ce n’est pas vraiment un candidat qui suscite un fol enthousiasme." 

Tout le contraire d’une Meghan Markle, qui a toujours été fière de ses origines, prend la parole "en tant que femme de couleur" au Cap, en Afrique du Sud, ou exprime sa solidarité et son soutien au mouvement Black Lives Matter, après la mort de George Floyd. Un modèle pour toutes les jeunes filles afro-américaines, et plus largement pour une partie de l’Amérique qui voit avec inquiétude la montée des tensions entre communautés.

"Mais si elle obtient que tous les jeunes et tous les Afro-Américains de Californie ou de New York votent pour Joe Biden, il n’y aura aucune différence, aucun impact", prévient Nicco Mele. "Par contre, il y a entre sept et douze États où elle peut faire la différence en aidant à engranger des voix." L’élection se joue donc à Milwaukee, à Philadelphie et à Détroit. Pas à Los Angeles. C’est la Caroline du Nord, la Géorgie ou l’Arizona, que la duchesse de Sussex doit maintenant convaincre. Des territoires loin, très loin, des paillettes d’Hollywood.

Les célébrités ont-elles encore le "pouvoir" de faire basculer une élection? En 2016, les démocrates pouvaient se targuer d’avoir à leur côté la fine fleur de l’entertainment. Une puissante industrie prête à croiser le fer. En vain. Les stars ne feraient-elles plus recette? Pour Genevieve Roth, fondatrice de l’agence Invisible Hand spécialisée dans les médias sociaux et ancienne directrice de campagne d’Hillary Clinton en charge des personnalités: "Les célébrités et les influenceurs sont considérés comme des sources d’information fiables par leurs fans et leurs followers. Utilisés stratégiquement, ils peuvent être d’une grande utilité dans les campagnes." 

La duchesse de Sussex est clairement de ceux-là. "Meghan Markle est intéressante, car elle est reconnue depuis longtemps pour ses activités philanthropiques et son activisme –bien avant qu’elle se marie et entre dans la famille royale. C’est une féministe bénéficiant d’une grande crédibilité. Quand on se demande si tel individu peut être un atout, elle remplit clairement la plupart des critères."

Activiste en 2020, candidate en 2024? 

Crédibilité et notoriété, un cocktail payant à condition qu’il soit savamment dosé. Et gare à ceux qui pensent que leur seule renommée suffira. À l’image de la chanteuse Taylor Swift, qui a récemment mordu la poussière. Longtemps rétive à l’idée de s’engager en politique, l’artiste aux 200 millions d’albums vendus dans le monde saute le pas en 2018, lors des élections de mi-mandat.

Forte de ses 112 millions d’abonnés sur Instagram à l’époque –à titre de comparaison Sussex Royal ne compte que 10,8 millions d’abonnés–, Taylor Swift déclare publiquement son soutien au candidat démocrate en lice pour le poste de sénateur dans son Tennessee natal. Elle engage alors les jeunes à s’inscrire massivement sur les listes électorales. En l’espace de vingt-quatre heures seulement, plus de 51.000 personnes effectuent la démarche, preuve du pouvoir de mobilisation de la star sur ses fans. Tout semble alors possible. Sauf que c’est la candidate républicaine ultra-conservatrice, proche de l’administration Trump, qui l’emportera haut la main avec 54,7% des suffrages.

Le 23 septembre 2019, premier jour d’une tournée en Afrique australe, la duchesse de Sussex prend la parole au Cap et s’adresse aux femmes et aux jeunes du quartier défavorisé de Nyanga. Les images feront le tour du monde. © Vogler Ian/PA Photos/ABACAPRESS.COMLe 23 septembre 2019, premier jour d’une tournée en Afrique australe, la duchesse de Sussex prend la parole au Cap et s’adresse aux femmes et aux jeunes du quartier défavorisé de Nyanga. Les images feront le tour du monde. ©Vogler Ian/PA Photos/ABACAPRESS.COM

Une chose reste certaine: l’élection présidentielle se jouera sur les réseaux sociaux, Facebook en tête. En 2016, déjà, Donald Trump l’a emporté grâce à Facebook, utilisant le réseau comme aucun politicien ne l’avait fait avant lui, ciblant les publics à l’extrême et les bombardant de messages. Cette année encore, le mastodonte de Mark Zuckerberg pourrait bien être le faiseur de roi. Et ce même si les jeunes le désertent de plus en plus. Car leurs aînés, électeurs fidèles, continuent d’y être actifs.

Or, Meghan et Harry soutenaient cet été une campagne de boycott contre Facebook, accusé de laisser fleurir les messages de haine et les fake news. La semaine dernière, le couple a signé un accord avec une autre plateforme, Netflix, les propulsant au rang de producteurs. Reste à savoir si cet "activisme" contribuera à l’élection de Joe Biden. À moins qu’il n’ouvre la voie à une autre candidature en 2024… Celle de Meghan?

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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